Les voies de la signalisation appartiennent au domaine de la recherche fondamentale. Elles se sont « ouvertes » grâce à la connaissance acquise au cours des quinze dernières années du fonctionnement de la cellule normale et des cellules prolifératives (tous les prix Nobel de médecine depuis 1994 ont récompensé des travaux traitant directement de problèmes de signalisation). Des éléments essentiels ont été apportés par les travaux de l'équipe de Weinberg (« Science », juillet 1999), qui ont marqué une étape importante dans la connaissance des mécanismes moléculaires responsables de la transformation d'une cellule normale en cellule cancéreuse. Ces chercheurs ont pu montrer que l'expression de trois gènes suffisait pour transformer une cellule normale humaine en cellule tumorale. Ils ont aussi fait apparaître le rôle complémentaire joué par le processus d'immortalisation et celui de la dérégulation de la signalisation intracellulaire.
« Le cancer peut être considéré comme une anomalie de la communication qui conditionne les anomalies de prolifération et de différenciation du processus tumoral », indique le Pr Christian Auclair (Cachan).
Il a ainsi été repéré des récepteurs à la surface cellulaire qui sont associés à la dérégulation cellulaire, phénomène considéré comme l'élément essentiel induisant la transformation maligne et la progression tumorale. Ces récepteurs représentent actuellement des cibles pour tenter d'interrompre le processus. Ils peuvent être soit augmentés en nombre (amplification du gène codant), soit mutés.
Vers une nouvelle pharmacologie
Des tentatives de blocage depuis l'intérieur de la cellule ont été réalisées, grâce à la mise au point d'inhibiteurs non pas de nature protéique, mais sous forme de petites molécules. Les résultats ne sont pas encore là, mais les recherches sont en cours.
Altérer uniquement les cellules tumorales représente le point de départ d'une nouvelle pharmacologie. Eléments clefs de la signalisation, les protéines kinases agissent comme intermédiaires en traduisant, au niveau intracellulaire, des messages émis à l'extérieur de la cellule, puis en acheminant à l'intérieur de la cellule le signal jusqu'à sa cible ultime. Plus de 500 gènes codant pour des protéines kinases ont été identifiés (ce qui montre la complexité du système, qui comporte des voies de signalisation encore inconnues).
Des résultats thérapeutiques ont déjà été obtenus en ciblant des voies de kinases. L'exemple inaugural est celui de Glivec, inhibiteur de la tyrosine kinase STI571, utilisé pour le traitement de la leucémie myéloïde chronique. Il représente, explique le Pr Auclair, « une rupture avec les concepts de la chimiothérapie traditionnelle, dans la mesure où ce composé a été élaboré pour agir spécifiquement sur une tyrosine kinase présente uniquement sur les cellules leucémiques (Bcr-Abl). »
Iressa, un autre inhibiteur de tyrosine kinase, a déjà une AMM aux Etats-Unis et au Japon dans le cancer pulmonaire.
Une autre approche ciblant les protéines de signalisation est représentée par les inhibiteurs spécifiques du récepteur au VGEF, pour empêcher le processus angiogénique. La stimulation de l'angiogenèse est, en effet, un phénomène très important de la tumorisation. Elle est gouvernée par un « dialogue » entre les cellules tumorales et leur environnement conduisant à une stimulation des cellules endothéliales. Les inhibiteurs des récepteurs au VEGF perturbent le dialogue, notamment en empêchant la réponse mitogénique des cellules endothéliales induite par le VEGF sécrété par les cellules tumorales. L'avastine (bevacizumab) est de fait un anticorps monoclonal étudié dans les cancers avancés du côlon avec des résultats positifs. Il devrait bientôt être enregistré.
« L'un des points importants à souligner est que ces nouveaux concepts thérapeutiques sont directement issus de la recherche fondamentale avec un délai de mise en uvre relativement court », souligne le Pr Auclair.
D'après les communications de Jean-Paul Thiery (Paris) et Christian Auclair ( Cachan).
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