LE SOMMEIL EST aujourd'hui compris comme un temps d'intense activité physiologique permettant tout à la fois le repos et la restauration des fonctions essentielles du corps et de l'esprit.
Le rôle du sommeil est déterminant sur la qualité de vie. Ses troubles sont susceptibles d'entraîner l'émergence ou l'aggravation de nombreuses pathologies. Près de 10 % de la population serait atteinte d'insomnie chronique et une somnolence excessive affecterait 2,5 millions de personnes, avec des conséquences importante sur la morbi-mortalité routière, sur le travail et même sur les activités domestiques.
La classification internationale ICDS (seconde édition 2005) distingue principalement six grandes familles de troubles du sommeil : les insomnies, les troubles respiratoires au cours du sommeil, les hypersomnies d'origine centrale non reliées à un trouble du rythme circadien, respiratoire ou autre cause de troubles du sommeil nocturne, les troubles du rythme circadien, les parasomnies (somnambulisme, par exemple), les mouvements anormaux en relation avec le sommeil. Malgré une sensibilisation accrue des professionnels de santé, les troubles chroniques du sommeil sont actuellement sous-diagnostiqués. D'après le rapport Giordanella, seuls 15 % des sujets ayant un syndrome d'apnées du sommeil seraient identifiés.
«En dehors des insomnies, environ 70% des troubles du sommeil sont dus à des événements respiratoires, ce qui explique que les pneumologues sont naturellement amenés à les prendre en charge. En 2006, 98154examens de polygraphie ont été effectués et, en 2007, ce nombre s'est élevé à 112701, soit une augmentation de volume de 14,8%. Les pneumologues réalisent 86,9% de ces examens selon les sources de l'UNCAM», précise le Dr Y. Grillet Ils font également beaucoup de polysomnographies, de plus en plus en ambulatoire grâce à la miniaturisation informatique.
Le nombre de diagnostics évolue proportionnellement au nombre d'examens, puisque pratiquement un patient sur deux souffrant effectivement de troubles du sommeil présente des troubles respiratoires.
Les mouvements périodiques des jambes, parfois dans le cadre d'un syndrome des jambes sans repos, sont le deuxième pourvoyeur des troubles du sommeil. En l'absence de problème respiratoire ou de mouvements périodiques des jambes – soit environ 5 % des personnes souffrant de troubles du sommeil en dehors de l'insomnie –, un deuxième recours spécialisé – généralement un neurologue – est nécessaire. Les laboratoires du sommeil conservent un rôle de référent dans les cas les plus compliqués qui demeurent rares.
Les deux principaux traitements sont les avancées d'orthèse mandibulaires dont l'efficacité progresse, mais qui ne sont pas prises en charge par l'assurance-maladie et le traitement par pression positive continue (PPC) qui demeure le traitement de référence. L'amélioration clinique des patients (somnolence diurne, hypertension artérielle, risques cardio-vasculaires) est corrélée à la durée d'utilisation de la PPC. Une observance minimale de 3 ou 4 heures par nuit est recommandée, mais 5 heures paraissent un bon requis.
Une fois le diagnostic porté par le pneumologue, l'appareillage technique est installé au domicile du patient par des prestataires de service dont le rôle n'est en aucun cas de se substituer au pneumologue pour faire le diagnostic. La qualité des soins apportés aux malades dépend du respect de cette succession d'éléments : diagnostic purement médical et intervention ultérieure des sociétés spécialisées dans cette technologie pour la mise en place du matériel et leur surveillance. Les prestataires envoient notamment des relevés d'utilisation qui sont très utiles pour apprécier l'observance des patients.
La PPC est prise en charge par l'assurance-maladie selon une première demande d'entente préalable de 5 mois (qui permet d'apprécier l'adaptation du patient au traitement) suivie de demande d'entente annuelle. Généralement, le bénéfice ressenti par les malades les rend spontanément très observants.
Pour aller plus loin dans la qualité des soins.
L'Observatoire sommeil de la fédération de pneumologie, créé en 2007 (www.osfp.fr), a pour objectif de permettre le suivi des patients présentant une pathologie du sommeil et constitue une base de données permettant d'initier et de mettre en place des études biomédicales, d'évaluer l'état de la prise en charge en France et son évolution dans le temps, assurant ainsi une fonction de recherche et d'information dans ce domaine (voir article ci-contre).
Y. Grillet conclut : «Les troubles du sommeil deviennent une partie de plus en plus importante de l'activité des pneumologues. Pour les pneumologues libéraux en 2007, la polygraphie respiratoire est l'examen le plus souvent réalisé après la pléthysmographie, alors qu'elle était en 3eposition en 2006 et encore bien plus loin auparavant. Cette augmentation justifie notre exigence de soins de qualité pour les patients.»
D'après un entretien avec le Dr Yves Grillet, pneumologue, Valence.
Ne pas suivre le chant des sirènes
La Fédération française de pneumologie (FFP) estime que les prestataires ne doivent avoir aucun rôle dans le diagnostic du syndrome d'apnée du sommeil. En effet, dans l'état actuel de la législation, les actes médicaux de diagnostic ne peuvent être réalisés que par les médecins eux-mêmes sous peine de sanction grave.
De nombreux pneumologues prennent en charge les pathologies respiratoires du sommeil qui font naturellement partie de leur champ d'activité dans des conditions de compétence de qualité et d'éthique indiscutables.
Toutefois, compte tenu de l'importance de ce problème de santé publique, une dérive condamnable s'est progressivement installée dans le domaine du diagnostic du syndrome d'apnée du sommeil. En effet, certains prestataires pour augmenter le nombre de prescriptions de PPC démarchent les médecins très souvent en dehors de la pneumologie en leur proposant la réalisation technique et l'interprétation d'enregistrement polygraphique, ou polysomnographique, chacun pouvant y trouver son compte... aux dépens de la Sécurité sociale. Cette dérive aboutit également à des surdiagnostics de SAS, à des indications aberrantes de PPC, voire de VNI... aux dépens aussi des malades !
Les prestataires qui rendent des examens interprétés s'exposent à une condamnation pour exercice illégal de la médecine et les médecins qui cotent les actes réalisés dans ces conditions s'exposent à des sanctions non moins graves (remboursement d'indus majorés de pénalités et déconventionnement).
De même, la fourniture par les prestataires d'appareils de diagnostic n'est pas défendable en l'absence de contrats soumis au conseil de l'Ordre et comportant une contre-partie financière sérieuse.
Ces pratiques ne peuvent être tolérées et la FFP les condamne.
La CNAM s'en est d'ailleurs émue et souhaite mener des actions d'information puis de contrôle afin de mettre un terme à ce type d'agissement, par ailleurs extrêmement négatif pour l'image de la profession.
La FFP souhaite que cette réflexion s'étende à la prise en charge thérapeutique du SAS. Il est en effet impératif que soit mieux précisée la place des prestataires et que soient respectées la morale et l'éthique. Elle soutiendra toutes les démarches allant dans ce sens.
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