> Art
EN 987, HUGUES CAPET monte sur le trône de France, mettant fin au règne des Carolingiens et inaugurant celui des Capétiens. Le royaume, aux dimensions réduites, accède à une unité encore fragile. Après les grandes invasions, le peuple apprend à jouir d'une relative sécurité. L'organisation féodale y contribue. Le pays se structure autour des villes, dont l'importance s'accroît. Une civilisation naît, fondée sur une force dominante : l'Église. L'art roman est l'expression artistique de ce grand mouvement historique. Il s'affirme vite comme exclusivement religieux. La fondation des ordres de Cluny et de Cîteaux - dont les abbayes sont construites respectivement en 910 et en 1098 - stimule l'expansion de grands monastères, pôles intenses de création artistique. Le poids de la religion et du clergé augmente dès le XIe siècle. Chaque village devient une paroisse et se dote d'une église neuve. Le nombre d'œuvres religieuses se multiplie.
Une large part de l'exposition est consacrée à des objets de culte, rituels et sacrés : calices, patènes funéraires, crosses d'évêques et d'abbés et anneaux d'archevêques retrouvés dans des sépultures, châsse de saint André de Poitiers, ravissantes petites figures d'applique d'un apôtre et d'un Christ en bronze doré (quart du XIIe siècle) aux formes rigoureuses, riche statue reliquaire auvergnate de saint Césaire en noyer polychrome... Certaines images et certains thèmes liturgiques sont récurrents (beaucoup de représentations de croix, d'agneaux, de saints, d'Abraham...).
Une approche régionale.
Statuette d'ange (Limoges, XIIe et XIIIe)(Photo ADAGP/PH. RIVIERE) L'exposition aborde également l'activité artistique des grands centres de création, région par région. A chaque province ses trésors, identifiés par une facture et un style singuliers.
La rayonnante Bourgogne d'abord, caractérisée par les personnages étonnement allongés du maître Gislebertus d'Autun, par les célèbres et audacieux manuscrits aux enluminures de Cîteaux, ou encore par la sculpture du saint Michel terrassant le dragon (partie de tympan d'une chapelle, cathédrale de Nevers, XIIe siècle), d'un goût à la fois libre et austère.
Puis les Pays de la Loire (avec le curieux chapiteau à trois faces des miracles de saint Benoît, représentant un Christ aux yeux hallucinés et avec le vitrail de la Vierge à l'Enfant de l'église de la Trinité de Vendôme, irréel et hypnotisant).
La France d'Oc ensuite : c'est la précieuse enluminure de l'abbaye de Montmajour et les chefs-d'œuvre du domaine aquitain. Dans ces régions, s'étendant du sud de la Loire aux Pyrénées, les artistes témoignent au cœur de leurs enluminures d'un mélange de fantaisie et de sobriété.
Le Nord et la Normandie, enfin (sculptures en ivoire des quatre vieillards de l'Apocalypse au hiératisme impressionnant, réalisées à Saint-Omer à la fin du XIe siècle), et bien sûr l'Ile-de-France (vase en porphyre et argent, ou « aigle » de Suger, le grand abbé de Saint-Denis).
Cette intéressante approche régionale de l'art roman français permet de suivre l'évolution de la création au cours des deux siècles concernés.
En cette fin de Xe siècle, les artistes, fidèles aux principes de l'iconographie traditionnelle carolingienne, ne tardent pas à y apporter des innovations artistiques. Aux XIe et XIIe siècles, les formes deviennent plus stylisées, les visages plus expressifs, les bestiaires plus fantastiques, les couleurs plus exubérantes. Des volutes, des rosaces et des mandorles (figures en forme d'amande où apparaît le Christ en gloire) ornent les chapiteaux historiés. La technique des émaux champlevés se pratique sur des pièces d'orfèvrerie, magnifiquement ciselées. C'est l'époque des pèlerinages et des croisades : le contact avec le monde byzantin et musulman favorise l'émergence de nouveaux motifs, au service de thèmes inédits (voir dans l'exposition le parchemin du Lectionnaire-passionnaire de Limoges, datant de 1000 environ).
L'exposition se clôt en 1152, année du début des hostilités entre les Capétiens et les Plantagenêts. L'art gothique n'est pas loin. Il va marquer l'apparition d'un ordre non moins fervent, mais plus sage et plus rationnel. La grâce romane, mystérieuse, folle, sublime, aura régné durant deux siècles sur l'Occident.
« La France romane au temps des premiers Capétiens (987-1152) », Musée du Louvre, Hall Napoléon. Paris 1er ; tlj sauf mardi de 9 h à 17 h 30 (nocturnes mercredi et vendredi) ; tél. 01.40.20.53.17. Jusqu'au 6 juin. Plusieurs manifestations sont organisées à l'occasion de l'exposition, notamment à l'Auditorium du Louvre : Programme complet sur www.louvre.fr.
Publications : Catalogue, coédition musée du Louvre/Hazan, 400 pages, 39 euros ; « L'Art roman en France », de Xavier Dectot. Collection L'Atelier du monde, 144 pages, 18 euros.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature