« Le tissu adipeux d'une personne souffrant d'obésité n'est pas qu'un sac qui se remplit de gras au fur et à mesure que celle-ci prend du poids. C'est aussi un véritable organe qui devient malade », souligne la Pr Karine Clément, professeur de nutrition, à l'institut hospitalo-universitaire de cardiologie, hôpital La Pitié-Salpêtrière, Paris. En effet, le tissu adipeux est un organe à part entière qui communique avec le cerveau, le muscle, mais aussi, avec le foie. Avec le développement de l'obésité, le tissu adipeux voit la taille de ses cellules se modifier et des cellules inflammatoires viennent s'y infiltrer. « Ainsi, l'obésité n'est pas un simple problème d'alimentation, mais une maladie d'organes », indique la Pr Clément. Les progrès récents de la recherche ont permis de comprendre les effets de l'environnement sur le tissu adipeux et les autres organes, la façon dont les organes interagissent entre eux. « Désormais, nous comprenons mieux pourquoi il est si facile de prendre du poids mais si difficile d'en perdre. Dans ce cadre, l'obésité est devenue un modèle de complexité pour la recherche. Car cette maladie comporte, à la fois, des facteurs environnementaux, alimentaires, génétiques et physiologiques ; elle est aussi liée à la pratique (ou non) d'activité physique », note la Pr Clément.
Le microbiote responsable de l'obésité…
Les outils de la génomique permettent, aujourd'hui, d'explorer les millions de gènes de notre intestin et de comprendre comment les bactéries qui tapissent cet organe répondent à notre environnement. « La recherche a notamment montré, que lorsqu'une souris reçoit le microbiote (les selles) d'une personne obèse, elle développe une obésité. À l’inverse, une souris recevant le microbiote d'une personne non obèse, ne développe pas d'obésité. Lorsqu'une souris ayant reçu le microbiote d'une personne obèse et une et une autre celui d'une personne de poids normal, les souris partageant leur microbiote (les souris sont coprophages), celle ayant reçu le microbiote d'une personne obèse améliore son profil métabolique », explique la Pr Clément. Ces expériences montrent, ainsi, que le développement de l'obésité pourrait être transférable par le transfert du microbiote intestinal. Les bactéries intestinales nous aident notamment à nous défendre contre les agressions extérieures, contribuent à la maturation du système immunitaire, à la synthèse de vitamines, à la conversion de certains médicaments… Mais elles peuvent, parfois, être délétères. Si les études chez les souris sont convaincantes, il reste beaucoup à faire chez l’homme pour démontrer le rôle du microbiote.
… et bientôt, capable d'améliorer la maladie
Notre microbiote, nous l'acquérons dès la naissance, il évolue ensuite en fonction de notre alimentation et des médicaments que nous prenons (antibiotiques), de l'exposition aux microbes… Il devient mature vers l'âge de 7 ans. « Des travaux ont comparé le microbiote d'enfants américains ayant une alimentation riche en sucres et graisses à celui d'enfants ayant une alimentation riche en fibres, notamment. Ils ont mis en évidence l'effondrement du microbiote des enfants américains (appauvrissement de leurs bactéries intestinales) », affirme la Pr Clément. Certaines personnes obèses présentent, ainsi, une perte de richesse de leur microbiote (diminution de la diversité des bactéries intestinales) et une augmentation des bactéries intestinales pro-inflamatoires. Ces personnes sont également plus à risque de développer des maladies cardiovasculaires, métaboliques et de prendre du poids au cours du temps. « Nous avons montré très récemment que 75 % des personnes qui sont candidates à la chirurgie de l'obésité ont un appauvrissement de leur microbiote. L'enjeu, à l'avenir, sera de comprendre la façon dont il faut agir pour améliorer ce microbiote et donc, la santé métabolique. La France est pionnière dans les approches liées à l'étude du microbiote. Nous sommes aujourd'hui, capables d'intégrer l'information complexe provenant de notre environnement et de notre biologie. L'enjeu c'est le retour au patient afin de pouvoir, par le biais de ces connaissances, soigner chacun de façon adaptée », conclut la Pr Clément.
D'après un entretien avec la Pr Karine Clément, professeur de nutrition, à l'institut hospitalo-universitaire de cardiologie, métabolisme, nutrition (INSERM/Université Sorbonne), hôpital La Pitié-Salpêtrière, Paris
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