Paradoxal et inapproprié
La formulation « goitre ovarien » est en fait paradoxale et inappropriée, le mot goitre impliquant la localisation cervicale. Le goitre ovarien est au départ une notion d'anatomopathologie avec présence dans l'ovaire de tissu thyroïdien différencié. De ce fait, l'éventail des variétés anatomopathologiques et fonctionnelles des goitres ovariens se calque sur celui de la pathologie thyroïdienne elle-même : il existe des lésions bénignes, des lésions malignes éventuellement, avec cas de métastases et possibilité de cas avec hyperthyroïdie.
Tumeur solide
La prévalence du goitre ovarien parmi les tératomes est diversement appréciée par la littérature variant de 1 à 5 %. Le goitre ovarien revêt l'aspect d'une tumeur solide, parfois gélatineuse, d'une couleur marron. Dans d'autres cas, il se présente sous la forme d'un kyste uni- ou multiloculaire, à contenu muqueux ou gélatineux, bordé par des cellules épithéliales d'allure non spécifique. L'architecture tissulaire est tout aussi variée que celle des tumeurs primitives de la thyroïde, avec des structures macro- ou micro-vésiculaires, de goitre colloïde, pseudo-tubulaires ou trabéculaires, pouvant être associées entre elles. Des lésions de thyroïdite ont également été décrites et, là aussi, le diagnostic peut être difficile. Dans tous les cas, le diagnostic pourra être affirmé par les techniques d'immunohistochimie avec un anticorps antithyroglobuline ou anti-TTF.
Des formes malignes
Les formes malignes représenteraient de 5 à 10 % des goitres ovariens, soit 0,01 % de l'ensemble des cancers de l'ovaire. Le consensus actuel est de retenir comme critère de malignité ceux des carcinomes primitifs de la thyroïde : le diagnostic de cancer papillaire qui représente 85 % des cas est ainsi établi sur l'aspect « en verre dépoli » des noyaux. Le tératome est souvent dépourvu de capsule, ses limites sont irrégulières ; aussi est-il plus difficile d'affirmer la malignité d'une tumeur de type folliculaire, l'index mitotique pouvant alors contribuer au diagnostic de malignité.
La tumeur carcinoïde
La tumeur carcinoïde de type thyroïdien se définit comme une tumeur composée de tissu thyroïdien intimement associé à un tissu carcinoïde, le plus souvent d'architecture trabéculaire, auxquels peuvent s'associer d'autres éléments des tératomes. Elle représente entre 26 et 44 % des tumeurs carcinoïdes de l'ovaire.
A côté de ces formes « tumorales », découvertes devant une symptomatologie douloureuse ou un examen clinique ou radiologique systématique, l'hyperthyroïdie est une cause classique mais rare de découverte de goitre ovarien. Cinq à 8 % des goitres ovariens s'accompagneraient d'hyperthyroïdie. Les éléments conduisant à évoquer ce diagnostic, en l'absence de toute pathologie thyroïdienne, sont : un taux de thyroglobuline normal ou élevé, écartant une thyrotoxicose factice, et une fixation thyroïdienne basse ou absente, en scintigraphie, ce qui doit conduire à la réalisation d'une scintigraphie corporelle totale. Le traitement proposé est généralement chirurgical, mais le caractère fixant de la tumeur pourrait faire discuter un traitement par iode.
Pronostic
Le pronostic des goitres ovariens bénins est favorable sans mention de récidive dans la littérature. La faible incidence des goitres ovariens malins rend difficile l'étude de leur pronostic. A ce jour, seulement une trentaine de cas de métastases à distance de goitre ovarien ont été rapportés dans la littérature, leur survenue pouvant être tardive. Quant aux tumeurs carcinoïdes de type thyroïdien, leur évolution est presque toujours bénigne.
A l'exception des formes avec hyperthyroïdie, le diagnostic de goitre ovarien n'est le plus souvent établi qu'après examen histologique de la pièce opératoire. En conséquence, la conduite thérapeutique est celle à mettre en œuvre, en cas de tumeur ovarienne organique. Selon l'état hormonal de la patiente, plusieurs gestes chirurgicaux pourront être discutés : simple kystectomie en cas de tumeur non suspecte, ou annexectomie en cas de critères échographiques ou de suspicion peropératoire de malignité chez une femme jeune, annexectomie ou hystérectomie non conservatrice chez la femme ménopausée. Enfin, en ce qui concerne le goitre ovarien malin, les modalités de prise en charge ne sont toujours pas consensuelles, mais le potentiel évolutif justifie une concertation entre le gynécologue, l'anatomopathologiste et l'endocrinologue, afin de définir au mieux le traitement complémentaire et la surveillance.
D'après la communication du Dr J. Orgazzi (service d'endocrinologie, centre hospitalier Lyon-Sud, Pierre-Bénite) lors des 24es Journées françaises d'endocrinologie clinique, nutrition et métabolisme (Paris).
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature