Par le Pr FABRICE BONNET*
Environ de 30 à 40 % des patients diabétiques développent une néphropathie. La physiopathologie de la néphropathie diabétique implique l'interaction de facteurs métaboliques (produits avancés de la glycation) et hémodynamiques (hypertension intraglomérulaire) (figure 1). La stratégie thérapeutique repose sur l'obtention d'un équilibre glycémique optimal et un contrôle strict de la pression artérielle en association au blocage du système rénine-angiotensine.
Le contrôle de l'hyperglycémie.
L'optimisation du contrôle glycémique représente une des clés de la prise en charge des patients présentant une néphropathie diabétique avec un objectif d'une HbA1c inférieure à 7 %. En cas d'insuffisance rénale, la prescription de la metformine est contre-indiquée et celle des sulfamides hypoglycémiants expose à un risque accru d'hypoglycémies. Dans cette situation, une insulinothérapie est donc souvent nécessaire. Les glitazones ne sont pas contre-indiquées en cas d'insuffisance rénale modérée et représentent une alternative potentiellement intéressante, d'autant plus que des récepteurs PPARg fonctionnels ont été mis en évidence au sein du glomérule. Différentes études chez l'animal et chez l'homme, ont démontré un effet anti-albuminurique des glitazones en monothérapie ou en bithérapie. Dans ces essais, la réduction de l'albuminurie conférée par les glitazones était davantage corrélée à la diminution de la pression artérielle et de l'insulinorésistance qu'à la réduction de la glycémie.
Traitement antihypertenseur.
La présence d'une hypertension artérielle augmente le risque de progression de la néphropathie diabétique quel que soit le type de diabète. Le déclin de la fonction rénale au stade de la néphropathie avérée augmente d'autant plus que la pression artérielle est élevée. A l'opposé, la réduction de la pression artérielle diminue le risque de progression de la néphropathie diabétique, comme cela a été démontré dans l'étude UKPDS et contribue à diminuer l'albuminurie. Un contrôle optimisé de la pression artérielle fait donc partie intégrante du traitement de la néphropathie diabétique avec un objectif d'une PA inférieure à 130/80, voire même 125/75 mmHg, en présence d'une élévation de la créatinine et/ou d'une protéinurie supérieure à 1 g/24 h. Cela nécessite la mise en oeuvre de mesures hygiéno-diététiques avec une réduction des apports sodés, une perte pondérale en cas de surpoids, et l'utilisation de plusieurs antihypertenseurs en association.
En ce qui concerne le choix de l'antihypertenseur, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) sont recommandés dans le diabète de type 1, dès le stade de la microalbuminurie. Ils réduisent l'albuminurie et ralentissent la progression de la néphropathie de manière supérieure aux autres antihypertenseurs. Une étude prospective a montré une réduction significative de la progression vers l'insuffisance rénale terminale avec le captopril chez des diabétiques de type 1 avec protéinurie et insuffisance rénale. Les antagonistes du récepteur de l'angiotensine II ou sartans diminuent aussi l'albuminurie dans le diabète de type 1, mais, à la différence du diabète de type 2, nous ne disposons pas à ce jour d'études démontrant un ralentissement de la progression vers la dialyse avec cette classe thérapeutique dans le diabète de type 1. Dans le diabète de type 2, l'effet anti-albuminurique des IEC et des sartans a été mis en évidence chez des patients normotendus ou hypertendus. Dans l'étude IDNT, l'irbesartan réduit l'albuminurie et la progression vers le stade de la néphropathie avérée chez des diabétiques de type 2 hypertendus avec microalbuminurie avec un effet-dose suggérant d'augmenter si besoin la posologie à la dose maximale afin d'amplifier l'effet anti-albuminurique.
Par ailleurs, les études (IDNT et RENAAL) ont mis en évidence un effet néphroprotecteur du losartan (à la dose de 50 à 100 mg/j) et de l'irbesartan (à la dose de 300 mg/j) et chez des diabétiques de type 2 hypertendus présentant une insuffisance rénale et/ou une protéinurie. L'effet néphrotecteur était indépendant de l'effet antihypertenseur. Ces études ont conduit à recommander les sartans chez les diabétiques de type 2 hypertendus avec microalbuminurie ou protéinurie et/ou insuffisance rénale. Cependant, aucun essai n'a comparé directement sur le long terme les effets néphroprotecteurs et/ou cardioprotecteurs d'un IEC à ceux d'un sartan.
L'étude BENEDICT a récemment démontré qu'un IEC, le trandolapril, seul ou en association avec le vérapamil, prévient l'apparition de la microalbuminurie chez des diabétiques de type 2 hypertendus. De même, un effet de prévention de la néphropathie diabétique a été très récemment montré dans l'étude ADVANCE avec l'association périndopril/indapamide à faibles doses. Ces essais suggèrent donc une utilisation préférentielle d'un agent bloquant le système rénine-angiotensine chez tout diabétique de type 2 hypertendu afin de prévenir l'apparition d'une néphropathie diabétique.
Conclusion.
Les patients avec une néphropathie diabétique sont exposés à un double risque, rénal et cardio-vasculaire, qu'il est important de prendre en considération avec une approche globale et si besoin multidisciplinaire. L'hyperglycémie chronique et l'hypertension artérielle constituent deux facteurs de risque modifiables majeurs qu'il faut traiter. Le blocage du système rénine-angiotensine représente la clé de la prise en charge, en association si besoin à d'autres antihypertenseurs. De nouvelles options thérapeutiques en développement comme les inhibiteurs d'une isoforme de la protéine kinase C (la ruboxistaurine) ou les inhibiteurs de la formation des produits avancés de la glycation permettront peut-être de mieux prévenir et traiter cette redoutable complication.
* Service d'endocrinologie-diabétologie, CHU de Rennes.
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