Deux angles
Cette dysplasie se mesure grâce à deux angles de couverture du fémur par le cotyle, l’un externe, l’autre antérieur.
–L’angle de Wiberg se mesure sur un bassin de face. Il est délimité par deux droites qui passent par le centre de la tête fémorale : la verticale et la droite qui joint ce centre au bord du cotyle. On définit ainsi l’angle de couverture externe (angle VCE) de la tête fémorale normalement ≥ 30°. Entre 30 et 25°, on parle de dysplasie mineure ; en dessous de 25°, il y a une dysplasie évidente.
–L’angle de couverture antérieure (angle VCA pour : verticale – centre de la tête – bord antérieur du cotyle) se mesure sur le « faux profil de Lequesne ».
Lorsque les deux angles sont inférieurs à 25°, il y a dysplasie de la tête fémorale, insuffisance de couverture de la tête fémorale par un cotyle dysplasique dès la naissance.
La liaison entre dysplasie et arthrose est bien établie et plus la dysplasie est importante, plus le risque d’arthrose est élevé. Mais, à dysplasie égale, tout le monde ne fait pas une arthrose.
Toutes les dysplasies n’entraînent pas une arthrose, mais plus cet angle est petit (< 20°), plus la dysplasie est grande, plus la pression sur la zone de contact restante est forte, plus le risque d’arthrose est important, donnant des coxarthroses supéro-externes.
Néanmoins, à dysplasie égale, certains ont une arthrose beaucoup plus tardivement. La raison en est inconnue : collagène et/ou protéoglycanes de meilleure qualité, détermination génétique ?
La manoeuvre d’Ortolani
Les arthroses sur dysplasie ont tendance à diminuer de fréquence, grâce au dépistage systématique de la dysplasie de hanche à la naissance avec la manoeuvre d’Ortolani : enfant sur le dos, hanches en flexion, la rotation externe bilatérale recherche un ressaut. La radiographie confirme la dysplasie, qui est traitée à cet âge par attelle d’abduction quelques semaines ou mois ; ce qui en général suffit à corriger la dysplasie.
En pratique, les jeunes rhumatologues et chirurgiens rencontrent moins de dysplasies que les générations précédentes et ne savent pas toujours quelle conduite adopter.
Sujet asymptomatique
Arthrose radiologique sur dysplasie chez un sujet asymptomatique: on n’opère pas.
Découvrir une dysplasie sur une radiographie, s’il n’y a pas d’arthrose, n’implique aucun geste. Si elle est asymptomatique, la découverte fortuite d’une dysplasie permet d’informer un patient et de l’inciter à consulter en cas de douleur dans l’aine.
Sujet symptomatique
Arthrose radiologique sur dysplasie chez un sujet symptomatique: sur quels critères, à un stade de début d’arthrose sur dysplasie, décider d’opérer?
Le plus souvent, ce sont des femmes jeunes (30-40 ans) avec une douleur de l’aine, un examen clinique normal (pas de raideur articulaire à ce stade). La radiographie met en évidence une dysplasie, si elle n’était pas déjà connue, mais le plus souvent, à ce stade, elle ne montre aucun signe d’arthrose.
Faut-il faire une chirurgie « préventive » de l’arthrose ou se contenter de traiter symptomatiquement la crise (antalgiques, anti-inflammatoires, repos, kinésithérapie pour renforcer les quadriceps), puisque l’on sait que, dans ces douleurs d’arthrose débutante, la poussée va entrer dans l’ordre et, à ce stade, probablement pour des années ?
Même si l’on ne sait pas quelle sera l’évolution spontanée, le risque d’arthrose rapidement destructrice est rare et, la plupart du temps, ces arthroses évoluent en dix à vingt ans.
Globalement, une coxarthrose sur deux nécessitera une prothèse totale de hanche.
On peut donc se trouver face à une dysplasie qui génère des douleurs, éventuellement déjà à un stade débutant d’arthrose : petit ostéophyte, très discret pincement, c’est bien une arthrose qui débute ; l’arthro-scanner montrerait l’amincissement du cartilage.
A ce stade, la chirurgie peut arrêter le processus, mais on sait aussi que, dans l’histoire naturelle de l’arthrose de la hanche, certaines formes peuvent rester modérées.
Il n’y a pas de situation univoque, mais il faut rappeler une notion qu’avaient les vieux chirurgiens d’avant la prothèse totale : le traitement de la dysplasie de hanche, même à un stade relativement évolué d’arthrose, est une opération « payante ». Que tirer de ce vieux constat ? Il n’y a pas d’urgence à se précipiter chez un sujet de 35-40 ans, qui peut mettre vingt ans à développer son arthrose. On parle de stade évolué d’arthrose lorsqu’il y a pincement net (< 50 % par rapport à l’interligne de la hanche opposée) et ostéophytose.
On peut se donner quelques mois pour voir évoluer la poussée douloureuse qui a conduit à consulter.
Donc, on traite la crise :
– ou elle passe vite et ne se reproduit pas : il n’y a pas d’indication à opérer tout de suite, quitte à surveiller une fois par an ;
– ou, malgré le traitement, ou lors d’efforts inhabituels, la douleur réapparaît : c’est à ce moment-là qu’il faut proposer une intervention «préventive» de l’arthrose sur dysplasie.
A 60 ans
Arthrose débutante à 60ans sur dysplasie: butée ou prothèse?
On ne met pas une prothèse de hanche à quelqu’un qui n’a pas une arthrose très évoluée. Même pour un sujet de 60 ans, une arthrose sur dysplasie qui commence doit bénéficier d’une butée (tectoplastie) et non d’une prothèse, sachant que la tectoplastie ne compromet pas le résultat d’une prothèse ultérieure.
Grossesse et dysplasie de hanche
La grossesse est une période où le diagnostic de dysplasie peut être effectué chez une femme soit asymptomatique, soit symptomatique du fait de la grossesse.
Si elle est asymptomatique : la prévenir et la surveiller.
La surcharge de la grossesse peut déclencher la première poussée ; c’est un signe d’appel. Il faut surveiller après l’accouchement, mais il y a eu symptôme et donc on est ramené au cas de figure précédent.
Les différents types d’interventions
–Les ostéotomies du cotyle, beaucoup pratiquées autrefois, constituant des interventions lourdes, immobilisantes pour plusieurs mois, sont peu pratiquées actuellement face à des alternatives plus souples.
– L a tectoplastie du cotyle, ou butée, qui consiste à prélever de l’aileron iliaque, à le façonner en forme de « coin » et à l’insérer au niveau du cotyle juste au-dessus de la capsule : intervention «payante» car elle est extra-articulaire, assez simple à réaliser, visant à allonger le cotyle qui était trop court.
Elle est physio-pathologiquement tout à fait satisfaisante, elle est efficace à condition que le greffon ne soit mis ni trop haut (inefficace) ni trop bas sur la capsule (aggravant l’arthrose) pour réaliser un néocotyle agrandi, fonctionnel, rétentif, qui permette d’agrandir la surface d’appui et, par ce biais, de stabiliser l’arthrose.
Elle est efficace tant que le pincement est inférieur à 50 %. Elle donne d’excellents résultats pendant vingt à trente ans, permettant d’envisager ultérieurement une prothèse de hanche, si, malgré tout, se développe une arthrose.
Dernière nuance technique : les minivoies d’abord permettent actuellement de réaliser cette intervention sous arthroscopie avec des suites opératoires très simples et une remise sur pied rapide.
Il n’y a pas d’urgence à opérer une dysplasie de hanche.
Le résultat sera le même si l’on opère à l’un de ces trois stades :
– crise douloureuse, dysplasie radiologique, mais pas de signe d’arthrose ;
– mêmes symptômes, même dysplasie, mais petit ostéophyte du cotyle, discret ostéophyte de la tête du fémur, mais pas de pincement ;
– mêmes symptômes, avec en plus un très discret pincement (+ 1mm).
On peut toujours se donner un an pour voir.
D’après un entretien avec le Pr Bernard Mazières, Toulouse.
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