PRATIQUE
URODYNAMIQUE
L'instabilité vésicale n'est pas la cause la plus fréquente d'incontinence chez la femme, mais c'est de loin la plus invalidante.
Impériosité mictionnelle et incontinence par urgence la caractérisent, mais son diagnostic est urodynamique : la cystomanométrie la diagnostique lorsque sont retrouvées des contractions vésicales à faible remplissage (moins de 200 ml) et supérieures à 15 cm d'H2O.
Elle peut être idiopathique, mais son apparition tardive (après 20 ans) doit faire rechercher deux types de causes : neurologique, ou l'existence d'une pathologie de voisinage qui joue le rôle « d'épine irritative ».
Si le traitement médical est souvent efficace, la prise en charge rééducative est souvent nécessaire. La chirurgie, rarement nécessaire, peut être indiquée devant le caractère invalidant de la symptomatologie. La neuromodulation semble, parmi les techniques récentes, la plus prometteuse.
TRAITEMENTS PHAMACOLOGIQUES
L'essentiel du stimulus neuro-hormonal aboutissant à la contraction vésicale est une stimulation cholinergique des récepteurs cholinergiques parasympathiques post-ganglionnaires du muscle lisse de la vessie. Les atropiniques et les médications atropine-like, tels que les anti-cholinergiques, suppriment donc les contractions vésicales involontaires quelle que soit leur étiologie. Ils diminuent l'amplitude de la contraction vésicale involontaire et sont susceptibles d'augmenter la capacité vésicale. Le consensus est parfaitement établi quant à l'indication des anti-cholinergiques, dans le traitement de l'instabilité vésicale. Le chef de file en est le chlorhydrate d'oxybutynine, en commençant à doses progressives après avoir naturellement éliminé une contre-indication (glaucome à angle fermé notamment).
L'agent anti-cholinergique idéal serait celui qui serait efficace spécifiquement sur les récepteurs muscariniques bloquant la contraction vésicale, sans avoir l'effet secondaire désagréable d'inhiber la sécrétion salivaire.
Le tartrate de toltérodine, molécule plus récente, semble être efficace et éviter cet effet secondaire d'assèchement des muqueuses,
En cas d'insuccès du traitement par anti-cholinergiques, on peut recommander les ß2 adrénergiques, comme le salbutamol en comprimés. D'autres médications ont été utilisées : antispasmodiques musculotropes, antidépresseurs tricycliques, adrénergiques ß-mimétiques, inhibiteurs calciques, antiprostaglandines, myorelaxants et opiacés (prescription hors AMM).
La réalisation, en cours de bilan urodynamique, de tests pharmacologiques peut être indiquée :
- au bromure de prifinium s'il s'agit d'une instabilité de cause neurologique ;
- à la Xylocaïne endovésicale s'il s'agit d'une instabilité de cause loco-régionale.
Enfin, des traitements intra-vésicaux par anti-cholinergiques, capsaïcine... sont à l'étude.
TRAITEMENT REEDUCATIF
Le principe de la rééducation dans l'IUV est de redonner aux patients le contrôle volontaire de l'inhibition vésicale. Trois techniques sont utilisées et souvent associées.
La rééducation manuelle
La rééducation manuelle vise à obtenir le renforcement et la prise de conscience périnéale pour obtenir une contraction du plancher pelvien.
Elle comporte quatre phases successives :
- la prise de conscience par la perception de la mobilité du centre tendineux du périnée, puis sous forme de « stretch réflexe » ;
- l'apprentissage de la qualité de la contraction musculaire périnéale, excluant les contractions musculaires « parasites » des abdominaux et des fessiers ;
- la musculation, en augmentant progressivement le temps de contraction et le travail contre opposition ;
- le verrouillage périnéo-sphinctérien à l'effort ; le but de la rééducation est qu'il devienne automatique.
Le biofeedback
Le biofeedback permet le contrôle de l'activité musculaire.
- Le biofeedback musculaire est le plus utilisé. Son principe repose sur l'existence d'un réflexe périnéo-inhibiteur. Il apprend à la patiente à contracter son périnée pour inhiber l'envie impérieuse correspondant à la contraction vésicale, le rééducateur vérifiant la force et la tenue de cette contraction. Elle analyse la disparition de l'envie d'uriner par les contractions périnéales. Cet exercice plusieurs fois répété, elle réalise peu à peu que ses contractions calment ou arrêtent les impériosités.
- Le biofeedback vésical repose, comme le biofeedback musculaire, sur l'utilisation du réflexe périnéo-inhibiteur. Une cystomanométrie couplée à un EMG sonore permet à la patiente de visualiser la suppression des contractions vésicales au fur et à mesure de l'utilisation de la contraction périnéo-sphinctérienne. Il nécessite donc une manipulation endo-urétrale et ne peut être recommandé en routine clinique.
L'électrostimulation
L'électrostimulation tient une place prépondérante dans la prise en charge rééducative des IUV.
Electrostimulation visant à la détente vésicale
Selon la classification de MAHONY, les phases de remplissage et de miction comprennent douze réflexes, dont chacun a une signification neurophysiologique et s'intègre dans ces différentes phases.
- Réflexes favorisant la continence : quatre réflexes A1, A2, A3, A4 permettent la phase de stockage et de remplissage vésical.
- Réflexes favorisant le déclenchement de la miction : deux réflexes B1, B2 contribuent à la phase d'initiation mictionnelle.
- Réflexes intramictionnels : cinq réflexes C1, C2, C3, C4, C5 permettent la poursuite de la contraction détrusorienne et la phase d'évacuation complète de la vessie.
- Réflexe d'arrêt de miction : un réflexe D1 permet la phase de fin de contraction et le retour à la phase de remplissage.
Le réflexe A3 de Mahony, par la contraction du système musculaire périnéo-sphinctérien, provoque une détente vésicale. L'électrostimulation, comme les exercices volontaires, sollicite ce réflexe, c'est-à-dire agit par voie réflexe à partir des afférences sensitives des nerfs pudendaux, avec des largeurs d'impulsions se situant entre 0,2 et 0,5 ms, la fréquence de 5 à 10 Hz produisant l'inhibition vésicale la plus marquée (Plevnik, Fall, Vodusek), parfois jusqu'à 25 Hz (Eriksen). Le temps de travail sera de six secondes, avec un temps de repos de quatre secondes. Les fréquences utilisées permettent son activation afin d'obtenir progressivement une détente vésicale.
L'utilisation d'un courant rectangulaire biphasique dépolarisé de basse fréquence, transmis par voie endo-cavitaire, semble donner les meilleurs résultats. L'application se fait par voie endo-vaginale pour la femme. On peut surtout avoir recours à des stimulations externes par courants interférentiels, ce qui permet de ne pas se priver de cette technique. Ces courants de moyenne fréquence sont appliqués par quatre pôles suivant Nemec. Il en résulte donc deux courants croisés entre les quatre pôles figurés par les quatre électrodes. Ces électrodes sont placées au-dessus des plis inguinaux pour deux d'entre elles, et les deux autres au niveau des adducteurs de cuisse. Le principe consiste donc à utiliser deux courants croisés de moyenne fréquence donnant une différentielle de 5 à 10 Hertz dans la zone de croisement.
Une étude rétrospective sur 62 patients, avec un recul moyen d'observation de cinq ans (extrêmes un à dix ans), montre que les résultats de cette technique sont excellents : 80,9 % de guérison à un an après dix séances en moyenne, sans aucun incident ou complication. Les résultats s'émoussent dans le temps chez les patients pour lesquels avec huit ans de recul 40 % de guérison sont obtenus. Le traitement de l'instabilité vésicale par courant interférentiel est une technique fiable qui est une alternative aux autres méthodes de stimulation rééducative, et peut être réalisé en cas de résistance de l'instabilité aux anti-cholinergiques. La réalisation de cinq séances d'entretien tous les douze ou dix-huit mois permet dans la majorité des cas de stabiliser les résultats à distance.
Certains appareils récents permettent de coupler le biofeedback et l'électrostimulation.
La stimulation permet un réveil musculaire. Elle est utilisée passivement en première intention puis progressivement associée à un travail actif. On demande alors à la patiente d'accompagner volontairement la contraction effectuée par le stimulateur.
Dans ce cas, le travail s'effectue en quatre temps :
- 1er temps : une impulsion est générée par le stimulateur et accompagnée ou pas par la patiente.
- 2e temps : repos.
- 3e temps : la patiente effectue une contraction volontaire qu'elle contrôle sous biofeedback EMG.
- 4e temps : un temps de repos.
Puis retour à la stimulation, etc.
Il convient de ne pas oublier les contre-indications de la stimulation électrique : résidu post-mictionnel, infections récidivantes, reflux vésico-urétral, néphropathies, tumeurs, écoulements intra-vaginaux, stimulateur cardiaque.
LES TRAITEMENTS COMPORTEMENTAUX
Le calendrier mictionnel
Le calendrier mictionnel est un élément essentiel de la rééducation. Il est contemplatif au départ, et permet aux patientes (et au thérapeute) de contrôler parfaitement l'apport hydrique et les mictions dans le temps et en volume. Au fur et à mesure des progrès obtenus, ce catalogue deviendra éducatif, c'est-à-dire que le rééducateur notera lui-même l'espacement horaire entre deux mictions, le patient continuant à noter les volumes ou les événements. Il permet une reprogrammation mictionnelle.
La relaxation
La relaxation et autres techniques comportementales peuvent représenter un appoint intéressant améliorant les résultats.
Toute rééducation de l'instabilité vésicale idiopathique qui se pérennise dans le temps sans progression évidente doit être interrompue. Le patient sera renvoyé vers le médecin prescripteur pour des examens complémentaires ou pour un traitement différent.
LA NEURO-MODULATION
La neuro-modulation est une nouvelle technique de stimulation des nerfs sacrés (racines S3) dans l'arsenal thérapeutique du dysfonctionnement vésical.
Elle se déroule en deux étapes : d'abord un test de simulation, puis une implantation définitive pour les patients répondeurs. D'abord utilisée dans les dysfonctionnements urinaires d'origine neurologique ou non, son indication a été étendue à l'instabilité vésicale idiopathique avec succès aussi bien sur le plan clinique qu'urodynamique. Son mécanisme d'action reste encore débattu, puisque indiquée aussi bien dans les vessies rétentionnistes qu'hyperactives. Si les effets indésirables semblent exceptionnels, cette technique est indiscutablement plus invasive que les traitements médicaux ou rééducatifs, bien qu'elle reste peu agressive par rapport aux traitements chirurgicaux.
Une réponse positive au test de stimulation (amélioration d'au moins 50 % des symptômes) est obtenue sur 30 % à 40 % des vessies hyperactives. Chez ceux-ci, le pourcentage de succès après implantation définitive est de 80 %.
Cette technique est en train de passer en routine clinique. Elle est appliquée dans un vingtaine de centres en France. Parmi les techniques récentes, elle est la plus prometteuse.
Une IUV non améliorée par les traitements médicaux et/ou la rééducation fait discuter l'indication d'un traitement chirurgical, mais celui-ci ne doit être proposé qu'en dernier recours.
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