JACQUES CHIRAC l'a dit et redit : il compte bien présenter les grandes lignes de la réforme de l'assurance-maladie, lors de son intervention télévisée du 14 juillet. La date n'est pas si lointaine.
Certes, le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé, a affirmé, au terme du dernier conseil des ministres, que le « calendrier de la réforme » serait respecté. Mais on a quand même quelques doutes sur la question, surtout depuis que Jean-François Mattei a expliqué de son côté, sur LCI, qu'il y aurait « au moins trois textes » sur la Sécurité sociale et que le dernier concernerait le projet annuel de financement de la Sécu, voté à l'automne. On s'interroge donc sur les réelles intentions du gouvernement, tant en ce qui concerne la forme que le fond de la réforme.
• Quel cadre pour la réforme ?
Projet(s) de loi pour réformer l'assurance-maladie ou ordonnances, comme certains l'affirment, depuis que le gouvernement a fait adopter par le conseil des ministres du 17 mars le projet de loi autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnances ? Devant le tollé provoqué par cette annonce, et la crainte de certains de voir le gouvernement réformer la Sécurité sociale sans débat parlementaire, plusieurs ministres ont tenu à calmer le jeu. Le projet adopté en conseil des ministres « est une simplification administrative, a affirmé le ministre de la Santé, qui ne touche en rien la réforme de la Sécurité sociale ». Le ministre du Travail et des Affaires sociales, François Fillon, a été encore plus net en jugeant « absurde », sur Europe 1, les craintes de certains syndicats quant aux recours aux ordonnances. Enfin, Jean-François Copé a confirmé qu'après « une phase de diagnostic et de dialogue » viendrait « le temps de la décision de telle manière qu'un texte soit adopté par le Parlement d'ici l'été ».
Un seul texte ? Sans doute, si l'on en croit le porte-parole du gouvernement. Non, si l'on écoute Jean-François Mattei qui est quand même aux premières loges. Selon le ministre de la Santé, il y aurait « au moins » trois textes différents. Et non des moindres. Le premier projet traitera de la gouvernance de la Sécu et concernera la gestion de la Sécurité sociale. Une question qui est loin d'être tranchée.
Le deuxième texte est plus inattendu, puisqu'il concernerait une révision de la loi actuelle « pour réorganiser le projet de loi de financement de la Sécurité sociale et les objectifs nationaux de dépenses d'assurance-maladie ».
Enfin, le troisième texte voté à l'automne serait le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss). Selon un expert du dossier cité par le journal économique « la Tribune », l'idée du gouvernement, en modifiant la loi, serait de sortir de « la logique de l'annualité budgétaire », c'est-à-dire de mettre en place des objectifs de dépenses à réaliser sur plusieurs années. Cela permettrait au gouvernement d'étaler ses mesures d'équilibre, de façon à ne pas agir dans la précipitation.
Qui gérera le nouveau système ?
Voilà l'une des questions essentielles et qui est loin d'être réglée. La décision presque définitive du patronat de ne pas revenir siéger au sein du conseil d'administration des caisses d'assurance-maladie (pour participer à la gestion paritaire du système de protection sociale) incite le gouvernement à envisager d'autres solutions au grand dam de nombreux syndicats de salariés. C'est dans ce cadre qu'est lancée régulièrement l'idée d'une haute autorité, d'une agence, d'un conseil, d'un organisme totalement indépendant pour gérer le système. Mais personne n'est vraiment d'accord sur sa composition et sur sa réelle compétence.
Certains voudraient que cette haute autorité soit dotée de réels pouvoirs et qu'elle ait une composition très large comprenant les syndicats, les caisses, les mutuelles, les professionnels de santé, les associations d'usagers, des experts financiers.... D'autres, qui jugent une telle composition hétéroclite, voudraient limiter le nombre de ses membres et faire en sorte qu'elle ne soit composée que d'experts économiques et financiers. Enfin, beaucoup estiment que la haute autorité, qui chapeauterait toutes les caisses d'assurance-maladie, devrait se contenter d'établir de simples recommandations et laisser les négociateurs, professionnels de santé et caisses, négocier en fonction des impératifs économiques. Là encore, rien n'est tranché.
• Quels remboursements ?
Problème délicat parce que éminemment politique. Pour les syndicats, s'attaquer aux remboursements, c'est un casus belli. C'est pourquoi le gouvernement y va en douceur, malgré les déclarations périodiques du ministre des Finances qui veut pousser aux économies. C'est son rôle.
Les groupes de travail mis en place par Jean-François Mattei, dans le cadre du Ségur de la Santé, sont là pour faire des propositions au ministre, notamment dans le domaine du financement. Mais selon beaucoup de ses participants, ces réunions ne seraient guère fructueuses : chacun se contente d'apporter ses convictions.
Et pour l'instant, le gouvernement se borne à envisager la mise en place d'un forfait non remboursable d'un euro sur chaque feuille de soins et (ou) sur chaque boîte de médicaments prescrits. Il planche toujours sur la possibilité de transférer certaines dépenses vers les complémentaires.
Une mesure semble certaine en tout cas : les déremboursements partiels, et parfois totaux, de médicaments vont se poursuivre. Car les protestations soulevées par les précédentes décisions de ce type ont été limitées.
• Quels financements ?
La recette est connue : elle s'appelle CSG et Crds. Un point de CSG supplémentaire rapporte environ 9 milliards d'euros. Une manne intéressante ; mais la mesure doit être prise avec précaution en cette période de reprise timide de la croissance. Il ne faudrait pas porter atteinte au pouvoir d'achat des Français. Quant à la cotisation de remboursement de la dette sociale (CRDS), mise en place par Alain Juppé en 1996, il y a fort à craindre que son prélèvement soit encore prolongé. A moins que le gouvernement ne souhaite porter cet impôt de 0,5 % à 1 %. Un scénario auquel cependant peu d'experts croient aujourd'hui. Reste que l'état des comptes et de la trésorerie de la la Sécurité sociale et de sa banque, l'Acoss, nécessite des mesures urgentes, comme on ne cesse de le dire du côté de Bercy.
L'oeil de Bercy
Francis Mer, ministre des Finances, a aujourd'hui entre les mains un épais rapport de 150 pages sur l'assurance-maladie. Un rapport rédigé par la mission pour l'avenir de l'assurance-maladie qui a été créé à la sixième sous-direction de la direction du budget de ce ministère, sous-direction qui est justement spécialisée dans la santé et la protection sociale.
Ce rapport, si l'on en croit la lettre confidentielle « Tableau de Bord », qui confirme cette information, a fort intéressé le ministre.
Il se confirme donc que Bercy suit de très près les travaux de la réforme de l'assurance-maladie. En effet, un autre rapport sur l'assurance-maladie est en cours de préparation à la direction des prévisions du même ministère des Finances.
Francis Mer, explique un observateur, est très préoccupé par l'état des comptes de la Sécurité sociale et surtout de sa branche maladie. Les rapports qu'il a demandés seront autant d'atouts dont il compte se servir au moment voulu. A moins qu'un prochain remaniement ministériel ne se traduise par le départ du ministre de la Santé ou du ministre des Finances, ou des deux à la fois et ne bouleverse ce schéma.
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