PRATIQUE
Comme toutes les maladies allergiques, les conjonctivites allergiques, tous âges confondus, sont en nette progression. Au cours des deux dernières décennies, la fréquence des maladies allergiques de l'enfant et de l'adolescent a plus que doublé. Bien que nous ne disposions pas d'études épidémiologiques récentes, il est admis que les conjonctivites allergiques représentent environ 15 % de l'ensemble des conjonctivites, et peut-être plus chez l'enfant.
Comme chez l'adulte, cette pathologie, à la frontière des deux disciplines que sont l'allergologie et l'ophtalmologie, est sous-diagnostiquée et sous-traitée. Le pédiatre ou le généraliste sont consultés le plus souvent en première intention, et leur rôle est essentiel pour poser un diagnostic précoce et initier un traitement symptomatique et préventif afin d'éviter les récidives. Ils doivent être attentifs et vigilants afin d'éviter l'aggravation ou d'éventuelles complications allergiques. L'avis de l'ophtalmologiste doit être demandé au moindre doute, et celui de l'allergologue est à envisager en deuxième intention pour confirmer une éventuelle étiologie allergique et préciser le ou les allergènes responsables. Cela permet de prescrire un traitement plus adapté.
La conjonctivite allergique saisonnière ou pollinique
C'est le classique rhume des foins. Très sévère, elle est toujours bilatérale, le plus souvent associée à une rhinite, parfois à une toux spasmodique ou même à un asthme.
Le diagnostic positif repose sur la clinique : association avec d'autres localisations de l'allergie, avec une rhinite ou avec d'autres manifestations respiratoires, caractère saisonnier de la maladie, antécédents personnels ou familiaux d'allergies.
Elle peut débuter à tout âge. Le diagnostic positif repose sur les mêmes critères, mais, ici, les manifestations peuvent durer presque toute l'année. Cependant, on note typiquement des exacerbations en automne ou en présence de fortes quantités d'acariens. Elle évolue souvent vers la chronicité. L'enfant supporte mal cette maladie, bien que la gêne reste habituellement modérée. Cette gêne, associée à la nécessité d'un traitement local quasi permanent, entraîne une altération de la qualité de vie.
Pour ces deux formes cliniques, l'avis de l'allergologue est sollicité dans un deuxième temps pour identifier le ou les allergènes responsables.
Son mécanisme est mal connu. Elle concerne davantage les garçons que les filles. Elle survient entre 3 et 10 ans, évoluant par poussées inflammatoires, intermittentes, liées à l'ensoleillement. Parfois bilatérale, elle est plus volontiers asymétrique. Les enfants des pays chauds sont plus atteints (3 % de la pathologie oculaire en Somalie). Elle est plus rare sous les climats tempérés (1/5 000 en Grande-Bretagne). Le suivi par l'ophtalmologiste est indispensable pour confirmer le diagnostic et mettre en uvre un traitement précis afin d'éviter des complications parfois irréversibles telles qu'une kératite ou un ulcère cornéen entraînant une éventuelle baisse de l'acuité visuelle.
Les deux seuls signes évocateurs mais non pathognomoniques sont :
- le prurit de la surface oculaire et au niveau des angles externes et internes ;
- l' oedème des paupières, souvent asymétrique, survenant par crises imprévisibles.
D'autres signes sont moins évocateurs :
- la rougeur conjonctivale ;
- la photophobie qui est plutôt un signe de kératite ou d'uvéite antérieure présentant un caractère de gravité ;
- enfin, le larmoiement, la fatigue oculaire, les sensations de brûlure ou de cuisson qui sont des signes d'irritation conjonctivale non spécifique.
L'interrogatoire précise :
- les antécédents allergiques personnels ou familiaux ;
- les manifestations allergiques associées : rhinite, asthme, trachéite, urticaire ou eczéma, allergies alimentaire, professionnelle ou médicamenteuse ;
- le mode évolutif avec début aigu (traumatisme, infection) ou chronique ou répétitif. Evolution d'un seul tenant, intermittente, perannuelle (acariens, animaux...), par intermittence (conjonctivite vernale), ou saisonnière (pollens) ;
- l'utilisation éventuelle de lentilles de contact, de médicaments, de collyres, de produits cosmétiques ou ménagers ;
- un tabagisme éventuel, l'habitat, le climat humide ou sec, la réponse aux traitements antérieurs.
Visage et bord des paupières
Il comprend une étude de l'aspect du visage et du bord des paupières (blépharite associée, eczéma palpébral...), des cils, des larmes, de la cornée, de la conjonctive bulbaire et palpébrale.
On élimine un chémosis et examine la paupière éversée, recherchant :
- des zones d'atrophie visibles en conjonctivites allergiques d'allergie ancienne ;
- des follicules ou petits nodules arrondis translucides saillant sur l'épithélium non spécifiques chez l'enfant (maturation du système immunitaire). En cas de pathologie, il faut en premier lieu éliminer une infection ;
- des papilles, bourgeons charnus, non spécifiques, mais évoquant une conjonctivite vernale lorsqu'ils dépassent un millimètre.
Ainsi peut-on éliminer une blépharite, un eczéma palpébral, un chalazion, une sécheresse oculaire ou une meibomite, une infection oculaire simple, mycosique ou parasitaire (démodex dans les cils).
Manifestations allergiques associées
Un examen clinique complet recherche des manifestations allergiques associées : rhinite, asthme, eczéma.
L'examen clinique complète l'interrogatoire minutieux permettant un diagnostic précoce. Ainsi peut-on :
- identifier le terrain allergique et les antécédents du patient ;
- orienter le diagnostic étiologique (acariens, pollens, moisissures, squames et poils d'animaux, allergènes de contact...) ;
- rechercher des foyers infectieux, ORL ou dentaires ;
- éliminer certains diagnostics différentiels ;
- et traiter ou soulager le patient.
Toute notion de conjonctivite vernale, de baisse de l'acuité visuelle, de brouillard et/ou de douleur oculaire impose un avis ophtalmologique rapide.
Le praticien demande l'avis, en fonction des résultats de l'examen clinique :
- de l'ophtalmologiste d'emblée, ou dans un deuxième temps, pour un examen approfondi de l'il grâce au biomicroscope ;
- de l'allergologue, qui pratiquera des tests cutanés essentiels en seconde intention.
Des examens biologiques peuvent être utiles.
Les tests multiallergéniques tels que le Phadiatop ou le Mast-Cla, dont les résultats sont à confronter à la clinique, ne peuvent que confirmer le terrain atopique souvent évident dès l'interrogatoire. Les faux négatifs sont de surcroît très fréquents.
Les dosages des IgE spécifiques (RAST), valables pour les aéroallergènes et les allergènes alimentaires (trophallergènes), ne sont prescrits en première intention que si les tests cutanés sont irréalisables (dermographisme, eczéma ou urticaire tenace...). Ils peuvent être demandés en deuxième intention par l'allergologue s'il existe une discordance entre la clinique et le résultat des tests cutanés.
Le dosage des IgE totales ou spécifiques des larmes, le test de provocation sont du ressort du spécialiste et sont rarement nécessaires.
La base du traitement
Le traitement des conjonctivites allergiques est fondé sur :
- l'éviction des allergènes quand elle est possible ;
- l'éradication des foyers infectieux éventuels ;
- la prescription de collyres antidégranulants ou antihistaminiques souvent efficaces dans les formes aiguës ;
- des anti-H1 par voie générale surtout en conjonctivites allergiques de rhinite allergique associée ;
- les collyres anti-inflammatoires à base de cortisone sont à proscrire ou sont éventuellement prescrits par l'ophtalmologiste, mais avec prudence.
Le traitement des complications et des formes graves relève de l'ophtalmologiste.
La désensibilisation spécifique, dont l'indication est posée par l'allergologue après identification de l'allergène, peut apporter un confort considérable au patient.
En conclusion : vigilance et prudence.
Les conjonctivites allergiques sont constituées essentiellement chez l'enfant par les conjonctivites polliniques et la conjonctivite vernale sévère, mais qui reste exceptionnelle.
Grâce à un diagnostic et à un dépistage précoces de ces conjonctivites allergiques, le praticien généraliste ou pédiatre prescrit un traitement adapté, non corticoïde, pour soulager l'enfant. Il limite ainsi la longueur, l'intensité des crises et prévient les complications. Cependant, vigilance et prudence sont de rigueur. Tout signe de gravité ou de conjonctivite vernale justifie la demande d'avis de l'ophtalmologiste d'emblée ou en deuxième intention, et plus tard l'avis de l'allergologue.
Bibliographie :
1) E. Bloch-Michel, L. Helleboid, D. Herman, F. Marmouz, E. Vadot. « L'allergie oculaire ». 1999. Institut UCB de l'allergie.
2) L. Bielory. Immunology and allergy clinics of North America. February 1997.
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