ACCUEILLANT 15 % des urgences (soit près de 2 millions de patients par an), les Upatou (unités de proximité, d'accueil, de traitement et d'orientation des urgences) privées vont, dans douze jours, devoir faire « sans médecins » pendant 24 heures. En grève, les quelque 400 médecins urgentistes libéraux qui animent une centaine de services d'urgences privés ne travailleront que sur réquisition entre le lundi 7 mars, 8 heures et le mardi 8 mars, 8 heures.
A l'origine de ce mouvement : le Syndicat national des urgentistes libéraux de l'hospitalisation privée (Snuhp), déjà organisateur il y a deux ans d'une action forte - avec menace d'une semaine complète de grève - pour obtenir les majorations de tarifs des actes de nuit appliquées aux généralistes, et qui se bat depuis maintenant plusieurs mois pour la reconnaissance des gardes et astreintes de ses adhérents.
Le dossier de la permanence des soins (PDS) est donc au cœur des préoccupations des urgentistes libéraux qui, pour la plupart, travaillent dans des petits services réunissant trois médecins (un quart des Upatou ne tournent même qu'avec deux urgentistes). « Notre décision résulte d'un blocage complet et systématique à reconnaître notre forme de participation à la permanence des soins en établissements depuis plus de deux ans au même titre que tout médecin libéral », écrit le Snud dans son préavis de grève. Les urgentistes libéraux ne veulent plus vivre uniquement de leurs honoraires, assurer des nuits financièrement blanches s'ils ne voient pas un seul patient. Ils souhaitent mettre fin à leur « bénévolat » de fait en matière de permanence des soins.
Une garde à 228 euros.
Que veulent les urgentistes du secteur privé ? Des gardes et astreintes payées. Aux mêmes tarifs que ceux appliqués aux spécialistes qui travaillent en clinique. Soit 228 euros pour la garde et 150 euros pour l'astreinte. Des tarifs arrêtés l'été dernier dans le cadre du RCM (règlement conventionnel minimal) et qui concernent les pédiatres des unités de réanimation néonatale, les chirurgiens et les anesthésistes-réanimateurs, ainsi que les obstétriciens exerçant dans des maternités privées pratiquant plus de 1 500 accouchements par an. Généralistes - et de ce fait soumis à l'époque au régime conventionnel -, les urgentistes des Upatou n'ont pas bénéficié de ces gardes et astreintes revalorisées. C'est dans le cadre de la nouvelle convention que leur sort doit se jouer, avec l'avenant sur la PDS attendu au plus tard le 15 mars. Un canal qui n'inspire pas confiance aux urgentistes libéraux : « En matière de PDS, jusqu'à présent, le cadre conventionnel n'a pas bien fonctionné, s'inquiète le Dr Frédéric Groseil, président du Snuhp. On se méfie beaucoup parce qu'à chaque fois nous sommes passés à la trappe. » Pas question, pour le syndicat, que les urgentistes des cliniques se retrouvent « les seuls médecins présents 24 heures sur 24 et 365 jours sur 365 dans des établissements de santé sans aucune rémunération spécifique et garantie pour cette obligation ». Il y aurait là, met en garde le Dr Groseil, « une inégalité flagrante ». Et si cela devait arriver, la fuite des urgentistes des cliniques vers d'autres formes d'exercice serait inéluctable. « Il devient plus intéressant de travailler en maison médicale de garde. Elles sont nombreuses à se monter et elles s'arrêtent à minuit... », explique le président du Snuhp. Une catastrophe pour l'hospitalisation privée, où l'activité d'urgence est en pleine expansion (entre 2002 et 2004, la fréquentation des urgences privées a bondi de 80 %).
L'écueil des parcours.
Le malaise des urgentistes privés ne s'arrête pas aux questions tarifaires. La nouvelle convention alimente leur inquiétude, et en particulier l'organisation des futurs parcours de soins coordonnés. Dans ce cadre, « nous serons amenés à prendre en charge des patients nécessitant des soins urgents, mais il nous sera impossible (sous peine de sanctions financières pour les assurés sociaux concernés) de les diriger nous-mêmes vers un spécialiste compétent ou une filière de soins adaptée sans les renvoyer au préalable à leur médecin traitant », s'alarme le Snuhp qui réclame « une reconnaissance pleine et entière » des urgentistes au sein des parcours de soins.
L'accès à la spécialité « médecine d'urgence » est aussi un motif de colère pour le Snuhp qui constate que ses modalités sont telles « que 90 % des urgentistes actuellement en exercice n'auront pas droit au titre de spécialiste si bien que les praticiens les plus expérimentés seront marginalisés à mesure que les jeunes diplômés s'imposeront ». « De telles perspectives, résume le syndicat, sont incompatibles avec le maintien de notre activité dans le cadre de l'hospitalisation privée. »
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