APRÈS AVOIR MIS en lumière sa terre natale des Flandres (« la Splendeur des Vaneyck, les Amants de la petite reine…), Annie Degroote rend hommage, dans «l'Etrangère de Saint-Pétersbourg» (1), à la culture slave. A travers le destin d'une petite Française qui s'exile en Russie avec son père négociant en soie et en lin, qui devient pensionnaire à l'institut impérial de Smolny, puis élève de Rimski-Korsakov au Conservatoire, avant d'être tiraillée entre les sollicitations d'un bel officier et son amour pour le fils d'un ancien serf, elle retrace avec rigueur les méandres de l'histoire russe et les transitions du règne d'Alexandre II.
On ne s'apesantira pas sur les quelque huit cents pages du dernier tome de la trilogie de Maurice Denuzière «Bahamas», sous-titré « Un paradis perdu » (2) : une saga riche en couleurs qui nous conte l'américanisation insidieuse de cette île paradisiaque. Le récit commence en 1872 et les îliens sont autant marqués par les faits historiques, comme la guerre hispano-américaine en 1898 ou la Grande Guerre, que par les ouragans.
Plus d'un siècle auparavant, un jeune officier français exilé en Asie, à la suite d'un duel, découvre le Siam, une cour tout aussi brillante que celle de Versailles – et la tourmente car le pays est envahi par la Birmanie voisine. C'est le décor du «Roi des rizières» (3), le nouveau roman que consacre Claire Keefe-Fox à la civilisation de l'ancien Siam. Batailles et amours – sous les traits de la concubine rebelle d'un prince du royaume réduite à se prostituer pour survivre – balaient cette fresque qui s'étend sur plus de vingt ans.
Elu livre de l'année par le « Los Angeles Times », «la Pierre du bâtisseur» (4) conclut la magnifique trilogie consacrée par Madison Smartt Bell à l'histoire de la révolution haïtienne (après « le Soulèvement des âmes » et « le Maître des carrefours »). S'y déroule, durant les toutes dernières années du XVIIIe siècle, le dernier chapitre de la vie de Toussaint Louverture, le légendaire meneur de l'unique révolution d'esclaves réussie de l'Histoire.
Susanne Dunlap est américaine, mais elle n'ignore rien de la cour de Louis XIV. En témoigne son roman «la Voix d'Emilie» (5) qui raconte le destin de la fille d'un modeste luthier à la voix d'ange. Remarquée par Marc-Antoine Charpentier, elle déchantera lorsque, propulsée à Versailles, elle ne sera qu'un pion dans la partie d'échecs que jouent Mme de Maintenon et la Montespan, et ne vaudra guère mieux au milieu de la guerre que se livrent son mentor compositeur et Lully.
On retrouve le roi Louis XIV – si l'on peut dire, puisque l'intrigue du roman repose sur l'enlèvement, en plein Paris, au Palais-Royal, une nuit, sans laisser de trace, du jeune souverain – dans «la Conjuration de la rose noire» (6), d'Anne-Marie et Jean Mauduit, auteurs familiers du XVIIe siècle. Sur fond des deux Frondes, celle du Parlement et celle des grands qui n'aspirent qu'à retrouver leurs privilèges d'antan, et alors que les hommes de Mazarin sont éliminés un à un, il appartient au filleul du cardinal de retrouver le roi, dans le plus grand secret.
D'une cour à l'autre, nous arrivons, via«la Régente noire» (7), à celle de François Ier qui, dans ce premier volume d'une saga intitulée « La cour des dames », songe plus à ses amours et à ses chasses qu'à l'avenir de la France. En même temps qu'elle travaille activement à la perte du jeune connétable de Bourbon, seigneur trop puissant qui a refusé de l'épouser, sa mère, la régente, Louise de Savoie, le supplée en oeuvrant, en coulisses, contre le rêve italien de son fils ! Historien, Franck Ferrand met en scène dans cette série deux personnages fictifs, deux jeunes écuyers jetés, à leur corps défendant, au coeur de la grande Histoire.
Avec «la Courtisane deVenise» (8), nous ne quittons pas le XVIe siècle, mais nous sommes transportés, grâce à la Britannique Sarah Dunant, de la place Saint-Marc aux ruelles du ghetto, en passant par les dédales de canaux et les palais décrépis. Avec Fiammetta Bianchini, la célèbre et riche courtisane de Rome obligée de prendre la fuite devant les troupes sanguinaires de Charles Quint. Attaquée et atrocement défigurée, la jeune femme fait appel à une guérisseuse – qui pourrait bien être aussi un peu sorcière.
A la même époque, à Séville, un homme devenu un mythe, Don Juan, décide, au péril de sa vie dans cette Espagne soumise à l'Inquisition, de raconter sa vie. C'est du moins ce qu'a décidé l'Américain Douglas Carlton Abrams, qui fait revivre le grand séducteur dans «les Carnets retrouvés de Don Juan» (9), ouvrage publié simultanément dans 27 langues. Un ouvrage qui, selon l'auteur, «explorerait la tension entre la convoitise et l'amour et qui confronterait n'importe quel homme ou femme à la question de la satisfaction dans le rapport amoureux».
«Deux Soeurs pour Léonard» (10), de Karen Essex, se présente comme le grand roman historique de la Renaissance. Il met en scène les deux héritières de la maison d'Este, deux femmes que tout oppose, promises l'une au duc de la petite cour de Mantoue, l'autre au futur duc de la riche cité de Milan, et qui, tantôt alliées, tantôt adversaires, régneront sur toutes les cours d'Italie, entre intrigues politiques, amoureuses et rivalités artistiques. Car au coeur de ces intrigues règne un personnage aussi énigmatique que fascinant par son génie : Léonard de Vinci.
Après les soeurs, les frères. Ils sont au centre du «Feu des Béguines» (11), qui se déroule au XIVe siècle, en Bourgogne d'abord puis en Flandres. Après avoir tué, pour laver l'honneur de leur famille, un seigneur et son enfant, l'un est devenu moine pour expier ce massacre, l'autre sert le roi de France Philippe le Bel. Ils se rendent à Bruges, chargés de la même mission : enquêter sur une communauté de béguines dont le mode de vie suscite la colère des drapiers de la ville. Parmi elles, vit une rescapée du massacre. A travers cette épopée historique et sentimentale, Marie Cristen montre comment on réprima alors ce qui constituait l'ébauche d'une naissance de la conscience féminine.
Après « les Voiles de Frédégonde », le second volet des « Reines pourpres », «les Larmes de Brunehilde» (12), nous ramène dans la Gaule de 570, rongée par la peste et alors qu'à coups d'alliances, de trahisons et de complots, une guerre sans fin déchire les royaumes francs. On assiste, grâce à Jean-Louis Fetjaine, à l'ultime combat qui conduira à leur perte les reines Brunehilde et Frédégonde – femmes sublimes et effrayantes qui ont donné naissance à la France.
(1) Editions Presses de la Cité, 381 p., 19,90 euros.
(2) Editions Fayard, 779 p., 24 euros.
(3) Editions Plon, 387 p., 23 euros.
(4) Editions Actes Sud, 1 041 p., 29,50 euros.
(5) Editions Flammarion, 363 p., 21 euros.
(6) Editions Flammarion, 475 p., 22 euros.
(7) Editions Flammarion, 401 p., 21 euros.
(8) Editions Belfond, 437 p., 20 euros.
(9) Editions du Rocher, 363 p., 19,90 euros.
(10) Editions JC Lattès, 441 p., 20,90 euros. (11) Editions du Rocher, 468 p., 19,90 euros.
(12) Editions Belfond, 310 p., 19 euros.
Chirurgien ambulant au XVIe siècle

Chirurgien installé à Saint-Malo, et amoureux des livres anciens, Alain Rossignol ressuscite dans «le Triomphe de la mort», un chirurgien qui a réellement existé au XVIè siècle, Pierre Franco. Il se déplacait de bourg en bourg avec son jeune apprenti et ses deux mules chargées de sacoches. Il est à Lacoste, petit village du Lubéron, lorsque le parlement d'Aix-en-Provence ordonne la répression des Vaudois, une secte d'hérétiques particulièrement nombreux dans la région ; ce sont des mercenaires d'Italie parmi les plus sanguinaires sont chargés du massacre. Tandis qu'ils apportent la mort au nom d'une idéologie, Pierre Franco s'efforce, tant bien que mal, de sauver quelques vies.
Editions Privat, 398 p., 19 euros.
Quand l'Histoire se fait coquine
Madame de Montespan, lady Emma Hamilton, Lola Montez, la belle Otero, George Sand, Eva Braun, Marion Davies : huit femmes, huit amoureuses, dont les réputations ont dépassé les frontières, huit portraits brossés avec érudition et admiration par Leigh Eduardo, historien de formation, dans «Maîtresses et Courtisanes». Si chacun de ces destins est bien connu, l'originalité du livre est de les aborder sous un angle beaucoup plus « coquin » qu'il n'est coutume et de multiplier les anecdotes légères, voire érotiques. Un ouvrage à la fois riche d'informations historiques sérieuses et de détails libertins, ou le libertinage au service de la conspiration et du pouvoir.
Editions Acropole, 438 p., cahier de photos couleurs, 23,50 euros.
Toutes voiles dehors
Si les aventures maritimes inspirent de nombreux auteurs, on se plaît à signaler un livre malheureusement posthume, écrit par Claude Duchemin, «Un Viking à la Convention. Chroniques du capitaine de vaisseau Jean Nicolas Topsent, 1755-1816» (1). Un ouvrage qui se lit comme un roman tant il est animé par la passion… et le souvenir, puisque l'auteur y reconstitue le parcours maritime et politique d'un de ses ancêtres. On suit donc le destin du jeune mousse qui prend la mer à l'âge de dix ans, qui participe à sa première bataille navale à treize ans, qui survit à une dizaine de grandes batailles et deux naufrages, et qui échappera à la guillotine. Une vie extraordinaire qui se déroule de l'Indépendance américaine jusqu'à la Restauration, et un homme qui s'est imposé comme un acteur majeur de la refondation de la Marine de la République.
Marin depuis l'âge de quatorze ans, ayant servi dans la Royal Navy, puis dans la marine australienne, Julian Stockwin raconte dans «Enrôlé de force» (2) le destin d'un jeune perruquier qui, en 1793, s'est retrouvé malgré lui à bord d'un vaisseau de ligne en partance pour le blocus des ports français. Ce premier volet d'une saga maritime qui connaît un formidable succès en Grande-Bretagne, restitue la vie à bord avec un réalisme saisissant.
«La Caravelle Liberté» (3) nous ramène à l'époque de la Révolution en Martinique, autour du personnage d'une femme de trente-huit ans qui, tout en réprouvant secrètement le système esclavagiste, s'efforce de museler sa conscience car sa seule raison de vivre est la plantation dont elle héritera à la mort de son grand-père. Or l'amour sous les traits d'un Noir, qui plus est plus jeune qu'elle, et l'arrivée du continent de sa cousine et de son fils, en qui elle voit son héritier, vont brouiller ses plans. L'auteur, Marie-Reine de Jaham, est elle-même issue d'une vieille famille de planteurs de la Martinique.
(1) Editions S.P.M. (34, rue Jacques-Louvel-Tessier, 75010 Paris), 377 p., ill. noir & blanc, 32 euros.
(2) Editions Presses de la Cité, 340 p., 20 euros.
(3) Editions Anne Carrière, 300 p., 18,50 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature