La difficile réforme des universités

L'éternel repli stratégique

Publié le 28/06/2007
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LE RECUL du gouvernement sur la réforme des universités est trop visible pour ne pas donner lieu à des interprétations diverses. Après avoir chauffé à blanc sa ministre des Universités, Valérie Pécresse, le président Sarkozy lui a demandé en quelque sorte de refroidir, puisqu'il a repoussé d'au moins une semaine l'adoption du projet de loi en Conseil des ministres et que, après avoir consulté notamment la CPU (la Conférence des présidents d'université), il a décidé, semble-t-il, d'ajourner un certain nombre de mesures très contestées, pour concentrer le gros de la réforme sur l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur.

La méthode et le fond.

Il s'agit donc d'un recul qui concerne à la fois la méthode et le fond du dossier. Il montre que le président n'est pas sourd aux objections des personnes concernées, les enseignants et les étudiants. Il souligne aussi son sens politique : une crise, avant les grandes vacances, de l'institution universitaire risquait de paralyser les autres réformes annoncées pour cet été.

Mais on peut penser, comme ne manqueront pas de le faire les élus UMP qui n'ont toujours pas digéré l'ouverture du gouvernement à des ministres de gauche, que la réforme des universités a été précipitée, ou qu'elle a été mal conçue, ou que le chef de l'Etat a tendance à revenir sur ses engagements. Recul très net sur la TVA sociale, arrondissement des angles dans le dossier du service minimum, émasculation du projet de réforme des universités, nous voilà dans un cas de figure qui n'est pas sans rappeler les valses-hésitations du chiraquisme, avec un président écartelé entre le désir de paix sociale et l'ardente obligation de réformer.

La gestion des universités doit changer pour mieux former les professionnels de demain et, surtout, pour les former à des emplois disponibles, pour créer entre l'enseignement supérieur et le secteur privé un continuum logique, de manière que l'enseignement supérieur livre à l'industrie des professionnels « clés en main ». L'autonomie des universités est une mesure de décentralisation qui devrait permettre à chacune d'entre elles de gérer son budget et les mettre toutes sur un pied d'égalité.

La réforme de leur conseil d'administration (CA) a donné lieu à des querelles interminables : ceux que l'on voulait écarter du CA veulent y rester. La sélection à bac + 4 a pour but d'empêcher la « production » de diplômés qui restent au chômage, mais forcément, en créant une sorte de second bac, elle a déplu souverainement aux étudiants. Il y avait une bonne raison pour chacun des éléments de la réforme ; cette bonne raison n'ayant pas disparu, on peut craindre que la réforme ne soit superficielle. On peut craindre aussi que le président ne s'engage dans une politique au fil de l'eau. Il est évident que Mme Pécresse était munie d'instructions précises ; elle ne pouvait pas prévoir que le président changerait d'avis après avoir consulté les présidents d'université.

Dans cet épisode, M. Sarkozy a confirmé qu'il touchait à tout, mais que, si le Premier ministre n'est plus un fusible, les ministres le sont tous. Le chef de l'Etat ne peut pas reprocher à sa ministre de n'avoir pas su convaincre ses interlocuteurs puisque ce sont eux qui l'ont persuadé d'amender son projet.

En conséquence, on se posera des questions, à la rentrée, sur le premier paquet de réformes du gouvernement. Il faudra en mesurer l'impact, non seulement au niveau des innovations, mais à celui des changements qu'elles induisent.

L'ELAN DE SARKOZY SEMBLE FREINE PAR L'ECOUTE ACCORDEE A SES ADVERSAIRES OU PARTENAIRES

Beaucoup de gages.

En revanche, l'opposition ne doit plus se plaindre : elle attendait un président « réactionnaire », il est tout le contraire. S'il est habituel que la gauche, les syndicats, les jeunes affichent leur scepticisme, une telle habitude doit céder devant une heureuse surprise : on ne saurait adresser au président le double reproche de la concentration de ses pouvoirs et sa faculté à plier devant les résistances sociales. Les gages qu'il a donnés sont nombreux : il a bel et bien formé un gouvernement de large ouverture où les ministres dits de gauche mènent une vie confortable et sereine pour le moment ; il offre aux socialistes la présidence de la commission des finances à l'Assemblée ; il cède du terrain sur les réformes, quitte à les affaiblir ; le nouveau président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, prononce un discours aux forts accents oecuméniques ; l'élan sarkozyste est freiné par l'écoute accordée à ses adversaires ou partenaires. Ce tableau n'est pas celui d'une gestion autoritaire, arrogante ou méprisante.

Le pire, pour l'opposition, serait qu'elle s'en tienne à s'opposer, qu'elle décèle, dans la tolérance de M. Sarkozy, une faiblesse, peut-être induite par le second tour des législatives. D'une part, le rapport de forces n'est pas en faveur de la gauche qui n'a plus qu'un pouvoir de nuisance, pas de blocage ; d'autre part, le patriotisme de parti ne doit pas supplanter l'intérêt national.

> RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8196