Age et sexe
Les anomalies de la microcirculation sont fréquentes chez la jeune fille en préadolescence. C’est en effet durant cette tranche d’âge que s’observeront plus fréquemment les acrocyanoses, plus ou moins marquées, plus ou moins invalidantes, associées fréquemment à des engelures, en dehors de tout cadre de maladie plus générale détectable, les seuls facteurs de prédisposition étant l’âge et le sexe.
Syndrome de Raynaud
Le phénomène de Raynaud ne présente pas de particularité sémiologique au cours de l’adolescence par rapport à ce qui est observé chez l’adulte ou chez l’enfant plus jeune. Bien qu’il existe peu d’études, selon les données rapportées par Nigrovic en 2006, il semble exister une nette prédominance féminine (plus de 80 % des cas), surtout des formes de Raynaud dites primitives ou idiopathiques (69 % des cas par rapport au phénomène de Raynaud secondaire), et enfin un pic de survenue entre 12 et 16 ans.
Dans les facteurs déclenchants, le froid était nettement le plus fréquent (plus de 92 % des cas), le stress était également signalé dans 3 % des cas des formes primitives et 10 % des cas des formes secondaires, et l’exercice physique dans 5 % des formes primitives. Dans cette étude, les anticorps antinucléaires étaient positifs dans 25 % des Raynaud primitifs aussi bien chez le garçon que chez la fille ; les anticorps antiphospholipides (APL) dans 36 % des cas primitifs et 30 % des cas secondaires, ce qui représente un pourcentage plus élevé que dans la population pédiatrique générale (5 % des cas).
Acrocyanose
La définition précise de l’acrocyanose est celle d’un acrosyndrome au début insidieux touchant les mains et les pieds qui prennent une coloration de bleutée à violacée, cela de manière permanente, même si, parfois, l’intensité de la coloration varie. Les surfaces palmoplantaires sont sans doute moins bleues et plus rouges, le dos des mains et des pieds est froid, sec, ce qui contraste avec la sudation palmoplantaire. Le dernier item important est le caractère boudiné plus ou moins marqué des doigts et des orteils. La forme la plus fréquente d’acrocyanose chez l’adolescent est représentée par l’acrocyanose primitive. La prévalence moyenne de l’acrocyanose serait de 16,3 % chez la femme dans la population générale, avec des variations importantes selon les régions. Les principaux facteurs de risque sont : le sexe féminin, le jeune âge, le climat froid, le travail à l’extérieur en hiver et la faible corpulence. Au plan des mécanismes physiopathologiques, deux grands mécanismes probablement intriqués ont été évoqués concernant l’acrocyanose : l’un mettant en valeur le rôle d’une hyperviscosité sanguine et l’autre, celui d’une dysrégulation neuro-vasculaire, c’est-à-dire d’une sensibilité particulière de la paroi vasculaire, en particulier au froid. Ces mécanismes sont certainement intriqués. L’importance de la sudation souvent associée à l’acrocyanose témoigne également d’un possible rôle d’une dysrégulation neurovégétative. Elle est fréquente chez l’anorexique qui développe facilement une acrocyanose. A l’inverse, l’acrocyanose est exceptionnelle chez les obèses. Au cours de l’acrocyanose, des études capillaroscopiques ont bien montré qu’il existait à la fois une vasoconstriction artériolaire et une hypotonie veineuse avec stase capillaro-veinulaire et cyanose.
Au plan clinique, cette atteinte particulière s’observe non seulement au niveau des mains, mais parfois au niveau des pieds et rarement au niveau du nez. Cet acrosyndrome est indolore, malgré son caractère souvent très impressionnant. L’évolution de l’acrocyanose est habituellement bénigne, nécessitant seulement des mesures de prévention, par rapport au froid notamment, afin d’éviter la survenue d’engelures. Une acrocyanose bien typique par son caractère permanent survenant à l’adolescence et chez la jeune femme est finalement banale, et n’a aucune signification pronostique péjorative, s’améliorant même au long cours.
L’acrosyndrome trophique est fréquent chez l’adolescente ; les engelures apparaissant généralement dès l’automne en climat froid et humide. Il s’agit de lésions érythrocyaniques au niveau des pulpes ou de la face externe des orteils qui peuvent être uniques ou multiples, souvent à type de papules oedémateuses prurigineuses qui évoluent par poussées. Dans la majorité des cas, les lésions sont symétriques. Elles sont le plus souvent bénignes. En dehors des méthodes préventives d’hygiène de vie, les traitements de référence restent les inhibiteurs calciques.
Le principal problème posé par les engelures est en fait celui du chilblain lupus (lupus érythémateux cutané) ou pseudo-engelure du lupus érythémateux. Un bilan de base sera alors à réaliser (NFS, VS, CRP, anticorps antinucléaires, cryoglobulinémie, facteurs rhumatoïdes), avec histologie cutanée, lorsque les engelures surviennent hors des saisons classiques, sur un terrain inhabituel ou si elles persistent anormalement.
Les acrocyanoses sévères peuvent s’accompagner d’une polyarthralgie vasomotrice, d’une hyperhydrose, de périonyxis ou onyxis récidivants, de retards à la cicatrisation. La complication la plus fréquente, mal connue et mal gérée, est la répercussion psychologique d’une acrocyanose sévère qui peut entraîner une véritable difficulté relationnelle. Il importe donc de rassurer la patiente, en évitant les facteurs aggravants, en réévaluant les conditions d’hygiène de vie et en utilisant les inhibiteurs calciques si nécessaire.
Enfin, l’anorexie mentale s’associant souvent à un acrosyndrome, il importe d’être vigilant lorsque de telles manifestations existent chez une jeune fille longiligne, trop mince, voire maigre. Enquête alimentaire, prise en charge nutritionnelle et psychologique sont alors des éléments essentiels à organiser.
D’après la communication de C. Bodemer (hôpital Necker - Enfants-Malades, Paris) lors du séminaire de dermatologie pédiatrique de l’hôpital Necker - Enfants-Malades.
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