« Comment ne pas être favorable au renforcement des mesures de sécurité, après les événements du 11 septembre aux Etats-Unis ?, convient le Dr Arnaud de Courcy, anesthésiste-réanimateur, médecin-chef d'Europ Assistance. Nous sommes d'autant plus acquis à cette nécessité que, volant à longueur d'année d'un continent à l'autre, nos médecins sont particulièrement exposés au risque terroriste. Evidemment, nous sommes des victimes potentielles des prises d'otage et de toutes les actions violentes à bord des avions. »
En effet, « il ne faudrait surtout pas que les médecins revendiquent de quelconques passe-droits ou coupe-fils qui risqueraient de jeter un jour ou l'autre l'opprobre sur la profession, qui pourrait être dénoncée comme le maillon faible dans la chaîne de mesures de sécurité, opine le Dr Michel Clérel, médecin-chef des Aéroports de Paris. Nous ne pouvons avoir là-dessus qu'une réaction citoyenne et nous soumettre, de bonne grâce, au droit commun ».
Trois quarts d'heure d'attente à chaque contrôle
Pour autant, le travail de ces médecins du ciel est singulièrement compliqué par la nouvelle donne sécuritaire. « C'est gênant, mais la situation n'est pas encore dramatique », estime le Dr Arnaud Derossi, directeur administratif et médical de Medic'Air International (MAI). Spécialisée dans le rapatriement sanitaire à bord de vols spéciaux (un tiers de ses 400 missions annuelles), sur des liaisons transcontinentales, MAI a pâti, dès le 11 septembre, du nouveau contexte de sûreté. Deux de ses clients étaient en effet en cours de rapatriement vers les Etats-Unis lorsque leurs appareils ont dû être déroutés et regagner leur aéroport de départ, l'Amérique ayant décidé de fermer tous ses aéroports.
« Depuis, nous avons été obligés d'allonger l'ensemble de nos délais d'intervention, spécialement pour les vols vers les Etats-Unis. J'étais récemment à l'aéroport JFK de New York, où l'attente pour chacun des sas de contrôles atteint trois bons quarts d'heure. Au total, il faut maintenant prévoir deux à trois heures supplémentaires pour sacrifier à l'ensemble des procédures de sûreté. Elles s'appliquent tout aussi bien à l'aller avec le malade sur sa civière qu'au retour à vide, les médecins devant abandonner en soute la totalité du matériel, y compris des sacoches contenant des ampoules fragiles. »
Depuis un mois, en effet, « la plus anodine seringue, le moindre cathéter avec une aiguille acérée pour une insertion transcutanée sont considérés par les agents de sécurité comme agents vulnérants potentiels, constate le Dr Arnaud de Courcy. Bien sûr, tous les pays n'ont pas la même appréciation du risque. Sur l'aéroport d'Athènes, la semaine dernière, nous n'avons pas subi la moindre fouille. En revanche, aux Etats-Unis l'ambiance peut sembler parfois proche de l'hystérie. En France, les bonnes relations que nous entretenons avec les compagnies nous permettent de travailler dans d'assez bonnes conditions. »
C'est le commandant de bord qui décide
« Aucun incident n'est heureusement à déplorer à ce jour, se félicite le Dr Patrick Rodriguez, médecin-chef d'Air France, qui rappelle que, quelles que soient les règles de sécurité, « c'est le commandant de bord qui décide en dernier ressort ». « C'est lui, précise le Dr Clérel, qui va décider, le cas échéant, que le matériel médical sera placé dans une enveloppe de sécurité qui restera à l'intérieur du cockpit pendant toute la durée du vol. »
En l'absence de toute disposition réglementaire explicite, le chef du bureau sécurité de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) nous indique qu' « un médecin accompagnateur d'un passager nécessitant une assistance médicale à bord peut conserver sa trousse médicale s'il présente les documents faisant état de sa profession et de sa fonction à bord ».
Pour ce qui est des mesures de fouilles, c'est « un comité local de sûreté qui est chargé de définir les modalités d'exécution de l'inspection filtrage appliquées aux passagers sur civières, précise encore la DGAC, les seuls à pouvoir accéder à la cabine d'un avion par un circuit particulier. »
Enfin, dans le cas des passagers insulino-dépendants et de leurs seringues, la détention de la trousse à injection est actuellement subordonnée à « la présentation d'un certificat médical adéquat ».
La mission régalienne de l'Etat
En tout état de cause, Air France rappelle, dans un communiqué, que « la sécurité des personnes et des biens est une mission régalienne de l'Etat ; la sûreté de l'aviation civile relève donc de la responsabilité des autorités de l'Etat. En France, ajoute le communiqué, les mesures ont été décidées (...) via le GIVS (groupe interministériel des vols sensibles) ».
Désormais, n'importe quel vol est réputé « sensible ». Y compris les vols intérieurs. Ainsi en a décidé, la semaine dernière, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), qui tenait à Montréal son congrès triennal. L'organisation, qui réunit 187 pays membres, veut lancer un audit sur la sûreté et a décidé de convoquer sur le sujet, avant la fin de l'année, une conférence ministérielle internationale.
La question de la création d'un éventuel passeport médical international qui simplifierait les contraintes réglementaires pour son détenteur pourrait-elle être inscrite à son ordre du jour ? Si les médecins s'y montrent dans l'ensemble favorables, ils n'en expriment pas moins certaines réserves : « Quand on voit le temps qui a été nécessaire pour que soit enfin reconnu le statut de la Croix-Rouge internationale, on ne peut qu'être dubitatif sur le délai de mise en uvre de ce nouveau statut, prévient le Dr Derossi ; il faudrait que soit alors créé un organisme garant de la validité d'un tel passeport », souligne-t-il..
« Le risque est grand, dès lors, de nous retrouver en butte avec de nouvelles procédures administratives lourdes, comme la France s'en fait la spécialité », redoute de son côté le Dr de Coursy.
Santé publique internationale
Il n'en reste pas moins que les missions accomplies par le transport aérien médicalisé, que ce soit avec les évacuations sanitaires ou avec les rapatriements d'urgence, remplit une importante mission de santé publique internationale. Rien que pour Europe-Assistance-France, 10 000 transports médicalisés sont organisés chaque année. « Il serait grand temps de réfléchir sur une culture commune du transport aérien médicalisé, ne serait-ce qu'au niveau européen », estime le directeur médical de l'entreprise.
La Commission européenne de l'aviation civile (CEAC) pourrait utilement ouvrir ce dossier, en liaison avec l'Eurami, l'Institut aéro-médical européen, qui fédère les entreprises spécialisées du vieux continent.
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