DEUX ANS QUE ÇA DURE. Deux ans que les enseignants et les internes, les étudiants et les jeunes généralistes réclament une filière universitaire pour leur discipline. Ils représentent près de la moitié des médecins en activité et des internes en formation. La médecine générale est devenue une spécialité en 2004 avec la création d'un diplôme d'études spécialisées (DES) aux épreuves classantes nationales (ECN).
En dépit de ces avancées, la médecine générale reste un parent pauvre de l'université française. A peine a-t-elle obtenu en octobre 2006 le droit d'exister au Conseil national des universités (CNU) avec la création d'une option de médecine générale. Les récents rapports Lancry sur les conséquences de la spécialisation de la discipline ou encore celui des Inspections générales des affaires sociales (Igas) et de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche (Igaenr) ont montré l'ampleur des obstacles qu'il faudra franchir pour faire de la médecine générale une spécialité à part entière.
Après les manifestations des généralistes enseignants, les mouvements de grève des internes soutenus par les étudiants et les jeunes généralistes, le gouvernement a bien annoncé la titularisation de dix généralistes enseignants par an pendant trois ans. Des postes de chef de clinique doivent également voir le jour d'ici à deux ans dans toutes les facultés de France (« le Quotidien » du 15 janvier). Au rythme où vont les choses, la médecine générale devrait rester une spécialité au rabais pendant bien des années encore. C'est à un moment crucial, alors que se profilent des élections qui pourraient bouleverser le paysage politique du pays, que les acteurs du dossier ont décidé de s'adresser au gouvernement pour faire bouger les choses. «Au moment où les rapports officiels se succèdent pour attester la réalité de ces besoins, il est incompréhensible que les moyens élémentaires pour la formation ne soient toujours pas à la hauteur des besoins élémentaires, écrivent l'Isnar-IMG, le Cnge, l'Anemf, le Snemg et le Snjmg (1) à Philippe Bas et à François Goulard. Vous savez que ces réformes sont indispensables au moment où la désaffection de la discipline par les étudiants annonce une catastrophe démographique à court terme. Les mesures annoncées ne sont pas à la hauteur des problèmes posés.»
Une réforme inachevée.
Les auteurs de la lettre ouverte déplorent de ne pouvoir mettre en place le stage d'externat en médecine générale dès l'an prochain. «Nous sommes toujours dans l'incapacité de savoir avec quels moyens seront formés les maîtres de stage qui encadreront les externes, nous ignorons leur rémunération et la clarification du circuit de paiement, et nous nous heurtons à votre refus pour débloquer les postes d'enseignants généralistes associés et titulaires qui permettraient d'assumer les tâches d'organisation, de formation et d'encadrement. La mise en place de ce stage nous semble extrêmement difficile.»
Les auteurs estiment que le retard considérable de la mise en place effective de la filière universitaire de médecine générale nécessite «des mesures statutaires transitoires pour pouvoir nommer les premiers chefs de clinique et les premiers titulaires universitaires à la rentrée prochaine. Leur caractère transitoire sera nécessairement insatisfaisant et le chantier sur le statut définitif doit être ouvert dès maintenant», écrivent-ils.
Internes et enseignants jugent que la création de la filière aurait dû se concrétiser par la programmation d'un plan d'intégration d'enseignants titulaires de médecine générale dans toutes les facultés. «Votre plan aboutit à ce qu'il n'y ait même pas un seul titulaire de cette discipline dans toutes les facultés dans trois ans!», regrettent-ils.
Les enseignants dénoncent l'absence de revalorisation des honoraires pédagogiques des enseignants clinique associés bloqués depuis l'origine en 1997, l'absence d'ouverture de postes d'associé pour permettre le fonctionnement des départements de médecine générale. Internes et étudiants souhaitent que le stage réalisé en ambulatoire pendant le 3e cycle (le Saspas) puisse être accessible à tous les internes qui le souhaitent et non plus à 30 % d'entre eux, comme c'est le cas aujourd'hui.
Plus que des promesses, ce sont maintenant des actes forts que les enseignants, les internes, les étudiants et les professionnels attendent.
(1) La lettre ouverte est signée par l'Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG), le Collège national des généralistes enseignants (Cnge), l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), le Syndicat national des enseignants de médecine générale (Snemg) et le Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg).
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