O N sait que la prise régulière de faibles doses d'aspirine induit un effet protecteur des maladies cardio-vasculaires et limite le développement de certaines formes de cancer du côlon. Des publications récentes tendent aussi à prouver que ce médicament préviendrait l'apparition des cancers du sein et du poumon et réduirait l'incidence de pathologies telles que la maladie d'Alzheimer.
In vivo, l'aspirine agit comme une pro-drogue anti-inflammatoire qui se transforme en un composé actif : l'acide salicylique. Celui-ci inhibe la transcription de la cyclo-oxygénase 2 (COX-2), une enzyme clé des processus inflammatoires et, de ce fait, diminue les concentrations de prostaglandines E2 sériques et F2 alpha au niveau de la muqueuse colique.
Herbes aromatiques et épices
Par ailleurs, le risque de cancer du côlon et de maladie cardio-vasculaire est plus faible chez les personnes végétariennes. Or des chercheurs ont récemment mis en évidence la présence d'acide salicylique et de deux autres salicylates (acide 2,3 dihydroxybenzoïque et acide 2,5 dihydroxybenzoïque) dans les fruits et les légumes, en particulier dans les herbes aromatiques et les épices. C'est pour cette raison qu'une équipe de médecins britanniques, dirigée par le Dr Blacklock, a mis en place une étude de mesure des taux sériques d'acide salicylique chez des sujets, végétariens ou non, ne prenant pas de traitement par aspirine, et les a comparés à ceux de diabétiques traités quotidiennement par 75 mg d'aspirine.
Des moines bouddhistes d'origine caucasienne vivant en Ecosse
Le taux moyen d'acide salicylique à jeun chez les 36 végétariens retenus dans l'étude - des moines bouddhistes d'origine caucasienne vivant en Ecosse et nourris de façon strictement végétarienne - a été estimé à 0,11 μmol/l, alors que celui de non-végétariens appariés s'élevait à 0,07 μmol/l. Chez les patients diabétiques traités au long cours par aspirine, cette valeur était comprise entre 0,23 et 25,40 μmol/l (soit en moyenne 10,03 μmol/l), deux heures après la prise médicamenteuse.
La concentration sérique d'acide salicylique retrouvée chez les végétariens permet une inhibition de la transcription de la COX-2, enzyme impliquée dans différents processus physiologiques (l'inflammation, par exemple) et pathologiques.
L'effet sur les cancers coliques
Pour les auteurs, « l'effet protecteur des fruits et des légumes sur le développement de cancers coliques pourrait s'expliquer, du moins en partie, par l'action anti-inflammatoire locale de l'acide salicylique ».
« Il s'agit de la première étude prouvant que des taux d'acide salicylique peuvent être détectés chez des personnes ne suivant pas de traitement par aspirine et que ces valeurs sont significativement plus élevées chez les personnes végétariennes que chez celles qui consomment tous types d'aliments », explique le Dr Blacklock.
D'autres études vont maintenant être mises en place afin de mieux évaluer les effets biologiques de l'acide salicylique chez des végétariens non traités par aspirine. « Aucun effet du régime végétarien, et des salicylés qu'il apporte, ne devrait être retrouvé sur les plaquettes puisque l'on sait que seule l'aspirine est dotée d'un effet antiagrégeants plaquettaire », précisent les auteurs.
« J Clin Pathol », 2001 ; 54 : 553-555.
Saule et reine-des-prés
Les maîtresses de maison le savent bien : pour aider les fleurs coupées à bien se tenir dans un vase, on y met un peu d'aspirine... Car les plantes fabriquent de l'acide salicylique : c'est pour elles un moyen de lutter contre les agressions extérieures, virales notamment.
En médecine, comme l'indiquent les inscriptions gravées sur des tablettes en pierre par les Assyriens, les feuilles de saule étaient utilisées à la période sumérienne pour traiter les rhumatismes inflammatoires. Et Hippocrate fit de même. C'est bien plus tard, au Royaume-Uni, au XVIIIe siècle, que l'on découvrit que les effets des feuilles et de l'écorce de saule, des feuilles de myrte et de nombreux extraits de plantes étaient dus à la présence d'acide salicylique.
Dans le mot aspirine, le a vient de « acétyl » et « spirine » de Spirea ulmania, plante dans laquelle l'acide salicylique a été isolé. A la famille des spirées, appartient notamment la reine-des-prés.
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