AU MILIEU des années 1990, un trio composé de musiciens suédois a soudain fait irruption sur la scène jazz internationale, apportant des idées neuves à une formule que l'on croyait plus ou moins figée par de grands anciens. E.S.T., autrement dit, le Esbjörn Svensson Trio (Dan Berglund, contrebasse, Magnus Oström, batterie).
Avec un sens inédit de la technique et de la virtuosité, une grande homogénéité au niveau humain et une façon très originale de développer les mélodies à travers l'improvisation, E.S.T. a très rapidement atteint les sommets de la popularité mondiale, devenant l'un des trios phares du jazz moderne. Jusqu'au drame, le 14 juin dernier, quand son leader a trouvé la mort lors d'un accident de plongée sous-marine au large de Stockholm. Et alors qu'était attendu le nouvel album du groupe, « Leucocyte » (Act/Harmonia Mundi), fini d'enregistrer en mai 2008. C'est à titre posthume qu'il vient de paraître et s'est déjà placé en tête des ventes dans plusieurs pays (Suède, Allemagne, Angleterre).
À la fois testament musical et point d'orgue du trio, « Leucocyte » met un terme à l'une des plus belles aventures du jazz de ces deux dernières décennies, dont le parcours aura été exemplaire. Indispensable pour la mémoire.
David Sanborn est un saxophoniste (alto) tout-terrain. Une sonorité et un timbre uniques, un style très expressif et surtout ses fréquentations, qui vont de rockers et soulmen – The Rolling Stones, David Bowie, James Brown, Elton John, Lenny Kravitz, Bruce Springsteen, Stevie Wonder, etc. – aux jazzmen renommés – Gil Evans, George Benson, Chick Corea, Miles Davis, etc. –, ont fait de lui une icône du jazz et de la pop.
Après trois années de silence, l'altiste adulé (1), qui avait donné plusieurs concerts à la fin juin en club à Paris, est de retour avec un nouvel album, « Here & Gone » (Emarcy/Universal), produit par une légende, Phil Ramones. Accompagné notamment par Russell Malone (guitare), Christian McBride (contrebasse), Steve Gadd (batterie), Lew Soloff et Wallace Roney (trompettes), et avec des invités prestigieux comme Eric Clapton, Sam Moore et la jeune soulwoman anglaise Joss Stone, David Sanborn, 63 ans, s'offre un voyage dans le répertoire du blues, du funk et du rhythm'n'blues, avec des reprises de « St. Louis Blues » (W.C. Handy), « Basin Street Blues » ou des compositions de Ray Charles, Marcus Miller et Percy Mayfield. Absolument jouissif.
Savez-vous ce qu'est le « club jazz » ? Né au Japon, ce style musical mélange allègrement les formes du jazz et les rythmes dance des boîtes de nuit. L'un des groupes fondateurs de ce mouvement nippon s'appelle Sleep Walker et son dernier disque, « Into The Sun » (Jazzmin Records/Modulor), vient juste de sortir en France. Comprenant notamment un titre enregistré avec le saxophoniste ténor Pharoah Sanders, ancien compagnon de route de John Coltrane et dernier grand prêtre d'un free jazz incantatoire et répétitif lié au spirituel, ce CD ouvre et balaie de nouveaux horizons musicaux pourtant d'inspirations diamétralement opposées. Insolite (2).
Rares sont les batteurs qui font office de leader. Avant le jeune Ari Hoenig, il y eut des maîtres du drumming comme Max Roach, Roy Haynes, Elvin Jones ou encore Art Blakey. Natif de Philadelphie (comme un autre batteur, Philly Jo Jones), il a su digérer ses influences multiples pour mettre au point ses propres développements rythmiques qui se retrouvent dans son dernier CD, « Bert's Playground » (Dreyfus Jazz/SonyBMG), où, entouré notamment de Chris Potter (saxo ténor), il réinterprète cinq standards – dont un thème de John Coltrane, un de Wayne Shorter et l'immortel « ‘Round Midnight » de Thelonious Monk – et fait découvrir cinq compositions originales, qui sont l'expression d'un jazz très actuel, vibrant, citadin et largement improvisé.
(1) Paris, New Morning, 31 octobre et 1er novembre.
(2) Paris, Le Batofar, 21 octobre.
Femme à l'honneur
Depuis plusieurs années, Carla Bley mène de front deux carrières bien distinctes. L'une, en petite formation, récemment avec le trompettiste sarde Paolo Fresu au sein du Lost Chords, l'autre, à la tête de son Big Band, qui demeure un véritable laboratoire d'idées. « Appearing Nightly » (ECM/Universal), de la pianiste-compositrice et chef d'orchestre, est le dernier opus de son travail en grande formation.
Enregistré en direct au New Morning à Paris en juillet 2006, avec la présence de fidèles compagnons, comme Steve Swallow (basse), Andy Sheppard (saxos), Lew Soloff (trompette), sa fille Karen Mantler (orgue) et Wolfgang Puschnig (saxo, flûte), leader par ailleurs du Vienna Art Orchestra, le disque restitue l'atmosphère particulière d'un club pour big band et permet à ce dernier de pousser encore plus loin le travail de création et de mélodie.
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