Pour le Dr Michel Lantéri-Minet, dans le domaine du traitement de la migraine, trois études contrôlées publiées en 2007 et 2008 méritent d'être citées. La première précise les effets de la fermeture du foramen ovale perméable, la deuxième atteste l'efficacité du traitement précoce des crises par les triptans et la troisième porte sur la durée optimale du traitement de fond.
PUBLIÉE EN mars dernier, l'étude MIST (Migraine Intervention with STARFlex Technology) confirme l'inefficacité de la fermeture du foramen ovale perméable (FOP) chez les migraineux (1). Une information intéressante en regard de la communication très contestée et contestable des résultats préliminaires de ce travail, considérés comme positifs par certains.
Foramen ovale : fin du débat.
Il s'agissait d'une étude prospective multicentrique, en double aveugle, menée sur 432 patients souffrant de migraine avec aura, supposée réfractaire. Supposée, car la définition de la migraine réfractaire n'est pas consensuelle actuellement, précise le Dr Lantéri-Minet. « Avec l'arrivée des techniques invasives dans la migraine, il va falloir qu'on fasse l'effort de définir la notion de pharmacorésistance comme l'ont fait les épileptologues ».
Après avoir subi une échographie cardiaque transthoracique pour repérer le FOP, puis une échographie transoesophagienne pour le confirmer, les patients ont été randomisés en deux groupes (n = 147) : l'un assigné à la fermeture du FOP par voie transcutanée et le second à une intervention simulée (incision sans fermeture). Tous ont été mis sous antiagrégant plaquettaire pendant trois mois, puis évalués dans les trois mois suivants.
« Le critère de jugement principal était un peu flou, puisque l'objectif était d'évaluer le nombre de répondeurs totaux, c'est-à-dire les patients qui n'avaient plus de migraine », note le Dr Lantéri-Minet. Ce qui sous-entend l'idée qu'on puisse guérir de la migraine. Un concept discutable. Reste que l'étude s'est révélée négative, avec, à 6 mois, aucune différence entre les deux groupes qui comptaient chacun trois patients sans migraine. Elle montre aussi le caractère invasif de la technique. Des complications liées à l'implant sont apparues dans 7 % des cas, dont deux fibrillations auriculaires, une tamponnade cardiaque et une péricardite. « Au-delà du résultat négatif, se pose donc la question rapport bénéfice/risque pour une maladie qui reste fonctionnelle. » L'inutilité de la fermeture du FOP chez les migraineux est confortée par les données de plusieurs publications récentes d'une possible association génétique entre FOP et migraine sans aura, qui réfute l'hypothèse d'un lien de causalité (2, 3).
Les triptans en traitement précoce.
L'étude Act when Mild est le premier essai d'évaluation contrôlée du traitement précoce des crises migraineuses par triptan (4). Ses auteurs ont comparé la réponse thérapeutique selon que l'almotriptan a été pris précocement, c'est-à-dire dans la première heure quand l'intensité de la douleur était encore légère, ou plus tardivement, quand l'intensité de la crise était modérée à sévère, au sens anglo-saxon. L'étude comportait quatre bras : triptan en traitement précoce ou tardif et placebo en traitement précoce ou tardif. Le critère d'évaluation principal était l'absence de douleur deux heures après la prise du médicament.
En intention de traiter (n = 403), l'étude est négative : il n'y avait pas de différence significative entre les prises précoce et tardive. Cependant, fait remarquer le Dr Lantéri-Minet, « les auteurs ont constaté que certains patients n'avaient pas respecté les consignes, en particulier ceux des groupes en traitement précoce ». Ils ont donc réassigné les patients concernés (10 %) au bon groupe. L'analyse en perprotocole après cette réintégration, non prévue initialement, a été réalisée avant le lever de l'aveugle, « ce qui rend les résultats acceptables ». Elle a mis en évidence une différence significative en faveur du traitement précoce par l'almotriptan.
« Cette étude n'est pas parfaite, mais c'est la première fois que l'on a des données contrôlées qui attestent l'efficacité du traitement précoce et qui permettent de valider la théorie actuelle de la sensibilisation centrale. » D'après cette théorie, la migraine passerait d'abord par une phase périphérique, puis centrale. Or les triptans auraient surtout une action périphérique, au contraire des anti-inflammatoires. « Les résultats de l'étude sont intéressants, parce que nous sommes en cours de réflexion sur une révision des recommandations pour la prise en charge de la migraine », annonce le Dr Lantéri-Minet, en rappelant que la stratégie actuellement préconisée en France est d'utiliser d'abord un anti-inflammatoire, puis un triptan.
Traitement de fond : 6 mois ou plus ?
D'après les recommandations actuelles, le traitement de fond de la migraine est prescrit pendant une durée minimale de 6 mois. L'étude PROMPT avait pour objectif d'évaluer les effets de l'arrêt du traitement après ce délai (5). Elle a inclus 818 patients traités, en ouvert, par topiramate pendant 6 mois, au terme desquels une randomisation en deux groupes, poursuite et arrêt du traitement, a été réalisée.
« Cette étude est intéressante à double titre », explique le Dr Lantéri-Minet. Tout d'abord, elle montre que, dans le groupe resté sous topiramate, l'efficacité est significativement meilleure en termes de fréquence mensuelle des crises. L'effet du topiramate se maintient à douze mois. Ensuite, dans le groupe placebo, il y a eu, certes, une réaugmentation de la fréquence des crises, mais sans revenir au niveau basal. Ainsi, le bénéfice obtenu avec six mois de traitement se maintient. Ce posteffet thérapeutique va dans le sens de l'idée que le traitement de fond pourrait être arrêté après six mois. « Il y a probablement une sous-population de patients qui peut nécessiter sa poursuite. »
L'étude ne permet pas de définir d'éventuels critères de sélection des patients qui nécessiteraient la poursuite du traitement après six mois. Il semblerait toutefois que la sévérité de la migraine (fréquence des crises) au départ joue un rôle dans sa chronicité. Un grand programme épidémiologique américain a montré que, jusqu'à trois crises par mois, le risque est linéaire et que, au-delà, il augmente de façon exponentielle. « Chez les patients qui ont plus de trois crises mensuelles, peut-être faudrait-il par sécurité prolonger le traitement de fond, notamment s'ils présentent d'autres facteurs de risque, comme ceux définis dans l'étude américaine, à savoir la comorbidité anxiodépressive, le mésusage du médicament et le surpoids. »
* D'après un entretien avec le Dr Michel Lantéri-Minet, CHU Pasteur, Nice.
(1) Dowson A,et al.Circulation 2008;117:1397-1404. (2) Facheris M, et al., Congrès de l'American Academy of Neurology, Chicago 2008, Poster 05.200.
(3) Schwedt TJ, et al.,Cephalalgia 2008 ; 28 : 531-540.
(4) Goadsby PJ, et al.,Cephalalgia 2008 ; 28 : 383-391.
(5) Diener HC, et al.,The Lancet Neurology 2007 ; 6 : 1054-1062.
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