LA TECHNIQUE de neuromodulation a bénéficié, il y a trois ans, d'un remboursement temporaire sous réserve de l'établissement d'un registre national, cautionné par une société savante, en l'occurrence l'Association française d'urologie. Aujourd'hui, cette procédure a abouti à une autorisation de remboursement définitive par la Cepp (commission d'évaluation des produits et prestations), signant dans le même temps l'exemplarité de la méthodologie adoptée par les urologues, qui devrait ainsi servir de modèle pour tous les autres matériels implantés, et ce dans toutes les disciplines.
Rappelons que la neuromodulation est une technique utilisée dans deux grandes indications : les incontinences ou envies pressantes liées à une hyperactivité de vessie et les rétentions urinaires sans maladie neurologique avérée sous-jacente. Ces deux types de pathologie, même si elles apparaissent « opposées, sont en effet toutes les deux en rapport avec un dysfonctionnement du système nerveux de contrôle de la vessie ».
Le principe de la neuromodulation est de stimuler de façon permanente ce système nerveux (à condition qu'il soit fonctionnellement intègre, notamment ses voies afférentes), au niveau de la protubérance, siège du centre de coordination de la miction et de la continence, grâce à la mise en place d'un « pacemaker ». « Il ne s'agit pas de permettre au patient d'uriner sur commande, mais bien de rééquilibrer l'envie normale d'uriner en abolissant tout besoin ou absence de besoin pathologique et en assurant des contractions vésicales normales », précise le
Dr Emmanuel Chartier-Kastler. Il s'agit ainsi d'une option thérapeutique supplémentaire à offrir aux patients chez qui la rééducation et/ou le traitement médical avaient été inefficaces ou mal tolérés et dont la seule possibilité était jusqu'à peu l'agrandissement de vessie. Rappelons en effet que les médicaments parasympatholytiques sont moyennement efficaces dans ces indications et sont de plus non dénués d'effets secondaires gênants (bouche sèche, constipation...), à l'origine de nombreux échecs thérapeutiques.
En pratique, le neuromodulateur est d'abord posé sous anesthésie locale, afin de vérifier son efficacité. Si ce premier test est jugé positif, c'est-à-dire si on constate plus de 50 % d'amélioration des symptômes, l'appareil peut être implanté de façon définitive, toujours sous anesthésie locale. Pendant la première année, environ 15 % d'échecs sont cependant notés qui nécessitent alors soit l'arrêt du stimulateur, soit une désimplantation. En revanche, une fois passé ce cap d'une année, les résultats apparaissent stables pendant cinq à
dix ans.
De plus, de 30 à 40 % des patients signalent une amélioration concomitante de leurs troubles digestifs associés. « Cette constatation est logique car l'innervation de l'appareil digestif est la même que celle du bas appareil urinaire », explique le
Dr Chartier-Kastler qui ajoute qu'il existe aussi des essais en cours dans l'incontinence fécale.
Quant aux inconvénients du dispositif, ils sont rares : hormis le risque infectieux inhérent à toute implantation de matériel chirurgical, il faut seulement envisager le remplacement de la pile au bout de cinq à sept ans, ce qui a surtout des conséquences financières puisque chaque pile coûte environ 4 000 euros, l'implant total revenant à 6 500 euros.
Près de 800 malades implantés en France
Le registre des cas implantés a permis de mieux caractériser les patients ayant bénéficié jusqu'à ce jour de l'implantation d'un système de neuromodulation, soit, en France, environ 800 malades depuis deux ans et demi. Les données ainsi obtenues viennent d'être présentées lors du dernier congrès de l'Association française d'urologie par les membres du club de neuromodulation qui ont été les initiateurs du registre. Les cas implantés ont les mêmes caractéristiques que ceux décrits dans la littérature internationale en termes de pathologie et de résultats : la plupart (plus de 80 %) souffrent de troubles irritatifs ; l'efficacité est stable dans le temps avec 15 % d'échecs précoces ; les résultats apparaissent meilleurs chez les femmes qui sont de ce fait plus souvent implantées. De plus, souligne
E. Chartier-Kastler, les mises en place de matériel qui initialement ne se sont faites que dans les services hospitaliers publics, en raison de la nécessité d'une évaluation, ont été, pour la première fois, en 2005, plus fréquentes dans les établissements privés.
Parallèlement à ces résultats positifs, qui, rappelons-le, ont été le prélude à une autorisation de remboursement pérenne, des améliorations sont d'ores et déjà à l'étude, notamment une réduction de taille du dispositif ainsi que la stimulation du nerf pudendal, ce qui pourrait augmenter le nombre de patients répondeurs. De nouvelles indications pourraient également être proposées comme les douleurs pelviennes et périnéales ou, plus débattues, les cystites interstitielles. Un autre pan de la pathologie pourrait pouvoir aussi bénéficier de cette technique de stimulation : les troubles urinaires d'origine neurologique tels que ceux qui surviennent au cours de la maladie de Parkinson ou de la sclérose en plaques. La neuromodulation est aussi théoriquement utilisable chez l'enfant mais non remboursée et pour l'instant uniquement dans le cadre de protocoles d'évaluation thérapeutique.
Le Dr Chartier-Kastler souligne pour finir, que le remboursement est soumis à une autre condition : l'implantation ne peut être faite que par les urologues se pliant à un apprentissage de la technique, effectué par deux centres en France, à Paris et Marseille.
* Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris.
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