Les hormones sexuelles féminines semblent jouer un rôle dans la pathogenèse du syndrome de l'intestin irritable. Une hypothèse confortée par une prévalence plus élevée de cette affection chez les femmes que chez les hommes. Mais aussi, avant la ménopause, par une exacerbation des symptômes en période prémenstruelle et par moins de ballonnements abdominaux, après la ménopause. Dans ce dernier cas, le traitement hormonal substitutif soulage les sensations de gonflement.
Puisque les patientes atteintes de troubles fonctionnels intestinaux semblent avoir une hypersensibilité et une hyperréactivité intestinales face à des stimuli, tels que la distension mécanique, l'alimentation et le stress, des médecins britanniques (L. A. Houghton et coll, Manchester) ont voulu déterminer une éventuelle influence du cycle menstruel sur la symptomatologie. Ces médecins étaient particulièrement désignés pour réaliser un tel travail, ayant déjà mis en évidence l'absence d'influence du cycle sur la sensibilité rectale de femmes en bonne santé, malgré l'existence de selles plus molles au cours des règles.
Distension rectale par ballonnet
Les Britanniques ont donc enrôlé 29 patientes, âgées de 21 à 44 ans, atteintes de troubles fonctionnels intestinaux. Ils ont évalué leur réponse à une distension rectale par ballonnet à quatre moments différents du cycle : règles (J 1-4) ; phase folliculaire (J 8-10) ; phase lutéale (J 18-20) et phase prémenstruelle (J 24-28).
« Notre étude montre, pour la première fois, que, contrairement à ce qui se passe chez des femmes saines, la sensibilité rectale augmente lors des règles par rapport aux autres périodes du cycles chez les femmes atteintes de troubles fonctionnels intestinaux... Les règles sont, de plus, associées à une aggravation significative de la symptomatologie du syndrome de l'intestin irritable, ce qui concorde avec les études antérieures. Les douleurs abdominales et le ballonnement sont plus marqués, et les exonérations, plus fréquentes au cours des règles. En outre, une consistance plus ferme des selles en phase lutéale a été constatée. » Cette augmentation de la sensibilité rectale n'est pas corrélée avec l'intensité des symptômes de l'affection digestive. Enfin, bien que la sensation de bien-être soit moindre au cours des règles, l'anxiété et la dépression sont restées stables au cours du cycle.
Des travaux antérieurs avaient suggéré une altération de la sensibilité tout au long du tractus digestif chez les femmes atteintes de troubles fonctionnels intestinaux. Il se peut que les règles soient associées à une modification de cette sensibilité, elle-même étroitement corrélée à la symptomatologie digestive.
Les prostaglandines
Quant à une explication physiopathologique, les auteurs en restent au domaine des hypothèses. Des études avaient attribué aux taux élevés de progestérone et d'estradiol les selles dures de la phase lutéale, et à une production de prostaglandines (peut-être par inhibition du passage transépithélial de certains ions au niveau du grêle) la diarrhée pendant les règles. « Comme un épisode aigu de diarrhée, induite par un laxatif osmotique, est associé à une augmentation de la sensibilité rectale chez les femmes (et non les hommes) et que les femmes atteintes de syndrome de l'intestin irritable semblent plus susceptibles aux événements sensibilisants, cela pourrait être le mécanisme explicatif. » Une autre alternative repose sur les prostaglandines. Comme elles sont connues pour majorer la sensibilité des nerfs afférents et comme l'intestin des femmes colopathes semble déjà hypersensible, leur libération pourrait suffire à déclencher une nouvelle majoration de la sensibilité.
« Ces changements cycliques de la sensibilité suggèrent que, par rapport aux femmes indemnes, celles atteintes de troubles fonctionnels intestinaux répondent de manière différente aux fluctuations hormonales ou à leur conséquences. »
« Gut » 2002 ; 50 : 471-474.
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