UNE ETUDE originale est présentée dans le dernier numéro de « Gut » : des jeunes gens volontaires ont accepté de se soumettre pendant un mois à un régime hypercalorique à base de fast-food, de ne pas bouger et de grossir en prenant de 5 à 15 % de leur poids initial. L'objet de l'opération était de savoir si un tel régime peut provoquer des inclusions lipidiques dans le foie et une modification des enzymes hépatiques.
La constatation d'une élévation des transaminases (ALAT) provoque souvent une batterie d'examens coûteux pour établir un diagnostic en pensant au risque d'hépatite virale ou de cirrhose.
Mais on remarque aussi que les élévations des ALAT sont fortement associées aux traits du syndrome métabolique (adiposité abdominale, hyperglycémie, dyslipidémie). On a trouvé que des ALAT et des ASAT élevées sont corrélées à un risque ultérieur de diabète de type 2. Une élévation des transaminases chez des sujets en bonne santé apparente a été mise en relation avec une maladie de surcharge lipidique du foie, le plus souvent une stéatose non alcoolique.
Il était donc intéressant dans ce contexte d'en savoir plus sur les relations potentielles entre une surcharge lipidique, les enzymes hépatiques et la stéatose. Quel impact une suralimentation exerce-t-elle sur le foie ?
Doubler leur prise calorique ordinaire.
Pour les besoins de la science, 18 jeunes Suédois (12 hommes et 6 femmes), pour la plupart des étudiants en médecine, ont accepté de se plier à ce régime contraire aux recommandations en matière de bonne santé. Ils devaient doubler leur prise calorique ordinaire et, pour cela, ils étaient tenus de prendre au moins deux repas quotidiens dans un fast-food. Leur activité physique en devait pas excéder 5 000 pas par jour. Un groupe témoin comparable a été également recruté.
On a mesuré les ALAT circulants chaque semaine et le contenu en triglycérides du foie (CTF) par spectroscopie par résonance magnétique nucléaire du proton (RMN H), au début et à la fin de l'épreuve.
Le régime a eu l'effet attendu sur le poids : les sujets sont passés de 67,9 kg à 74 kg (p < 0,001). Et il a prouvé un effet direct sur les transaminases : les ALAT sont passés de 22,1 U/l, au démarrage, à une moyenne de 97 U/l (entre 19,4 et 447 U/l). Onze sujets sur 18 ont présenté de manière permanente des ALAT au-dessus des limites de référence (femmes > 19 U/l, hommes > 30 U/l). Rien de semblable n'est survenu chez les témoins.
Le CTF s'est accru de 1,2 à 2,8 %, sans parallèle strict avec l'augmentation des ALAT.
«La découverte la plus importante de cette étude est que, pendant qu'elle était réalisée, 13sujets ont développé des ALAT pathologiques. Et, chez la plupart d'entre eux, l'anomalie a été évidente dès la première semaine.»
Une autre cause locale, comme une inflammation.
Tous les participants, sauf deux, ont à la fin de l'étude un CTF inférieur à 5,6 %, ce qui est le critère de la stéatose hépatique. Un mécanisme similaire à celui des maladies de surcharge lipidique non alcooliques du foie a pu intervenir. Comme l'ampleur de l'élévation des ALAT n'est pas parallèle à celle du CTF, ce n'est probablement pas l'infiltration lipidique du foie qui est la cause principale de l'anomalie des transaminases. Il peut y avoir une autre cause locale, comme une inflammation. Selon de précédents travaux, une surconsommation d'hydrates de carbone est significativement associée à une inflammation, avec démonstration biopsique.
Au total, une élévation des ALAT isolée, voire chronique, peut être d'origine purement alimentaire et en particulier lorsque l'anomalie est trouvée en l'absence de stéatose hépatique, concluent les auteurs. «Nous suggérons que, lors de l'évaluation clinique de personnes ayant des ALAT élevées, les praticiens ajoutent des questions concernant une surconsommation alimentaire récente.»
Kechagias S et coll. « Gut », en ligne.
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