Les plaies aux urgences, ce sont un million et demi de patients chaque année. Cela valait bien un colloque, organisé aujourd'hui à Paris (hôpital européen Georges-Pompidou) par le Réseau sentinelle urgences (RSU) de l'AP-HP, coordonné par le Dr Pierre Espinoza. Observatoire de santé publique, le RSU réunit tous ceux qui contribuent à l'organisation des soins d'urgence, urgentistes, chirurgiens, réanimateurs, biologistes.
Un million et demi de patients chaque année, donc, c'est la possibilité de jouer un rôle clef dans la prévention d'une maladie qu'on ne voit plus beaucoup, mais qui fait encore quelques morts chaque année, le tétanos (« le Quotidien » du 11 mai 2001). Plusieurs études réalisées dans les services d'urgence, rendues publiques aujourd'hui, cherchent à évaluer la situation. Deux cent deux établissements de vingt-deux régions ont participé en octobre 2000 à une enquête sur la prévention du tétanos lors de plaies aux urgences un jour donné* : 13 % des 10 398 patients accueillis aux urgences le sont pour des plaies (et 27,9 % en traumatologie), la majorité des établissements (55 %) ayant à traiter 5 plaies au plus par jour et 25 % entre 5 et 10 plaies. Le jour de l'étude, 72 établissements (1 178 patients) n'ont prescrit ni immunoglobulines antitétaniques (Ig AT) ni vaccin ; dans 47 établissements, 19 % des patients se sont vus prescrire Ig et vaccin, dans 13 établissements Ig seule pour 10 % des patients et dans 96 établissements vaccin seul pour 25 % des patients. L'évaluation des patients avec couverture vaccinale insuffisante a également été réalisée, avec un taux de réponse de 51 % ; sur les 195 patients non vaccinés, 69 ont invoqué l'âge (plus de 60 ans), 67 l'absence de service militaire, 22 la précarité sociale, 15 étaient des migrants et pour 22 l'interrogatoire ne pouvait être évalué. La plupart des établissements (83 %) ont fourni un document d'information : 89 % sur les suites de soins, 58 % sur la vaccination et 16 % sur les immunoglobulines.
Les urgences sont le principal prescripteur des Ig AT à l'hôpital (80 %), montre une autre étude**, réalisée grâce à un questionnaire aux pharmaciens des hôpitaux avec urgences (209 réponses sur 570). En médecine générale, en revanche, selon une étude, une semaine donnée, par questionnaire auquel ont répondu 103 médecins pompiers, les Ig ne sont prescrites que dans 5,6 % des cas et les vaccins dans 20 %.
Biologie délocalisée
Dans tous les cas, le risque reste grand, compte tenu du peu de fiabilité de l'interrogatoire du patient sur son statut vaccinal, de donner un traitement préventif (Ig ou vaccin) à des personnes protégées et, à l'inverse, de ne pas traiter des non-vaccinés. A ce problème, une solution, le test sanguin Tetanos Quick Stick (TQS) aux urgences. L'évaluation réalisée par le RSU dans 37 centres hospitaliers français*** est probante (concordance entre TQS et test ELISA notamment). L'utilisation du test, dans certaines conditions et avec des personnels formés, devrait être envisagée. Cela implique pour les urgentistes d'être aussi d'une certaine manière des biologistes, ce qui ne va pas sans poser un certain nombre de questions, notamment en termes de responsabilité médico-légale. L'enjeu de cette « biologie délocalisée », selon les termes du Dr Ezpinosa, sera l'un des grands thèmes du colloque d'aujourd'hui.
* P. Espinoza, S. de Montgolfier, F. Trarieux et O. Rafiringa (RSU), D. Antona (InVS), E. Casalino (SAU Bichat), F. Staïkowsky (SAU Caen), F. Marchal et F. Brunet (SAU Cochin).
** A. Scemama (urgences HEGP), P. Espinoza (RSU HEGP), S. Demontgolfier (RSU) et C. Bardin (pharmacien, Hôtel-Dieu).
*** P. Espinoza, I. Colcombet, G. Chatellier, S. Sanson Lepors, C. Saguez, M. Rey. Le promoteur de l'étude est le Laboratoire InGen.
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