2° Congrès annuel de la Nouvelle Société Française d'Athérosclérose ( NSFA)
Biarritz 9-11 juin 2005
DANS LA POPULATION féminine, l'incidence des maladies cardio-vasculaires (MCV) augmente avec l'âge, mais elle reste toujours inférieure à celle des hommes. De ces données épidémiologiques, confortées par des données expérimentales, est née l'idée d'un effet protecteur, attribué aux estrogènes. Dans les années 1980, de nombreuses études épidémiologiques ont suggéré que, en plus de l'efficacité bien démontrée sur les troubles fonctionnels de la ménopause et sur l'ostéoporose, le traitement hormonal substitutif (THS) confère une protection vis-à-vis du risque cardio-vasculaire. A partir de 1998, des publications ont commencé à remettre en question cet effet potentiel du THS.
Entre 1979 et 2000, le lien entre le THS et la survenue d'une cardiopathie ischémique a fait l'objet d'une quinzaine d'études de cohorte. Leur métaanalyse met en évidence un risque relatif de 0,62 sous THS, soit une réduction de 40 % du risque coronarien. Ce type d'étude a des limites liées aux différences entre les populations incluses (les femmes traitées sont en meilleure santé). « Certains arguments suggéraient néanmoins que la relation était cohérente d'une étude à l'autre et ne dépendait pas des facteurs de risque cardio-vasculaire », explique le Pr Scarabin. Surtout, il existait des mécanismes susceptibles de l'expliquer, en l'occurrence les effets sur les lipides (augmentation du HDL et diminution du LDL) et l'amélioration de la fonction endothéliale par les estrogènes. Des données que n'a pas retrouvé l'essai de prévention secondaire HERS (Heart and Estrogen/progestin Replacement Study), dans lequel le groupe THS avait un RR d'accident coronaire voisin de 1.
Deux populations différentes.
Ces résultats n'ont pas eu d'impact majeur, les partisans du THS soulignant que l'étude a été menée chez des femmes non représentatives de la femme de 50 ans qui arrive à la ménopause, car âgées (en moyenne de plus de 66 ans) et malades (antécédents d'accident coronaire), avec un THS par estrogènes conjugués équins et acétate de médroxyprogestérone. La contradiction a été apportée quatre ans plus tard par l'étude WHI (Women's Health Initiative). Menée chez des femmes en bonne santé, elle a retrouvé une augmentation des événements cardio-vasculaires de 22 % dans le groupe THS par rapport au groupe placebo. Avec également des risques supérieurs aux bénéfices en termes d'AVC, de cancer du sein et de thrombose veineuse profonde (TVP). Cinq essais randomisés ultérieurs ont donné un RR de l'ordre de 1,1, « ce qui ne permet pas de conclure à un effet protecteur, indique le Pr Scarabin. Il est rare de voir une telle différence entre les études d'observation et les essais. Au-delà du problème méthodologique, il faut souligner un point essentiel : on a affaire à deux populations très différentes en termes de structure d'âge et de degré des lésions d'athérome ».
En ce qui concerne les AVC, les études prospectives et cas-témoins ont montré une augmentation légère, mais significative (12 %) du risque d'accidents ischémiques. Contrairement à la maladie coronaire, il existe une concordance entre ces études et les essais.
L'ensemble de ces essais a entraîné un recul de l'utilisation du THS (baisse d'environ 30 % aux Etats-Unis) et une modification des recommandations. Il a d'abord été rappelé que le THS ne doit pas être initié pour la prévention d'une maladie artérielle. Le Pr Scarabin souligne à ce propos qu' « aucun pays n'avait inclus l'indication prévention des MCV dans son AMM. Par ailleurs, estime-t-il, la connaissance de l'augmentation du risque d'AVC peut avoir une incidence, notamment chez les femmes à risque. C'est peut-être un moyen de se rappeler que la ménopause est une bonne période pour la prise en charge des facteurs de RCV ».
La voie transdermique.
Les données sur l'effet thrombogène des estrogènes sont plus claires. Suggéré pour la première fois par un essai américain de 1965, il a été confirmé en 1996 par trois études randomisées. Le Pr Scarabin fait remarquer que ces études ont été réalisées avec un traitement par voie orale, aux Etats-Unis essentiellement, et « ne sont pas forcément relevantes par rapport aux études européennes, en particulier françaises ». Des caractéristiques du traitement peuvent influencer ce risque, comme la voie d'administration, orale ou transdermique. Or, dans ce domaine, les pratiques américaines et françaises diffèrent notablement, avec une prédominance de la voie orale aux Etats-Unis et de la voie transdermique en France.
L'étude française ESTHER (Estrogen and ThromboEmbolism Risk), dont les principaux résultats ont été publiés en 2003, a confirmé le risque d'augmentation du risque de thrombose veineuse chez les femmes traitées par estrogènes (RR 3,5) et a montré pour la première fois la neutralité du THS transdermique vis-à-vis de ce risque RR 0,9). Les résultats de cinq autres études sur de petites séries vont dans le même sens. Des études complémentaires sont nécessaires pour confirmer ces résultats.
Sur le plan de la durée du THS, il a été montré que l'augmentation du risque est plus importante lors de la première année. D'après les quelques études disponibles, qui sont observationnelles, la dose d'estrogènes ne semble pas en jeu. Mais ces résultats doivent être tempérés par la faible variabilité des doses utilisées. Quant à la composition du THS en termes de progestatifs, pour laquelle la littérature est extrêmement pauvre, des données nouvelles ont été apportées par l'étude ESTHER.
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