L'essentiel de ce qu'il faut savoir sur les mutilations génitales féminines

Publié le 07/09/2003
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REFERENCE

130 millions de fillettes et de femmes

Selon l'Organisation mondiale de la santé, 130 millions de fillettes et de femmes ont subi des mutilations génitales féminines et 2 millions sont victimes de mutilations génitales féminines chaque année pour des raisons culturelles et sociales. Leur origine est très ancienne, remontant à l'époque pharaonique. On s'accorde à nier toute implication religieuse.

Les principaux motifs évoqués sont :
- la préservation de la virginité des jeunes filles jusqu'à leur mariage afin de les rendre plus désirables ;
- la répression de la sexualité féminine par l'atténuation du désir sexuel ;
- une démarche initiatique pour le passage du stade d'enfant à celui de femme ;
- l'esthétique : les organes génitaux externes de la femme étant jugés comme disgracieux et sales ;
- l'amélioration de la fécondité : les organes génitaux externes de la femme étant considérés comme des vestiges des organes masculins, leur exérèse est indispensable à la procréation.

1) Quelle est la prévalence à travers le monde ?

Le nombre précis est très difficile à évaluer, probablement de plus de 130 millions d'après l'OMS. Selon les pays, la prévalence varie de 30 à 50 % dans certains pays comme le Ghana, le Bénin, la Côte d'Ivoire, de 80 à 95 % au Burkina Faso.

2) Quelles sont les différentes variétés de mutilations génitales ?

Il s'agit le plus souvent de l'ablation du clitoris, mais elle peut être associée à l'excision des petites lèvres et parfois à l'incision des grandes lèvres avec fermeture plus ou moins complète de l'orifice vaginal, correspondant dans ce cas à l'infibulation.
Classification de l'OMS :
- type I ou Sunna circoncision avec excision du prépuce clitoridien avec ou sans excision partielle ou totale du clitoris ;
- type II avec excision du clitoris et des petites et grandes lèvres ;
- type III ou infibulation type II avec fermeture quasi complète de l'orifice vulvaire.
Elles sont réalisées à des âges différents suivant les pays, de quelques mois à l'adolescence.
Les modalités de réalisation suivent de véritables rituels hors de toute condition d'asepsie avec excision et incision à l'aide d'un couteau, d'un rasoir ou de ciseaux, ou parfois de substances corrosives. Des solutions à bases de plantes sont utilisées pour la cicatrisation et les jambes des fillettes sont parfois attachées dans ce but. Les conséquences en sont souvent une surinfection.

3) Quelles sont les conséquences des mutilations génitales ?

Les complications immédiates sont multiples, pouvant mettre en jeu le pronostic vital immédiat.
La douleur est omniprésente en raison de l'innervation importante de cette région.
Les principales complications immédiates sont les hémorragies liées à l'hypervascularisation du clitoris, à l'origine d'une anémi, voire d'un choc. Il peut exister des plaies du périnée postérieur, du périnée antérieur avec lésions des voies urinaires.
Les complications infectieuses viennent au second plan dans un premier temps, liées aux conditions (instruments non stériles, pansements traditionnels...). Elles peuvent évoluer vers des adénites, un abcès, une cellulite du périnée à l'origine parfois d'une gangrène, voire d'une septicémie et, dans certains cas, une infection VIH.
Les complications sont d'autant plus sévères que le geste a été étendu : plus important en cas d'infibulation qu'en cas d'excision.
Les complications à long terme sont source d'invalidité :
- cicatrices vicieuses, chéloïdiennes ;
- algies pelviennes chroniques pouvant être la conséquence d'un névrome du nerf dorsal du clitoris, d'un trouble de la cicatrisation, de lésions infectieuses génitales hautes (salpingite), majorées par le contexte psycho-social ;
- dyspareunie en cas d'infibulation ou de coalescence des petites lèvres ;
- frigidité en rapport avec les lésions organiques et le contexte ;
- hématocolpos lié à des synéchies vaginales cicatricielles ;
- infections urinaires basses et hautes en rapport avec des lésions des voies urinaires traumatiques ;
- complications obstétricales à type de déchirure sévère du périnée (avec lésions du sphincter de l'anus) survenant au moment de l'expulsion du foetus.

4) Que peut-on faire ?

La seule solution afin d'éviter la survenue des complications médicales et psychologiques de cette pratique comporte deux composantes, explicative et prohibitive.
La prévention passe avant tout par l'information sur les dangers et les conséquences de telles pratiques, dans le respect des cultures des populations concernées. Le rôle des associations est essentiel, comme le Groupement femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles (GAMS), la Commission pour l'abolition des mutilations sexuelles (CAMS), le Mouvement français pour le planning familial (MFPF), Interservice Migrant.
La prohibition ne peut reposer que sur un consensus international.
La législation existe au niveau international, européen et français.
Au cours d'une assemblée générale de l'ONU, la Convention relative aux droits de l'enfant adoptée en 1989 a reconnu la mutilation génitale féminine comme atteinte aux droits de l'enfant. L'OMS a signifié son opposition à la médicalisation des mutilations génitales féminines sous toutes leurs formes et dans quelque cadre que ce soit. La commission « éthique » de FIGO (Fédération internationale de gynécologie-obstétrique) a condamné toute violence à l'égard des femmes en 1995.
Le Parlement européen a adopté une résolution le 26 février 2001 qui déclare que toutes les formes de mutilation sexuelle constituent à l'égard des femmes une violation de leurs droits fondamentaux, qui sont les droits à l'intégrité de la personne et à la santé physique et mentale, et que de telles violations ne sauraient être justifiées par le respect de traditions culturelles ou de cérémonies initiatiques.
En France, les articles 222-9 et 222-10 du code pénal répriment les mauvais traitements sur les enfants au titre des « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ». De plus, les articles 16 et 16.9 du code civil soulignent l'obligation de respect du corps humain et le code de déontologie rappelle qu'aucune mutilation génitale féminine ne peut être pratiquée.

En conclusion

En conclusion, ces pratiques sont des violations ouvertes de la Déclaration universelle des droits de l'homme qui dispose que nul ne sera soumis à la torture, ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Il est important de connaître l'existence de ces pratiques pour dissuader les familles de les continuer pour leurs filles, pour apporter une meilleure écoute des victimes sur les conséquences sur leur vie de femme et pour trouver des solutions réparatrices lorsqu'elles sont encore possibles.
Il faut enfin rappeler que leur pratique constitue un motif passible de la Cour d'assises et que le médecin découvrant cette mutilation est délié du secret professionnel en cas de mutilation chez une enfant de moins de 15 ans.

Associations humanitaires :
- GAMS : Groupement femmes pour l'abolition des mutilations sexuelles, 66, rue des Grands-Champs, 75020 Paris.
- CAMS : Commission pour l'abolition des mutilations sexuelles, 6, place Saint-Germain-des-Prés, 75006 Paris.
- MFPF : 10, rue Vivienne, 75002 Paris.
- Gynécologie Sans Frontières, 50, rue Raffet, 75016 Paris.

Pr Henri-Jean PHILIPPE Gynécologie-obstétrique, médecine foetale et de la reproduction, CHU de Nantes Gynécologie sans Frontières

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7377