En pratique
En pratique, le clinicien est confronté aux troubles comportementaux symptomatiques d'une affection neurologique dans deux types de situations qui posent des problèmes très différents : soit le trouble inaugure la symptomatologie, soit il complique une affection cérébrale déjà connue.
De novo
Face à un trouble comportementalde novo, une origine neurologique doit être évoquée d'autant plus que le trouble survient tardivement (après l'âge de 40 ans) en l'absence d'antécédents personnels ou familiaux.
Les étiologies sont multiples : affections neurodégénératives (dégénérescence lobaire fronto-temporale, maladie à corps de Lewy, maladie d'Alzheimer, de Parkinson…), tumeurs, hydrocéphalie, encéphalites subaiguës (VIH, notamment) et encéphalopathies à prion peuvent être révélées par un trouble d'installation progressive. Un trouble inaugural aigu incite à rechercher une encéphalopathie toxique, une méningo-encéphalite, une pathologie vasculaire (infarctus, hémorragie méningée et encéphalopathie hypertensive aiguë) et une épilepsie partielle complexe.
Pathologie connue
Chez un patient atteint d'une pathologie cérébrale déjà connue, les troubles comportementaux peuvent traduire l'effet de la lésion cérébrale, mais également une anxiété, une dépression ou une complication intercurrente. En effet, les troubles comportementaux aigus, habituellement dans le cadre d'un syndrome confusionnel, nécessitent de rechercher une complication somatique (déshydratation, syndrome infectieux, globe et fécalome, infarctus du myocarde, fracture…), iatrogène, ou un stress psychologique (maltraitance, changement d'environnement ou de l'entourage…).
Les troubles comportementaux en général d'installation progressive peuvent compliquer le cours évolutif de très nombreuses pathologies (démences, traumatisme crânien sévère, accident vasculaire cérébral, maladie de Parkinson, sclérose en plaques, méningo-encéphalite, tumeur…). Par exemple, dans les démences, le type de trouble et sa précocité conditionnent le diagnostic. Ainsi les troubles comportementaux restent au premier plan de la démence fronto-temporale : ils sont dominés par l'atteinte des fonctions exécutives, avec notamment le trouble des conduites sociales (principalement en raison de comportements socialement inappropriés et d'une désinhibition), l'apathie avec retrait des activités et indifférence, l'anosognosie, l'hyperactivité, avec instabilité psychomotrice, distractibilité et stéréotypies. Certains troubles comportementaux orientent vers une maladie à corps de Lewy, notamment les hallucinations visuelles, les fluctuations attentionnelles et les parasomnies.
Après un AVC
Troubles comportementaux après accident vasculaire cérébral.
Les troubles comportementaux après accident vasculaire cérébral sont rarement abordés, bien que très fréquents. Ils sont dominés par les syndromes dépressif et anxieux, alors que les épisodes maniaques, délirants et hallucinatoires sont plus rares chez les patients non déments. Les troubles comportementaux dysexécutifs semblent également fréquents. Un épisode dépressif majeur est observé avec une prévalence estimée entre 30 et 60 %. Il doit être dépisté et traité, et ce d'autant qu'il est associé à un pronostic fonctionnel plus sombre. Le sentiment de déchéance et la dévalorisation, le découragement, le désinvestissement de la rééducation, voire du traitement, les plaintes somatiques et cognitives sont trop fréquemment attribués à une conséquence logique de la pathologie cérébrale et doivent attirer l'attention. La dépression peut s'observer chez tous les patients bien qu'elle soit plus fréquente chez les sujets jeunes, en cas de déficit neurologique important et lors d'infarctus cérébraux dans certains territoires (hémisphère gauche). Un syndrome de fatigue chronique peut s'observer avec une fréquence encore mal connue et est difficile à différencier d'une dépression. L'anxiété est également très fréquente et doit être évoquée devant la crainte d'une récidive. Elle nécessite une prise en charge spécifique. Les fonctions exécutives (auparavant appelées fonctions frontales) constituent les fonctions permettant de contrôler le comportement et la cognition. Elles sont fréquemment altérées dans la pathologie vasculaire. Les troubles comportementaux dysexécutifs les plus fréquents sont la réduction d'activité avec apathie, retrait des activités (non liée à une dépression, une aphasie ou à un déficit moteur) et l'hyperactivité avec distractibilité, irritabilité ou euphorie. Un syndrome dysexécutif doit être évoqué en cas de dépression atypique, modification du caractère ou d'anosognosie. L'évaluation du syndrome dysexécutif repose sur différents questionnaires semi-dirigés qui complètent avantageusement les tests cognitifs.
Entretien dirigé
Ces troubles comportementaux sont encore trop souvent attribués à une conséquence logique de la pathologie cérébrale et leur traitement, négligé. En pratique, l'entretien dirigé avec le patient et l'entourage est un temps essentiel. Leur évaluation nécessite de tenir compte des troubles perceptifs, moteurs et cognitifs (langage, notamment), et repose sur des échelles spécifiques. La dépression et l'anxiété relèvent des traitements pharmacologiques dont l'efficacité a été démontrée dans cette population particulière. La tolérance du traitement doit être surveillée notamment au plan hémodynamique, cardiaque et surtout cognitif. Une psychothérapie peut être associée dans certains cas. Les syndromes dysexécutifs peuvent nécessiter un traitement pharmacologique. Le rôle de la thérapie comportementale mériterait une évaluation.
Correspondance : Dr O. Godefroy, service de neurologie, F-80034 Amiens, France. E-mail : godefroy.olivier@chu-amiens.fr.
Azouvi P, Mazaux JM, Pradat-Diehl P. « Comportement et lésions cérébrales ». Actes des 19es Entretiens de la fondation Garches. Paris, Editions Frison-Roche, 2006.
Godefroy O et Bogousslavsky J. The behavioural and cognitive neurology of stroke. Cambridge, Cambridge University Press, 2007.
Habib M. « Bases neurologiques des comportements ». Paris, Masson, 1993.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature