En l'espace de quatorze ans l'espérance de vie des enfants trisomiques 21 a augmenté annuellement de 1,7 ans, aux Etats-unis tout au moins. Alors que l'âge médian du décès se situait à 25 ans en 1983, il est passé à 49 ans en 1997. Une donnée optimiste rapportée par Quanhe Yang (Atlanta, Etats-Unis) et coll. dans le « Lancet », à partir de l'analyse de la morbi-mortalité d'une population de 17 800 trisomiques sur cette période.
Le travail, s'il confirme certains points déjà connus, notamment les affections responsables des décès, montre en revanche de grandes disparités ethniques dans les survies.
A l'évidence, la population des trisomiques blancs bénéficie bien plus que les autres d'une survie prolongée. Même si l'écart avec la population noire s'est amenuisé depuis 1992. Les causes ne sont pas connues et les chercheurs se contentent d'hypothèses explicatives. Il se peut que les manifestations de l'affection varient selon les ethnies. Ainsi, l'odds ratio de mortalité lié à l'obésité ou à des anomalies génétiques (autres que cardiaques) semble inférieur au sein de l'ethnie blanche par rapport aux autres groupes. De même les pathologies associées à la circulation pulmonaire ou à une cardiopathie sont moins fréquentes chez les blancs. En l'absence de différence de prévalence des cardiopathies entre les divers groupes ethniques, peut être faut-il voir, dans ces variations du pronostic, un accès plus ou moins facile à la chirurgie cardiaque selon les groupes. Les auteurs y associent volontiers des facteurs socio-économiques ainsi que des possibilités de prévention et de suivi différentes.
Les cardiopathies congénitales
Quant aux divers responsables des décès, ils s'agit de ceux déjà relevés dans des études antérieures. Mais l'ampleur du travail a permis de chiffrer pour chacun sa fréquence. En tête de liste viennent les cardiopathies congénitales, dont l'odds ratio de mortalité standardisé (ORMS) est de 29,1. Viennent ensuite la démence, ORMS de 21,2 ; l'hypothyroïdie, ORMS de 20,3. Loin derrière sont impliquées les leucémies, ORMS à 1,6. En revanche, les cancers autres que ces derniers connaissent une incidence bien inférieure à celle relevée dans la population générale, environ le dixième de celle attendue (lire encadré).
Les auteurs achèvent leur étude en proposant des explications probables à cette remarquable augmentation des survies avec le temps. Ils évoquent la sortie des enfants du milieu institutionnel au profit d'une vie dans le cadre familial. S'y ajoutent, bien sûr, de meilleurs traitements des affections responsables de décès et le changements des pratiques médicales, incluant des possibilités de chirurgie cardiaque chez des enfants qui, auparavant, n'auraient pu en bénéficier.
« Lancet », vol. 359, 23 mars 2002, pp. 1019-1025.
Un faible risque de cancer
Les données sur la mortalité des trisomiques 21 rapportées par le « Lancet » montrent, dans cette population, une prévalence étonnamment basse des décès par cancers, autres que les leucémies, cancers du testicule ou de l'ovaire et rétinoblastomes.
Plusieurs explications sont proposées. Tout d'abord, une moindre exposition de ces sujets aux facteurs environnementaux à risque que sont le tabac, l'alcool ou certains cancérogènes professionnels.
Peut-être peut-on, aussi, impliquer la présence d'importants gènes suppresseurs de tumeur sur le chromosome 21. Un trisomique serait donc moins à même de perdre ses 3 exemplaires des gènes qu'un autre individu d'en perdre deux. Toutefois, ces gènes ne sont pas impliqués dans un nombre suffisamment important de cancers pour expliquer la faible prévalence des tumeurs.
Une autre éventualité est celle d'une réplication plus lente des cellules, donnant moins de chances à des mutations d'apparaître.
Les cellules des trisomiques, enfin, semblent plus enclines à l'apoptose que celles des personnes indemnes de l'anomalie génétique.
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