ONDAM SOINS DE VILLE contre Ondam hospitalier : le match disputé entre les professionnels de santé libéraux et les établissements de soins pour la répartition de l’Objectif national de dépenses d’assurance-maladie est devenu rituel à l’occasion du vote annuel du budget de la Sécu. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (Plfss) pour 2007, qui a été définitivement adopté jeudi dernier, donne l’avantage à l’hôpital, avec un Ondam en progression de + 3,5 % l’an prochain, contre + 1,1 % pour les soins de ville (après la rallonge de 200 millions d’euros obtenue par amendement).
Cependant, cette ventilation de l’Ondam ne rend pas compte du phénomène de vases communicants entre les deux enveloppes sectorielles, qui attise d’autant plus la rivalité économique entre la ville et l’hôpital.
Deux documents internes de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam), que « le Quotidien » s’est procurés, mettent en évidence l’ampleur des dépenses de prescriptions faites à l’hôpital mais facturées sur le compte des soins de ville.
Dans son « plan national de gestion des risques 2006-2007 », l’assurance-maladie rappelle quelques faits : les ordonnances hospitalières exécutées en ville ont représenté en 2004 «24% de l’ensemble des prescriptions» prises en charge sur l’enveloppe de ville, «23% des prescriptions médicamenteuses», «66%» des transports sanitaires et «20%» des arrêts de travail. En 2005, ces prescriptions hospitalières imputées sur le poste des dépenses de soins de ville ont totalisé «10,2 milliards d’euros» (tous régimes confondus), avec une «croissance dynamique (+32% de 2001 à 2005)». Dans le seul régime général, les prescriptions des médecins hospitaliers atteignent en 2005 6,36 milliards d’euros en montants remboursés (voir tableau de la Cnam ci-dessus).
Dans le détail, la hausse des dépenses pharmaceutiques paraît particulièrement forte au premier semestre 2006 (+ 20,2 %) par rapport à 2005 à la même période. Dans son avis sur le médicament rendu fin juin, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance-maladie (Hcaam) distinguait plusieurs sortes de prescriptions médicamenteuses rédigées par des praticiens hospitaliers et imputées aux soins de ville : les médicaments spécifiques délivrés par les pharmacies hospitalières pour des malades non hospitalisés (au titre de la « rétrocession hospitalière »), les médicaments en lien direct avec un séjour hospitalier et enfin les médicaments prescrits à l’occasion de consultations externes ou de passages aux urgences.
Ces gros transferts de l’hôpital vers la ville sont désormais dans le collimateur de la Cnam. L’assurance-maladie a non seulement le droit de mettre son nez dans le champ hospitalier depuis la réforme de 2004, mais elle estime en avoir le devoir. En matière de maîtrise médicalisée des dépenses, «un effort équilibré entre l’hôpital et la médecine de ville doit être consenti», souligne l’assurance-maladie dans son plan national de gestion des risques. En outre, les prescriptions hospitalières «constituent très souvent des initiations de traitement qu’il sera difficile au médecin traitant de modifier par la suite», précise ce document. Une raison de plus, donc, pour inciter les praticiens hospitaliers à lever le stylo.
Le directeur général de la Cnam, Frédéric Van Roekeghem, avait annoncé au début de l’été que les caisses se pencheraient d’abord sur «les prescriptions externes, qui peuvent être rationalisées pour faire des économies» (« le Quotidien » du 4 juillet). Six thèmes prioritaires ont été fixés par l’assurance-maladie avec l’Etat et les représentants des établissements de santé, en miroir du plan de maîtrise de la médecine de ville (antibiotiques, statines, DCI, ALD...). La politique de maîtrise des prescriptions à l’hôpital comprend un volet contractuel (accords-cadres nationaux et thématiques, accords d’établissement), ainsi qu’un «accompagnement» des caisses. L’intervention de l’assurance-maladie au sein des établissements prendra la forme de visites des praticiens-conseils aux CME (commissions médicales d’établissement), avant des «visites plus ciblées par service ou par spécialité».
Des contrôles plus difficiles.
Selon l’économiste de la santé Claude Le Pen, interrogé par « le Quotidien », «les contrôles des prescriptions des médecins à l’hôpital seront beaucoup plus compliqués à effectuer» qu’en ville, compte tenu de la spécificité des pathologies rencontrées et du «rôle d’expertise, de recherche, d’initiateurs des praticiens hospitaliers». «Le rôle de payeur avisé, de contrôleur et de régulateur (de l’assurance-maladie) exige d’elle une révolution culturelle car c’est presque un nouveau métier pour elle», affirme Claude Le Pen.
Quoi qu’il en soit, l’économiste observe aujourd’hui «une certaine convergence des intérêts de la Cnam et des médecins libéraux puisqu’ils disent subir le poids de l’hôpital». Les syndicats médicaux ne manqueront pas d’invoquer une fois de plus ce fardeau des prescriptions hospitalières lorsqu’ils aborderont le versant tarifaire de leur négociation conventionnelle, à la lumière des résultats de la maîtrise des dépenses de soins de ville.
Prescriptions effectuées en ville des établissements sanitaires publics ou privés à but non lucratif | |||
MONTANT REMBOURSE 2005 (EN MILLIERS D' €) | TAUX D'EVOLUTION 2004-2005 | TAUX D'EVOLUTION 1ER SEMESTRE 2005-2006 | |
Pharmacie | 2 449 936 | 14,7 % | 20,2 % |
Biologie | 303 037 | 8,1 % | 8,2 % |
Auxiliaires médicaux | 574 859 | 6,0 % | 5,5 % |
LPP et produits dorigine humaine | 757 176 | 7,6 % | 10,3 % |
Transports | 1 021 579 | 7,1 % | 9,2 % |
Indemnités journalières | 1 254 755 | 1,4 % | 0,9 % |
Cures | 2 568 | 0,4 % | 27,1 % |
Total prescriptions | 6 363 911 | 8,7 % | 11,0 % |
Source : Cnam |
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