Lettre ouverte à Monsieur le président de la République et à Madame la ministre de la Santé

Publié le 26/10/2017
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J’ai 65 ans, je suis médecin cancérologue-radiothérapeute dans un Centre de Lutte Contre le Cancer, exerçant cette discipline depuis plus de 35 ans et passionné par les problèmes de santé publique.

Lors de la campagne pour l’élection présidentielle 2017, la santé publique est restée peu (voire pas du tout) présente lors des débats des primaires et du « grand show télévisé » des 11 candidats.

Le thème de la santé publique est très familier au président de par son environnement familial et à Madame la ministre qui est Professeur de médecine des Hôpitaux. J’avais bien entendu pris connaissance du programme « santé » du candidat Emmanuel Macron, programme que je partageais tout à fait dans sa globalité mais dans un contexte de santé publique menacée, je me permettrais de faire un rapide état des lieux de la santé en France.

- Les hôpitaux :

• 6 600 lits en moins en 3 ans,

• 22 000 suppressions de postes (départs à la retraite non remplacés, postes intérimaires supprimés),

• Démissions en masse de médecins dans les services d’urgences (Valognes, Avignon, Dreux, Senlis…),

• Fermeture de nombreux petits hôpitaux de proximité par manque d’effectif,

• Harcèlement et maltraitance des médecins et personnels soignants par leur hiérarchie (200 signalements sur 70 hôpitaux depuis le suicide du Pr Megnien en décembre 2015),

• 72 % des internes déclarent travailler 50 heures et plus par semaine (enquête du conseil national de l’Ordre des médecins) ; un certain nombre d’entre eux étant atteint de burn-out,

• Pénurie de médecins : 26 % de postes vacants (notamment en radiologie, anesthésie, neurologie, ophtalmologie, oncologie médicale),

• …

x- La violence aux urgences et dans les cabinets médicaux :

• 924 incidents en 2015 (agressions verbales et physiques, menaces, vols, dégradations…) dont 7 % avec arrêt de travail du soignant,

• Des faits graves d’agressions directes de médecin (5 en 2016) jusqu’au meurtre le 2 février 2017 à Nogent-le-Rotrou d’un médecin à son cabinet (30 coups de couteau),

•…

- La désertification médicale :

• Paris menacé : 2 820 médecins généralistes en 2007, 1 997 médecins en 2016,

• 2 000 patients à Bergerac sont sans médecin,

• Dans la région de Beaucaire et Tarascon, 13 médecins pour 13 000 habitants en 1989, 6 pour 14 000 en 2017 et 3 à l’horizon 2022,

• …

De nombreux bassins de soins sont ainsi affectés avec pour conséquence le refus des médecins (devenus en nombre insuffisants) de prendre en charge de nouveaux malades.

- La dépendance :

Actuellement 8 % des séniors sont touchés par la perte d’autonomie surtout après l’âge de 80 ans ; il est de plus en plus difficile de trouver une place disponible en EHPAD. Le coût moyen mensuel dans ce type d’institution est de 2 200 euros par mois alors que le revenu moyen mensuel d’un retraité est de 1 300 euros.

Le tableau est sombre mais cette réalité doit être connue de la population et des dirigeants afin d’évaluer l’importance des mesures à prendre mais aussi de les faire accepter. Des mesures évoquées par certains politiques et professionnels de santé (et très récemment certaines mesures annoncées par le gouvernement) sont à mettre en application au plus vite mais nécessitent un fort courage politique. La santé publique est en grand danger ; des mesures urgentes sont à prendre même si certaines indispensables (mais très efficaces) doivent aller au-delà du simple volontariat !

Il me paraissait important pour les professionnels de santé et la population qu’ils soignent de rappeler cet état des lieux on ne peut plus alarmant !

Bien respectueusement,

Dr Hugues Auvray, Rouen (76)

Source : Le Quotidien du médecin: 9613