I) Diagnostiquer une insuffisance rénale.
Compte tenu du caractère pauci-symptomatique de l'insuffisance rénale, le diagnostic repose sur la biologie.
Il y a deux moyens de faire le diagnostic d'une insuffisance rénale :
1) la mise en évidence d'une élévation de la créatinémie > à 137 μmol/l chez l'homme et > à 104 μmol/l chez la femme (critères de l'Anaes) ;
2) le calcul de la clairance de Cockcroft (encadré 1) à partir de l'âge, de la surface corporelle et de la créatinémie. La clairance de Cockcroft permet de déterminer la sévérité de l'insuffisance rénale (encadré 2).
II) Distinguer une IRC d'une IRA.
Affirmer le caractère chronique ou aiguë d'une insuffisance rénale repose sur deux types d'éléments (encadré 3) :
1) éléments cliniques, en particulier anamnestiques : antécédents de néphropathie ou pas, ancienneté de signes fonctionnels urinaires, dosages antérieurs de créatinémie (+++), présence ou absence d'un élément pathologique pouvant être à l'origine d'une IRA, etc. Clairement, l'examen clinique est le moyen le plus performant pour distinguer IRA et IRC ;
2) éléments morphologiques : l'échographie rénale va évaluer la taille des reins et la différentiation corticomédullaire.
Certaines anomalies biologiques sont considérées comme évocatrices d'une IRC. L'anémie de type normochrome, normocytaire et arégénérative est typique de l'IRC. Toutefois un bon nombre d'IRA peuvent s'accompagner d'une anémie du même type comme une nécrose tubulaire aiguë secondaire à une hémolyse ou à un choc hémorragique.
De même il est classique d'affirmer qu'une hypocalcémie et qu'une hyperphosphorémie sont évocatrices d'une IRC. Ces anomalies ont une sensibilité et une spécificité médiocres pour affirmer le caractère chronique d'une insuffisance rénale. En effet une hypocalcémie et une hyperphosphorémie s'observent en cas d'IRA par rhabdomyolyse ou en cas de syndrome de lyse tumorale. Une IRC sans hypocalcémie peut se voir en cas de myélome. De plus ces anomalies seront présentes au cours de toute IRA quelle qu'en soit la cause après quelques jours d'évolution.
Outre les éléments cliniques (encadré 3), l'examen le plus discriminant entre IRA et IRC est l'échographie (voire la tomodensitométrie sans injection). En effet une IRC s'accompagne très souvent d'une atrophie parenchymateuse avec diminution de la taille des reins et perte de la différentiation corticomédullaire. Toutefois même l'échographie a ses limites car elle est opérateur et malade-dépendantes. Opérateur-dépendante car la technique de mesure des reins n'est pas toujours adéquate aboutissant souvent à une sous-estimation de la taille des reins. De plus, l'interprétation des images n'est pas toujours satisfaisante. Malade-dépendante car l'échographie est difficile chez certains patients obèses. Enfin, certaines étiologies d'IRC n'entraînent pas d'involution rénale. C'est le cas du diabète (bientôt première cause d'IRC aux Etats-Unis), des gammapathies monoclonales, des uropathies avec dilatation du haut appareil et de la polykystose rénale héréditaire.
Deux éléments ne sont pas discriminants pour distinguer IRA et IRC :
1) la présence au moment du diagnostic de l'insuffisance rénale d'anomalies urinaires (protéinurie, leucocyturie, hématurie microscopique) car, quelle qu'en soit la cause, les deux types d'insuffisance rénale peuvent s'accompagner d'anomalies urinaires ;
2) l'éventuel retentissement de l'insuffisance rénale : hyperkaliémie, acidose métabolique, surcharge hydrosodée avec œdèmes périphériques ou pulmonaires. En effet, ces éléments peuvent se rencontrer aussi bien en cas d'IRC (surtout si elle est sévère) qu'au cours d'une IRA.
III) Orienter le diagnostic d'une IRC ou d'une IRA.
Une fois la distinction entre IRA et IRC réalisée, les données cliniques, biologiques (protéinurie, sédiment urinaire, électrophorèse, auto-anticorps...), morphologiques (échographie, tomodensitométrie rénale avec ou sans injection, scintigraphie...) et histologiques (biopsie rénale, myélogramme...) permettent l'orientation étiologique au sein de chacun des deux types d'insuffisance rénale.
Si le diagnostic d'IRC a été porté, l'atteinte à l'origine du déficit de la fonction rénale porte nécessairement sur un des 4 secteurs du parenchyme rénal (glomérule, interstitium, tubes et vaisseaux). En effet une IRC peut compliquer :
1) une glomérulopathie primitive (maladie de Berger par exemple) ou secondaire (diabète, lupus érythémateux...),
2) une néphropathie interstitielle ou tubulaire (infection urinaire, lithiases récidivantes, myélome...),
3) une néphropathie vasculaire (néphroangiosclérose secondaire à une HTA essentielle...),
4) une maladie génétique (polykystose rénale...).
Les éléments permettant de distinguer ces étiologies sont donnés dans l'encadré 3. Un avis spécialisé néphrologique est souvent nécessaire à ce stade. Certains examens comme la biopsie rénale ne sont pratiqués qu'en service spécialisé.
Une IRA peut être de 3 types :
1) fonctionnelle : par déshydratation extracellulaire, par trouble hémodynamique (IEC, sartans, Ains) ou par défaillance cardiaque ou hépatique. Les urines sont concentrées, riches en urée mais pauvres en sodium (rapport Nau/Ku < 1) ;
2) obstructive : l'obstacle à l'écoulement de l'urine peut être situé sur le haut appareil (lithiases, fibrose rétropéritonéale...) ou sur le bas appareil (prostate, vessie). Le diagnostic repose sur l'échographie qui met en évidence la dilatation de la voie excrétrice en amont de l'obstacle. La levée de l'obstacle entraîne une amélioration rapide de l'insuffisance rénale ;
3) organique : l'IRA organique affecte obligatoirement un des 4 secteurs du parenchyme rénal. Le plus souvent il s'agit d'une nécrose tubulaire d'origine ischémique (état de choc, hémolyse, rhabdomyolyse...) ou toxique (antibiotiques néphrotoxiques...). Les urines sont pauvres en urée mais contiennent du sodium (rapport Nau/Ku > 1).
Certaines IRA peuvent être traitées en ville en particulier les IRA fonctionnelles. L'IRA obstructive justifie souvent un geste urologique en milieu spécialisé. L'IRA organique justifie une consultation spécialisée en néphrologie souvent dans l'urgence.
Calcul et interprétation de la clairance de Cockcroft
Clairance de Cockcroft :
Chez l'homme :
Chez la femme :
La valeur normale de la clairance de Cockcroft est de 120 ml/min/1,73 m2.
La clairance de Cockcroft doit être normalisée sur la surface corporelle.
Surface corporelle (m2) :
Clairance de Cockcroft normalisée :
La clairance de Cockcroft et Gault n'est qu'une estimation de la clairance de la créatinine. Elle est mise en défaut lorsque le poids ne reflète pas la masse musculaire. Elle surestime la clairance de la créatinine chez le sujet jeune (en particulier chez l'enfant), chez le sujet en surpoids ou en cas de troubles de l'hydratation. Par contre elle sous estime la fonction rénale chez le sujet âgé.
Malgré ces défauts, la clairance de Cockcroft alerte le praticien sur l'existence d'une insuffisance rénale et sur l'importance du déficit de la fonction rénale.
Voir l'encadré numéro 2, concernant la distinction entre IRA et IRC ( format pdf uniquement )
Classification de l'Anaes de l'IRC |
|
Valeur de la clairance de Cockcroft |
Interprétation |
> 60 ml/min sans marqueur d'atteinte rénale | Pas de néphropathie, pas d'IRC |
> 60 ml/min avec marqueurs d'atteinte rénale | Néphropathie chronique sans IRC |
Entre 60 et 30 ml/min | IRC modérée |
Entre 30 et 15 ml/min | IRC sévère |
< 15 ml/min | IRC terminale |
Les marqueurs d'atteinte rénale sont : - la protéinurie > 300 mg/jour ; - la micro-albuminurie entre 30 et 300 mg/jour ; - la leucocyturie > 5 103/ml ou 5/mm3 ; - l'hématurie > 5 103/ml ou 5/mm3 ; - les anomalies du parenchyme rénal à l'échographie (petit rein, hydronéphrose, atrophie segmentaire...) ; - les anomalies histologiques. |
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature