De notre correspondant
Deux lois, approuvées le 11 septembre par les députés espagnols, sont censées fixer le cadre légal du travail des médecins, un cadre qui s'imposera aux gouvernements régionaux totalement autonomes depuis deux ans en matière de santé.
Ces normes communes à toute l'Espagne, qui avaient été annoncées en 1986 dans la loi générale de la Santé, tentent de clarifier des aspects aussi importants que le système de promotion, la durée du temps de travail (intégrant le contenu de la directive européenne 93-104) ou la mobilité des médecins à l'intérieur d'une même région autonome ou entre deux régions (le point peut-être le plus difficile à résoudre à cause notamment des différences salariales et des particularités linguistiques de plusieurs régions espagnoles).
Après douze ans d'exercice en tant que médecin de famille dans un centre de santé de la banlieue de Madrid (Móstoles), le Dr Miguel Angel Garc[146]a, qui reçoit entre 40 et 60 malades par jour, de 8 heures à 15 heures, et qui a en plus tous les jours un ou deux malades à voir à domicile, ne semble pas préoccupé par son horaire de travail. « Tous les patients qui demandent rendez-vous avant le début de la consultation doivent être reçus », explique-t-il avant d'affirmer que l'application de la directive européenne (au maximum de 48 heures par semaine, y compris les gardes, déjà observées en France) n'aura pas de conséquence pour lui. A Madrid, en effet, et dans les zones urbaines de la banlieue, les médecins généralistes des centres de santé publics ne font pas de gardes ; quand le centre est fermé, c'est-à-dire la nuit, des équipes médicales spécifiques se chargent des urgences.
Des carrières plus motivantes
Mais ce qui peut intéresser ce médecin, c'est l'instauration d'une « carrière professionnelle », qui existe déjà dans quelques hôpitaux de Barcelone, en Navarre et dans un grand hôpital de Madrid (le Gregorio Marañón). On en parle beaucoup actuellement en Espagne parmi les médecins ; les échelons de cette carrière sont même fixés dans une des deux lois qui viennent d'être votées, mais rien n'a été précisé sur les plus financiers liés au passage d'un échelon à un autre. « Aujourd'hui, souligne Miguel Angel Garc[146]a, les seuls compléments que nous recevons dépendent de l'atteinte d'objectifs du centre où nous travaillons. Ainsi, plus nous proposons de génériques à nos malades et plus ces compléments augmentent, et surtout moins nous délivrons d'ordonnances et plus nous sommes payés, ce qui limite peut-être les dépenses publiques de santé mais ne manque pas de provoquer un certain malaise parmi mes collègues. »
Pour le Dr Diego Hernández, 40 ans, spécialiste en chirurgie générale et de l'appareil digestif à l'hôpital universitaire Douze-Octobre de Madrid, l'implantation d'une « carrière » permettra vraiment de motiver les médecins. « Aujourd'hui, celui qui travaille et celui qui ne fait presque rien ont pratiquement le même salaire », déclare-t-il avant d'indiquer que, jusqu'à présent, la variable de productivité était payée une fois par an et à l'ensemble du service, et que les heures d'enseignement, les séminaires et les « sessions cliniques » ne sont pris en compte nulle part. Selon Diego Hernández, « un vrai système de motivation devrait être personnalisé ».
« En plus de mon horaire de travail normal, assez souple bien sûr - de 8 heures à 15 heures du lundi au vendredi -, nous faisons ici cinq gardes par mois. Il faut ajouter à cela une moyenne mensuelle de deux interventions que nous pratiquons dans des cliniques où des lits sont loués pour réduire les listes d'attente dans le système public de santé, et environ trois heures d'enseignement et de sessions cliniques par semaine », conclut-il. Donc beaucoup plus que les 48 heures de la directive européenne. Malgré cela, le Dr Hernandez reconnaît qu'il se sent quelquefois mal utilisé quand, par exemple, certains après-midi, il est avec sa famille.
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