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LES FOETUS «oubliés» de l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul ont souligné, l’été dernier, la nécessité de donner un statut juridique à ces «corps que la vie a abandonnés» mais qui étaient déjà des enfants pour leurs parents et des patients pour les médecins chargés de suivre les grossesses. « L’être prénatal », écrit le Pr Claude Sureau, «n’est ni une personne, ni une chose, ni un amas de cellules. Il est un patient qui mérite respect, soins et attention». Pour le droit pénal français, le foetus vivant n’existe pas plus que le foetus mort. La mort d’un foetus dans le ventre de sa mère sous les coups d’un agresseur n’est pas un homicide. Celle d’un foetus lors d’un accident de voiture provoqué par un chauffard, non plus. Alors que la mort, dans le même accident de la voie publique, de l’animal domestique de la future maman serait qualifiée de faute pénale. S’agissant d’un foetus, en cas de mort avant la naissance, il n’y a ni faute ni condamnation pénale. Même du point de vue du droit civil, l’être non-né n’est pas considéré comme existant ; s’il meurt avant la naissance, il ne représente rien, explique le Pr Sureau. Ni personne ni chose, la destruction accidentelle de « l’être prénatal » viable (à partir de vingt-deux semaines) ne suscite en France qu’une indifférence polie.
Membre du Comité consultatif national d’éthique, le gynécologue-obstétricien, ancien président de l’Académie nationale de médecine, se penche depuis longtemps sur les questions éthiques et juridiques liées au statut de l’embryon (« Fallait-il tuer l’enfant Foucault ? », « le Quotidien » du 24 février 2003). Son ouvrage souligne le paradoxe croissant entre cette absence du foetus au regard du droit alors qu’il est, plus qu’il ne l’a jamais été, présent à l’esprit des parents qui l’ont conçu par l’intermédiaire des multiples et croissants moyens d’investigation et que l’impact ultérieur des liens établis pendant la grossesse sont désormais incontestables et incontestés. «Il devient donc impossible de tirer un trait sur cette relation et d’abandonner cet “enfant” à la vacuité d’unenon-existence juridique», écrit Claude Sureau.
Les progrès multiplient les questions.
Réclamer attention pour le foetus, discuter de son statut juridique ne revient pas pour autant à remettre en cause l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Loin de Claude Sureau l’idée de revenir sur la loi Veil et la prolongation par la loi du 4 juillet 2001 de l’autorisation de l’IVG à la quatorzième semaine : «Le maintien de cette loi est une nécessité absolue et parfaitement compatible avec la reconnaissance de la spécificité de l’“être prénatal”.» Loin de lui l’idée que le problème est simple et la solution évidente. D’autant plus que le développement de la procréation médicale assistée avec la pratique des réductions embryonnaires ou encore la cryoconservation embryonnaire pose de nouvelles questions complexes. Réfléchissant à ce que représente l’embryon in vitro (personne, être ou amas cellulaire ?) et à l’ambiguïté législative et jurisprudentielle qui l’accompagne, il souligne les conséquences médicales, scientifiques et surtout humaines qui en découlent. Qu’il s’agisse de l’affaire Pires ou de la destruction accidentelle d’embryons dans un centre de PMA.
Le tollé presque général qui a accompagné la découverte des foetus morts de Saint-Vincent-de-Paul contraste avec le peu d’intérêt porté au statut des foetus vivants, souligne Cl. Sureau. L’acceptation de la légitimité des avortements thérapeutiques alors qu’une véritable «médecine de l’embryon» est entravée pour des raisons dites éthiques peut également prêter à discussion. Claude Sureau suggère donc aux parlementaires, aux juristes, aux philosophes, aux sociologues et aux praticiens d’amorcer cette réflexion en évitant le piège du matérialisme radical comme celui du spiritualisme péremptoire, en «militant pour une organisation équilibrée de la société», pour la reconnaissance de l’existence d’une troisième catégorie du droit, celle de l’être prénatal. A l’heure où un rapport du gouvernement évoque très sérieusement l’idée de créer une troisième catégorie du droit de ce type pour les animaux de compagnie, il est en effet urgent d’y penser.
Claude Sureau, « Son nom est personne », Albin Michel ,120 pages, 8,50 euros .
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