« L'AVENTURE pasteurienne du sida illustre parfaitement la mission que notre institut s'est imposé depuis sa création. Mais il est possible de remonter plus loin encore. Déjà Louis Pasteur avait été sollicité pour répondre à des demandes sociétales telles que la rage, les problèmes de fermentation de la bière ou les difficultés dans l'élevage du ver à soie. Lorsque Willy Rozenbaum a interpellé la communauté pasteurienne, il savait qu'il y trouverait des chercheurs prêts à investir leur temps dans une mission de recherche de l'agent causal de la maladie. Il savait, aussi, que, au sein du campus de l'Institut, des contacts entre les personnes impliquées dans différents champs de la recherche fondamentale pourraient être facilement établis. Enfin, il prenait en compte la réactivité de la direction de l'institut qui sait, à tout moment, réorienter les budgets de recherche et mettre à la disposition des chercheurs des moyens supplémentaires. En 1983, la communauté pasteurienne s'est rapidement mobilisée. Tous ont rapidement compris que seule une mobilisation pourrait permettre de faire passer d'un travail purement clinique à un investissement en recherche fondamentale. La direction pasteurienne a su aussi convaincre les chefs d'unité qu'il était essentiel de déléguer certains de leurs jeunes chercheurs momentanément au domaine de la recherche sur le VIH. C'est ce qui a, par exemple, permis la visualisation du virus (au sein du laboratoire d'oncologie) et le séquençage génétique (dans l'unité de biologie moléculaire).
Cet esprit règne toujours.
« Plus récemment, l'exemple du chikungunya montre que cet esprit règne toujours parmi les chercheurs qui peuvent compter sur la direction pour mettre en place les moyens d'orienter librement leur recherches.
En 1984, un laboratoire de recherche distinct sur le VIH a été mis en place afin de produire des virus et de développer des partenariat avec certains industriels, tels que Sanofi Diagnostic. La démarche n'a jamais cessé. Aujourd'hui, de 8 à 10 équipes travaillent à 100 % de leur temps sur le sujet. De nombreux partenariats sont développés avec les différentes agences de recherche nationales telles que l'INSERM, le CNRS, l'ANRS ou l'IRD.
Les découvertes pasteuriennes sur le VIH ont aussi été l'occasion de dépôts de brevets. C'est aujourd'hui le portefeuille le plus important pour l'institut. L'histoire du VIH nous a permis de développer une remarquable culture dans le domaine des brevets et des relations avec l'industrie. L'Institut Pasteur a été projeté au devant de la scène grâce au courage du directeur de l'époque et à la qualité des personnes alors présentes. Aujourd'hui encore, les dépôts de brevets sont essentiels pour l'institut afin de construire des relations de confiance avec le monde industriel. C'est pour permettre un transfert rapide des résultats des recherches vers l'industrie que nous avons développé au sein même de l'institut des zones d'interface prédéveloppementales.
Collaboration avec les autorités sanitaires locales.
« La recherche sur le VIH s'inscrit aussi dans l'une des grandes autres missions de l'Institut Pasteur par le biais du réseau international des instituts. En Asie du Sud-Est et en Afrique, les instituts mettent en place des programmes de collaboration avec les autorités sanitaires locales dans un but de soins et de formation du personnel de santé local. Au Cambodge, grâce à un travail réalisé avec le NIH et l'université de Harvard, les chercheurs de l'Institut Pasteur travaillent sur les coïnfections VIH-VHB et ils ont mis en place, à la demande des autorités locales, un programme national de prise en charge du VIH dans le pays. D'autres études cliniques sont en cours afin de limiter les réémergences de tuberculose chez les patients traités par antirétroviraux.
La découverte du VIH par les équipes pasteuriennes s'inscrit donc parfaitement dans l'histoire de l'Institut Pasteur qui avait été créé en 1887 pour permettre à Louis Pasteur d'étendre la vaccination, de développer l'étude des maladies infectieuses et de diffuser les connaissances scientifiques. »
Les dons, donations et legs
Si l'Institut Pasteur peut avoir une réactivité immédiate lorsqu'une nouvelle pathologie émerge, c'est grâce aux dons, donations et legs qui représentent un tiers du budget de fonctionnement. L'utilisation de ce budget peut être adaptée en fonction des besoins et, contrairement aux projets de recherche qui doivent être fixées à l'avance, les dons et legs peuvent être affectés rapidement à un domaine particulier de recherche. Mais pour que cette force de l'Institut Pasteur puisse persister dans le temps, il faut que l'effort de soutien à la recherche soit constant.
Un congrès anniversaire
Du 19 au 21 mai, l'Institut Pasteur de Paris accueille un congrès événement qui va permettre de faire le point sur les avancées récentes en matière de recherche sur le VIH et de replacer ces données dans le cadre plus globale des 25 ans de la découverte du virus. Les premières années de recherche seront analysées conjointement par Luc Montagnier et Robert Gallo. Viendront ensuite des sessions sur le virus, les systèmes de restriction, les SIV, l'immunopathogenèse, les réponses immunitaires, la génétique de l'hôte, les pistes vaccinales et l'épidémie d'un point de vue de santé publique qui feront intervenir les plus grands spécialistes mondiaux des différentes domaines.
Institut Pasteur, 25 rue du Docteur-Roux
75015 Paris.
http://www.pasteur.fr.
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