Lombalgies

Les troubles sexuels, un signe d’alerte

Publié le 18/05/2012
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Devant une lombalgie ou une sciatique aiguë avec installation rapide de troubles de la sexualité, il faut impérativement penser à un syndrome de la queue-de-cheval. Par ailleurs, chez les lombalgiques chroniques, les troubles de la sexualité ne sont pas non plus un problème à la marge puisque les deux tiers en souffriraient.

Chez un patient qui consulte pour une lombalgie ou une sciatique aiguë, il est primordial de ne pas méconnaître une atteinte organique sexuelle, qui peut être liée à un syndrome de la queue-de-cheval.

« Le soignant doit systématiquement interroger le patient sur d’éventuels troubles sexuels et urinaires afin de repérer une série de signes typiques de ce syndrome, précise le Dr Bernard Duplan, rhumatologue (hôpital d’Aix-les-Bains- Reine Hortense). Dans le détail, «?si le désir reste intact, des troubles de l’excitation et de l’orgasme sont alors présents. Il n’y a pas de corrélation nécessaire avec l’intensité de la douleur lombaire ou sciatique. Les troubles sexuels ne sont alors pas isolés mais fréquemment accompagnés de troubles sphinctériens vésicaux. Et les signes s’installent généralement en moins de 24?h », résume le rhumatologue. Le caractère de gravité est élevé puisque selon les sexologues, les conséquences en matière de sexualité sont équivalentes à celles d’une blessure médullaire. La neuro-chirurgie doit donc être réalisée en urgence et son intérêt a été démontré, notamment par une étude sur 44 patients opérés*. Ceux qui l’ont été entre 12 et 48 h après l’installation des signes ont retrouvé à six mois une fonction urinaire et une vie sexuelle normales, avec toutefois la présence de dysfonction érectile pour la moitié d’entre eux. Quant aux hommes opérés au-delà de 48h, ils restent anérecteurs.

Quand chronicité rime avec troubles de la sexualité

En dehors de cette situation d’urgence, chez tout patient lombalgique chronique, il est important d’aborder la fonction sexuelle. « En effet, les dysfonctions sexuelles favoriseraient le maintien dans la chronicité douloureuse, précise Bernard Duplan. Elles sont un facteur d’atteinte de la qualité de vie et sont liées aux problématiques dépressives. » De plus, la prévalence des troubles sexuels chez les lombalgiques est très importante. « Plus des deux tiers des patients en font part contre 17 % à 20 % en population générale... », poursuit-il. On ignore pourquoi la prévalence des troubles de la sexualité est si élevée mais il existe une intrication avec la dépression, la perte de l’élan vital, la douleur chronique… Par ailleurs, cette prévalence est du même ordre que dans d’autres maladies rhumatologiques : 60% dans la polyarthrite rhumatoïde, 55 % dans les spondyl-arthropathies, 67 % en cas de coxarthrose et 70 % dans la fibromyalgie.

Oser aborder le sujet

« Mais encore faut-il poser la question aux patients ! », évoque Bernard Duplan, qui indique que ses patients sont très satisfaits lorsque cela est fait. « Quelques mots suffisent pour évoquer un problème de sexualité, avec délicatesse, explique le rhumatologue, et à partir des questions qui doivent faire partie de l’interrogatoire chez des douloureux du rachis (par exemple?: « Est-ce que vous urinez normalement ?»), s’assurer qu’il n’y a pas de syndrome de la queue-de-cheval, de problème sphinctérien, et par proximité, de soucis de sexualité. Au médecin de soulever le problème, en se situant entre l’absence d’intérêt et l’absence d’intrusion. »

*Shapiro JL et al Spine 2000, Vol. 25, Nb 2, 226-237.
Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr