REFERENCE
Les critères d'hospitalisation sans le consentement de la personne demeurent souvent difficiles à définir. En effet, il n'existe aucun élément objectif, et le contexte demeure essentiel à leur compréhension.
En 1977, la recommandation 818 adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pose les premiers jalons. Elle énonce qu'il est très difficile de définir la maladie mentale, du fait que les critères changent d'une époque à l'autre et d'un lieu à l'autre, et que le rythme de travail, le « stress » et la structure sociologique de la vie moderne ont créé des troubles psychiques d'un genre nouveau. Elle reconnaît que les attitudes à l'égard de la maladie mentale ont beaucoup évolué en Europe, tant au sein du corps médical que dans le grand public. Elle se dit convaincue que les anomalies de comportement relevant de la morale et de la loi ne sont pas en elles-mêmes assimilables aux maladies mentales, et elle invite les Etats à redéfinir certains concepts fondamentaux tels que le qualificatif « dangereux ».
C'est en 1979 que la Cour européenne des droits de l'homme forge les grands principes de sa jurisprudence relative à l'internement des malades mentaux (arrêt Winterwerp). La haute juridiction admet d'abord que les notions relatives à la « régularité » et au « respect des voies légales » d'un internement forment un tout, et qu'une détention arbitraire ne peut jamais passer pour « régulière ». Puis elle définit trois critères auxquels ces détentions doivent satisfaire :
- le trouble mental doit être réel (sic) et sa démonstration devant l'autorité nationale compétente est établie par une expertise médicale objective (sic) ;
- ce trouble doit revêtir un caractère ou une ampleur légitimant l'internement ;
- la privation de liberté ne peut pas se prolonger au-delà de la persistance de pareil trouble.
En 1981, la Cour admet toutefois que les impératifs de la protection du public prévalent sur la liberté individuelle, au point de légitimer un internement d'urgence ne s'entourant pas des garanties habituelles qu'implique la Convention européenne des droits de l'homme. Ainsi, des mesures provisoires limitées dans le temps peuvent être prises, mais elles doivent être ensuite confirmées selon les procédures de droit commun, par l'autorité compétente.
Et un « aliéné » détenu dans un établissement psychiatrique pour une durée illimitée ou prolongée a, en principe, le droit, au moins en l'absence de contrôle judiciaire périodique et automatique, d'introduire à des intervalles raisonnables un recours devant un tribunal pour contester la « légalité » de son internement. En 1990, la Cour énonce que le malade mental a le droit d'être entendu par « l'autorité nationale compétente » avant que son internement ne soit décidé, ainsi que le droit d'être immédiatement informé de la décision de l'hospitalisation et de ses motifs.
En 1983, la recommandation N° R(83)2 du Comité des ministres du Conseil de l'Europe apporte des précisions intéressantes. Ainsi, les psychiatres et les autres médecins doivent se conformer aux données de la science médicale lorsqu'ils ont à déterminer si une personne est atteinte d'un trouble mental nécessitant le placement. Et les difficultés d'adaptation aux valeurs morales, sociales, politiques ou autres, ne doivent pas être considérées en elles-mêmes comme un trouble mental. A défaut de tout autre moyen d'administrer le traitement approprié, un patient ne peut faire l'objet d'un placement dans un établissement que si, en raison de ses troubles mentaux, il représente un grave danger pour sa personne ou celle d'autrui. Mais les Etats peuvent toutefois prévoir que le patient pourra faire l'objet d'un placement lorsque, en raison de la gravité de ses troubles mentaux, l'absence de placement détériorerait l'état du patient ou ne permettrait pas de lui apporter le traitement approprié.
La décision de placement doit être prise par un organe judiciaire ou toute autre autorité appropriée désignée par la loi. En cas d'urgence, un patient peut être admis et retenu sur-le-champ dans un établissement sur décision d'un médecin qui doit alors informer immédiatement l'autorité judiciaire ou l'autre autorité compétente qui rendra sa décision. La décision de l'autorité judiciaire ou autre visée dans le présent paragraphe doit être prise sur avis médical et selon une procédure simple et rapide.
Le patient doit être immédiatement informé de ses droits et doit avoir le droit d'introduire un recours devant un tribunal qui prendra sa décision selon une procédure simple et rapide. En outre, une personne chargée d'assister le patient à décider s'il convient d'exercer le droit de recours sera désignée par une autorité appropriée.
La recommandation 1235 (1994) du Conseil de l'Europe systématise bien la position de la Cour, tout en reprenant les exigences énoncées dans de nombreux textes internationaux. Ainsi, le placement non volontaire doit être exceptionnel, décidé par un juge en cas de placement d'office et doit répondre aux critères suivants :
- danger grave pour le patient lui-même ou pour autrui ;
- un critère additionnel peut être celui du traitement, si l'absence de placement peut entraîner une détérioration de l'état du patient ou l'empêcher de recevoir un traitement approprié. De même, une révision périodique et automatique de la nécessité du placement doit être prévue, et la décision doit pouvoir faire l'objet d'un recours prévu par la loi. La recommandation ajoute aussi qu'un code des droits des malades doit être porté à la connaissance des malades à leur entrée dans l'établissement psychiatrique.
Pour les experts du Conseil de l'Europe, dans leur Livre blanc de janvier 2000, l'existence du trouble mental doit être avérée, ou bien une évaluation doit être demandée pour déterminer son éventuelle présence. Ce trouble doit présenter un grave danger pour la personne elle-même (y compris pour sa santé) et/ou un grave danger pour autrui (étant entendu que le placement ou le traitement, ou les deux, sont susceptibles d'être bénéfiques pour la personne). Il faut aussi qu'aucune forme de soins ambulatoires ne soit possible dans la situation donnée (hôpital de jour, assistance infirmière quotidienne à domicile, assistance sociale). Sauf urgence, le patient doit être examiné par un psychiatre ou un « médecin possédant l'expérience et la compétence requises ». Les membres de la famille ou d'autres personnes proches ne doivent être consultés qu'avec le consentement du patient, sauf s'il existe des aspects plus larges de sécurité publique. Mais si l'intéressé a un représentant légal, celui-ci doit être consulté et informé.
Toutefois, au-delà des garanties conférées par des textes juridiques et des organes juridictionnels, la meilleure protection passe par la pédagogie. Les soignants en santé mentale doivent prendre les décisions qui concilient l'état du patient, sa protection ainsi que celle de la collectivité, les données acquises de la science et le respect de la dignité dû à tout membre de la communauté humaine.
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