27-30 septembre 2006 - Paris
«LES EPISTAXIS représentent actuellement la plus fréquente des urgences ORL: à l’hôpital Lariboisière, par exemple, en dix-huit mois et sur 2000 patients admis aux urgences, cette pathologie concernait 13% des consultations et 15% des hospitalisations. Mais, en pratique, seulement 5% environ des épistaxis nécessitent une prise en charge médicale », analyse le Dr Elisabeth Biyick (DAR-Smur, hôpital Lariboisière, Paris).
En urgence, la prise en charge des épistaxis associe des mesures générales, des gestes locaux et une enquête étiologique. «Dès l’arrivée du patient, le praticien doit rassurer, évaluer, interroger et prescrire un bilan. Dans un premier temps, il est indispensable d’installer le patient au calme en position demi-assise afin d’éviter les fausses routes et l’inhalation de sang. Chez certains malades, il est parfois nécessaire d’administrer un anxiolytique (hydroxyzine 50mg ou midazolan1mg). Une fois le patient calmé, il est possible d’apprécier le retentissement hémodynamique et le degré de déglobulisation. L’auscultation permettra de rechercher une détresse liée à une éventuelle inhalation de sang qui, si elle existe, doit inciter à pratiquer immédiatement une bronchoaspiration. L’ensemble de cet examen est complété par un interrogatoire à la recherche d’une prise d’anticoagulants ou d’aspirine et un examen paraclinique (NFS groupe RAI et bilan d’hémostase) sera prescrit dans les cas des plus sévères», continue le Dr Biyick.
Quelle que soit la gravité et même si des traitements ont été préalablement effectués, deux gestes doivent être systématiquement réalisés : un nettoyage des fosses nasales par mouchage ou aspiration éliminant les caillots qui entretiennent le saignement par fibrinolyse locale et une anesthésie locale de la muqueuse par mise en place de mèches de coton imprégnées de Xylocaïne naphtazolinée laissées en place quelques minutes (ce qui facilite l’examen ultérieur des fosses nasales). Ces deux gestes conjugués permettent d’entreprendre un bilan étiologique local et de préciser l’origine du saignement.
La prise en charge thérapeutique comprend, de façon classique, trois étapes qui seront mises en place en fonction de la sévérité de l’épistaxis, de sa cause, de l’état général du patient et de l’échec éventuel des traitements précédents.
Les moyens de première intention ont pour objectif de tenter, dès la première prise en charge, de contrôler sélectivement le saignement. La compression bidigitale est la plus évidente des mesures à appliquer. Si ce geste se révèle insuffisant, il est possible d’associer une cautérisation chimique (boule au nitrate d’argent), électrique (thermocautère sous anesthésie locale) ou un tamponnement antérieur. Ce dernier doit être réalisé en utilisant un matériau non toxique, non allergénique et non irritant pour les muqueuses. Il peut être hémostatique, mais ne doit pas favoriser les infections locales ; il doit être facile à insérer et indolore à enlever. Deux types de matériaux sont actuellement utilisés. Les premiers, des matériaux non résorbables (mèches grasses ou tampons nasaux Merocel), dont l’utilisation est plus ou moins aisée exposent à des douleurs et à des hémorragies lors du déméchage en raison de leur tendance à adhérer à la muqueuse. Les produits résorbables (Surgicel) ont l’avantage de pouvoir être laissés en place jusqu’à leur délitement progressif. Ils sont indiqués en cas de trouble de l’hémostase. Lors de la réalisation d’un tamponnement antérieur, le patient doit bénéficier d’une antibiothérapie le temps du méchage (amoxiciline-acide clavulanique ou clindamycine si allergie).
En deuxième intention, il est possible de proposer un tamponnement postérieur effectué sous anesthésie (locale ou générale) ou la mise en place d’une sonde à ballonnet qui obture hermétiquement la choane et comprime la région rétroturbinale inférieure et moyenne, zone d’émergence des artères sphénopalatine et nasale postérieure.
La chirurgie d’hémostase.
Enfin, en troisième intention, en cas d’échec de l’ensemble des mesures proposées, il est possible de réaliser une chirurgie d’hémostase ou une embolisation. Ces gestes deviennent nécessaires lorsqu’une épistaxis postérieure n’est pas contrôlée après 72 heures de traitement ou en cas d’épistaxis massive (> 1,5 ou Hb < 8 g/l). La chirurgie d’hémostase repose sur la ligature des artères maxillaires internes, sphénopalatines ou ethmoïdales. L’embolisation concerne plus particulièrement les artères ethmoïdales ou sphénopalatines et la technique utilisée consiste à trouver le meilleur compromis entre une occlusion suffisamment distale pour éviter une réinjection par les anastomoses et une occlusion trop distale qui peut induire des lésions tissulaires ischémiques. Les matériaux d’embolisation sont dotés d’une action transitoire, de l’ordre de quelques semaines à quelques mois. La vascularisation normale est donc restaurée à distance, ce qui facilite une réintervention en cas de récidive, alors qu’après chirurgie l’occlusion définitive de certaines artères compromet un geste ultérieur.
Journée organisée par le Club d’anesthésie-réanimation en ORL.
L’enquête étiologique
Conjointement aux mesures générales ou locales mises en oeuvre en urgence, il convient de débuter une enquête étiologique. Si très souvent l’épistaxis n’a pas de cause évidente – elle est alors qualifiée d’essentielle –, elle peut, dans de rares cas, révéler une affection locale ou générale. L’hypertension artérielle et les troubles de l’hémostase (pathologiques ou induits par les médicaments) restent au premier plan. Les poussées hypertensives doivent être contrôlées et les états d’hypocoagulabilité induits par des traitements doivent parfois donner lieu à une suspension thérapeutique momentanée.
Les épistaxis peuvent aussi être en rapport avec des causes locales : traumatiques, chirurgicales, maladies de Rendu-Osler, tumeurs malignes des fosses nasales ou des sinus, enfin, fibrome naso-pharyngien. Un examen à distance de l’épisode de saignement permet de préciser une éventuelle origine locale.
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