L ES virus émergents font-ils courir un risque à la transfusion sanguine ? Tel était, en substance, le thème des communications présidées par le Pr Jean-Jacques Lefrère de l'Institut national de la transfusion sanguine, durant le congrès de l'ISBT.
• Virus G, VHH8 et virus TT
Depuis 1995, trois nouveaux virus ont été découverts et largement étudiés.
Le virus G (VHG), un flavivirus relativement rare qui présente quelques analogies avec le virus de l'hépatite C et que l'on a cru, à tort, responsable d'hépatites post-transfusionnelles. Bien que ce virus soit présent dans le sang, l'absence totale de pathogénicité chez l'immunocompétent et la production d'anticorps neutralisants rendent inutile son dépistage sanguin systématique par amplification génomique.
- Le cas du virus HHV-8 (virus herpès de type 8), principal facteur impliqué dans la pathogenèse du sarcome de Kaposi, est différent car on sait qu'il devient réellement pathogène chez l'immunodéprimé. Néanmoins, le cumul des données épidémiologiques dont on dispose n'est pas en faveur de son dépistage systématique en France car sa prévalence est très basse et son caractère leucotrope en limite la présence dans les produits sanguins déleucocytés, les seuls autorisés dans l'Hexagone. A noter également qu'il n'a encore jamais été décrit de sarcome de Kaposi transfusionnel. L'attitude abstentionniste ne serait peut-être pas maintenue en cas de transfusion de sang frais, non déleucocyté, comme cela est le cas en Afrique. Toutefois, dans cette région, la très forte prévalence d'enfants et d'adultes porteurs du VHH8 fait suspecter un mode de transmission horizontal autre que la transfusion (salive).
- Le dernier virus récemment découvert, le TTV, constitue un autre modèle de genre. En effet, ce virus à ADN non enveloppé est présent dans la quasi-totalité de l'espèce humaine durant l'enfance. Les anticorps neutralisants font ensuite diminuer la virémie au-dessous des seuils de détection par amplification génomique, sauf en cas d'immunodépression où une virémie peut se maintenir. Le fait que près de 100 % de la population en soit porteuse saine n'en justifie pas la détection prétransfusionnelle, malgré l'existence d'une transmissibilité sanguine.
• La découverte de virus dont il faut ensuite évaluer les risques
« L'approche virologique a changé, explique au "Quotidien" le Pr Lefrère. Jusqu'à présent, on connaissait d'abord l'existence d'une maladie puis on se mettait à la recherche du virus. Aujourd'hui, les avancées technologiques permettent de découvrir de nouveaux virus dont il faut secondairement évaluer les risques.Pour cela, les virologues mesurent le risque transfusionnel ainsi que la persistance et la prévalence du virus chez les donneurs de sang. »
• L'hypothèse de variants de virus connus
« Les virus émergents, poursuit le Pr Lefrère, ne sont pas les seuls à mettre au défit les virologues. Il faut aussi envisager l'hypothèse de variants de virus connus (hépatites B et C, VIH) qui seraient suffisamment éloignés des souches initiales pour passer au travers des tests de dépistage. Par exemple, on a déjà mis en évidence de très rares virus de l'hépatite B non porteurs de l'antigène HBs. La surveillance étroite des souches virales connues nous permet, le cas échéant, d'élargir au plus vite la détection. Enfin, il est toujours possible qu'un virus pathogène, auparavantlocalisé à une région du monde, se répande un jour sur une plus grande échelle, comme dans le cas du VIH. Lavirologie a véritablement aujourd'hui une démarche prospective et non plus attentive. Le risque d'émergence de nouveaux variants n'est pas gigantesque car on va très en avant les suspecter dans l'arbre phylogénétique. »
D'après la communication du Pr J.-P. Allain (Cambridge) et d'un entretien avec le Pr Jean-Jacques Lefrère (hôpital Saint-Antoine, Paris).
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