De notre correspondante
Q UELLE que soit leur sensibilité, il est difficile de percevoir les nuances qui séparent les cinq candidats des Verts à la candidature à l'Elysée, du moins en matière de politique de santé.
Alice Crété, la plus jeune (21 ans) et la seule femme candidate à la candidature, a d'ailleurs dépassé ces problèmes de clans en estimant que le but était de « construire une parole collective que pourra porter le candidat ». Et en santé, le consensus semble déjà acquis au sein des Verts.
Pour l'économiste Alain Lipietz, autre candidat aux primaires des Verts, c'est par la santé qu'a fonctionné dans l'opinion publique le déclic de l'écologie : « On a reconnu que l'environnement rendait malade », et c'est « tous ensemble » qu'il faut répondre à ces problèmes et les prévenir. Rappelant les difficultés qu'a dû surmonter le député Vert André Aschieri pour obtenir une Agence de sécurité sanitaire de l'environnement, Alain Lipietz estime qu'il reste encore à doter cette nouvelle institution de moyens suffisants.
Candidat-phare de ces primaires, Noël Mamère n'a pas mâché ses mots. Il estime qu'il n'y a « pas de santé publique en France car on ne s'est pas donné les moyens de la prévention ». Constatant que le ministère de la Santé dépend du ministère de l'Emploi, il en conclut qu'il a « une gestion comptable de la santé ». A l'exception de la CMU, toutefois trop limitée à ses yeux, il dresse un lourd bilan de la gestion socialiste de la santé : la médecine du travail et la prévention des maladies professionnelles « à l'état zéro », une seule personne chargée au ministère de la prévention des cancers, l'Ordre des médecins toujours debout et l'absence de démocratie dans toute les instances sanitaires.
Pour lui, il faut améliorer le fonctionnement paritaire des organismes sociaux et renforcer le rôle de la Conférence nationale et des conférences régionales de santé pour mieux déterminer les choix.
Principe de précaution ou parapluie ?
Noël Mamère a par ailleurs déploré que le « principe de précaution », reconnu très tardivement, soit désormais utilisé « comme un parapluie » par les politiques alors qu'il devrait permettre aux responsables d'assumer les risques. Il cite la viande de buf : « Dans le village dont je suis maire, explique-t-il, je ne l'ai pas retiré des cantines car je savais d'où elle venait, parce que la cuisine centrale est sous la responsabilité de la mairie et non d'un service privé dans lequel on perd toute traçabilité. » Selon lui, « les questions de santé publique sont de l'ordre de l'Etat et des collectivités publiques, et le privé ne doit pas s'en occuper ». Un sujet qui va bien sûr au-delà des cantines scolaires et qui l'amène à dénoncer « le mariage contre nature des technosciences et du profit ».
Un propos repris par un autre candidat aux primaires des Verts, Yves Frémion, qui dénonce au passage « le laminage subi par les services publics » et notamment l'abandon de la recherche au profit du secteur privé. Il convient donc, selon lui, de « relancer le service public » si l'on veut donner la priorité à la santé publique et non à la rentabilité.
Seul médecin candidat à la candidature, le Dr Etienne Tête, gynécologue installé prés de Lyon, insiste aussi sur ce point : « Il faut une volonté politique pour poser le principe de l'intérêt supérieur de la santé : quand un médicament est nécessaire à la santé publique, l'Etat devrait le racheter pour qu'il tombe dans le domaine public. »
Pour la « pluralité thérapeutique »
Le gynécologue lyonnais souhaite que les Verts changent les termes du débat et sortent de la dénonciation pour entrer dans le concret. Il estime qu'il convient d'exiger plus de moyens pour la prévention, la reconnaissance de « la pluralité thérapeutique » et le droit pour chacun de choisir entre médecines classiques et alternatives, l'indépendance du médecin du travail vis-à-vis de son employeur, le développement de la formation des jeunes face aux comportements à risque et l'indépendance de l'OMS face à l'Agence internationale de l'énergie atomique. Il développe également un programme précis sur l'environnement et ses liens avec la santé en insistant sur la nécessité des études épidémiologiques et demande que les risques soient évalués en prenant en compte prioritairement les sujets les plus sensibles (les enfants pour le cancer de la thyroïde dû à l'iode par exemple), et non la moyenne de la population. Pour tout cela, ce médecin rejoint les autres candidats Verts en souhaitant que les patients deviennent des acteurs à part entière du système de santé et que les scientifiques éclairent les politiques mais ne prennent pas la décision à leur place, sinon « la démocratie aura perdu ».
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