> La santé en librairie
QUE DIRE à une jeune femme enceinte à qui le compagnon séropositif et futur père n'a rien dit de son état ? Comment se comporter avec une femme désirant une aide médicale pour une grossesse qui se fait attendre, alors qu'elle est dans une situation financière et affective instable et qu'elle a eu, plus jeune, des enfants qui sont tous en famille d'accueil ? Faut-il systématiquement rechercher dans la famille d'un petit enfant diabétique des facteurs de risque génétique, même si l'on ne peut pas les traiter ? Ou, plus difficile encore, si un essai thérapeutique destiné à empêcher un hypothétique diabète d'apparaître peut éventuellement être proposé à son frère adolescent ? Peut-on refuser un médecin en fonction de son sexe ? Autant de cas autour desquels François Baumann, à l'origine de la Société de formation thérapeutique du médecin généraliste, propose la réflexion qu'il a menée avec le Gremq (Groupe de réflexion sur l'éthique médicale au quotidien), groupe créé avec un confrère, le Dr Oppenhein-Glucksman, dans les années 1990. Car si le médecin décide seul, dans un face-à-face singulier avec le patient, la réflexion autour de ces questions complexes d'éthique médicale quotidienne a tout à gagner à être partagée et à disposer d'une méthode et d'un cadre, explique F. Baumann.
C'est autour de quelques situations éthiques complexes, mais réelles, et des multiples difficultés nouvelles (problème de l'informatique, de la vérité, de l'information, etc.) auxquelles les médecins sont confrontés qu'il montre la manière dont une réflexion collective est possible et bénéfique pour tout le monde. Ces histoires racontent la souffrance du patient face à une situation qui le dépasse et les difficultés de celui qui doit décider, « dont la conscience est confrontée au doute et à l'expectative », tout en soulignant le poids dans ces décisions de la société, de la justice, de la culture.
Règles juridiques et règles morales.
Balint n'est pas loin, mais la pratique et la réalité sociale ont quelque peu changé. Le médecin est censé connaître non seulement la médecine, mais aussi le code pénal, le code de déontologie médicale et celui de la santé publique ! Les situations proposées dans l'ouvrage le montrent et quelques chapitres rappellent l'essentiel de ces règles de façon à mieux saisir ce que sont les obligations « pour éventuellement délimiter la règle morale et la distinguer de celle du droit, en reconsidérant du point de vue "étamoral" c'est-à-dire véritablement éthique, les décisions à prendre au cours de la pratique médicale ».
Chaque situation est donc l'occasion de rappeler les devoirs et les droits des médecins, les règles juridiques et déontologiques auxquelles ils sont astreints pour trouver la solution éthiquement la plus acceptable pour tout le monde. Car, le livre le montre bien, la médecine est une navigation au plus près, avec ses adaptations indispensables et permanentes aux caprices de la météorologie. Comme en mer, hasard et laisser-aller peuvent tuer ; seule une créativité raisonnée accordée au mouvement procurent une certaine harmonie. Pour François Baumann, l'éthique pensée au quotidien est une sorte de planche de salut : « Mode de penser et d'agir que chacun attend secrètement lorsqu'il dénonce les incertitudes du monde présent. » Pour autant, elle est strictement personnelle et, si elle gagne à être réfléchie collectivement, elle ne saurait être garantie par des « éthiciens » professionnels dictant les « bonnes » décisions.
Dr François Baumann, « les Cas de conscience de votre médecin - Ethique clinique au quotidien », Editions J. Lyon, 175 pages, 17 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature