Les trois grands défis de notre système de santé

Publié le 17/07/2015
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Réunis à l’occasion du salon Santé autonomie, divers acteurs du monde de la santé étaient venus écouter les préconisations de Didier Tabuteau pour relever les grands défis de notre système de santé. Trois défis synonymes d’équilibres à trouver entre la ville et l’hôpital, d’une part ; entre l’échelon local et le national, d’autre part et enfin entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances maladie complémentaires.

À l’aube du 70e anniversaire de la Sécurité sociale, Didier Tabuteau, responsable de la chaire santé de Sciences po et codirecteur de l’Institut droit et santé, est venu rappeler quels étaient les enjeux auxquels est confronté le système français de santé. Des enjeux au nombre de trois et qui sont tous hérités de l’histoire même du système français de santé. Une situation en rien surprenante, selon le responsable de la chaire santé de Sciences pô tant « les thématiques de santé sont absentes des discours politiques ». Et pour cause ! La santé serait « entre les mains de spécialistes ». En clair, le microcosme lui-même s’occuperait des réformes.

Cloisonnement ville-hôpital

Un microcosme composé pendant longtemps de praticiens, puisque « de la Révolution française jusqu’à la réforme Debré de 1958, la santé a été construite par les médecins ». Dès lors, en l’absence d’organisation de l’installation médicale, il n’est pas surprenant de constater qu’en 2015, la répartition des médecins, en France, est identique à celle… de 1850.

De même, en résulte-t-il une absence quasi totale d’équipes de soins en ville, alors même que nombre de cabinets de groupe se sont développés. D’où une réelle difficulté à monter des maisons de santé pluridisciplinaires (MSP) en ville. Bien que développée, la médecine de ville où les praticiens continuent d’occuper une place de premier plan, ne remplit donc pas toutes les missions qu’elle accomplirait dans d’autres pays.

Pis, elle ne s’articule pas comme elle le devrait avec l’offre hospitalière qui est par ailleurs plus importante qu’à l’étranger. La raison ? « Chacun des système a son propre pilote : l’État pour l’hôpital et l’assurance maladie pour la médecine de ville », déplore Didier Tabuteau. Et de regretter encore que « les deux systèmes ne se parlent pas ». D’où le souhait du codirecteur de l’Institut droit et santé, de voir « la direction de l’assurance maladie confiée au ministère de la Santé afin d’instaurer une unité de direction ».

Région, bras armé de l’État

Autre problème : la difficulté d’articuler le national et le local. Alors même que « le R de régional est présent dans toutes les réformes depuis vingt-cinq ans, la Région n’a absolument pas voix au chapitre, puisqu’elle est réduite au rang de bras armé d’un État qui n’arrive pas à trouver sa place sur la santé ». Et, pour illustrer ses propos, Didier Tabuteau mentionne les 311 circulaires reçues par les agences régionales de santé (ARS), l’année de leur installation. Avec comme conséquence, aujourd’hui, une ARS omnipotente et des établissements aucunement indépendants.

La répartition entre assurance maladie obligatoire et assurances maladie complémentaires apparaît enfin comme une opération de déconstruction du régime obligatoire. Alors même que l’existence des complémentaires avait été prévue dès 1958, afin que le ticket modérateur puisse être pris en charge, la place qu’elles occupent aujourd’hui – 95 % des Français bénéficieraient désormais d’une complémentaire santé – et le fait que le niveau de remboursement des soins courants par le régime obligatoire soit passé en dessous des 50 % tendent à aboutir à une remise en cause du principe même de solidarité qui avait prévalu à l’instauration de la Sécurité sociale. « Les cotisations des complémentaires santé ne sont jamais proportionnelles aux revenus, elles augmentent avec les charges de famille et croissent avec l’âge », précise ainsi Didier Tabuteau.

Une situation qui doit poser question puisque les 7 milliards d’euros du déficit du régime obligatoire, en 2014, correspondent au montant des frais de gestion des complémentaires. En clair, les cotisations des Français pourraient suffire à équilibrer toutes les dépenses de soins remboursées. Or le pouvoir des complémentaires santé n’a cessé de croître, selon Didier Tabuteau qui rappelle qu’« en 2004, la loi leur a accordé un droit de veto sur les accords conclus avec les professionnels de santé ». Et l’Accord national interprofessionnel (ANI) devrait encore accentuer cette bascule, puisque « nombre de contrats individuels devraient disparaître au profit de contrats collectifs ».

SLM

Source : Décision Santé: 302