REFERENCE
Détruire les micrométastases
Le but des thérapeutiques adjuvantes est de détruire les micrométastases présentes au diagnostic. Le concept de maladie systémique est évoqué par le fait que 70 à 80 % des patientes traitées uniquement par un traitement locorégional décèdent d'une maladie métastatique.
Les premiers essais de chimiothérapie adjuvante ont été menés dans les années soixante-dix. Bonadonna (CMF), en Europe, et Fisher, aux Etats-Unis (melphalan), ont démontré que l'adjonction d'une chimiothérapie (CT), après le geste locorégional, chez les patientes présentant un envahissement ganglionnaire (N+), améliorait la survie sans récidive et la survie globale par rapport aux patientes ne bénéficiant pas de cette chimiothérapie.
Un traitement adjuvant doit tenir compte du couple bénéfice/risque. Bénéfice en termes de réduction de récidive locorégionale, à distance et de décès, et du risque de comorbidité lié aux différents traitements.
1) Quels facteurs doivent être utilisés pour sélectionner le traitement adjuvant ?
Les facteurs pronostiques et prédictifs de la réponse à un traitement adjuvant.
Un facteur pronostique se définit comme une variable présente au diagnostic, clinique ou après chirurgie (histologique), et qui est associée à la survie globale et à la survie sans rechute, en l'absence d'un traitement systémique adjuvant. Ces facteurs jouent un rôle primordial dans l'optimisation des traitements adjuvants.
Les facteurs de mauvais pronostic reconnus dans le cancer du sein sont les suivants :
- clinique
• âge au diagnostic < 35 ans ;
• présence d'un envahissement ganglionnaire ;
• taille tumorale : T > 30 mm ;
• notion de poussée évolutive : Pev de 1 à 3 ; Pev3 = sein inflammatoire.
- anatomopathologie
• présence d'un envahissement ganglionnaire : N+ ;
• taille tumorale ≥ 20 mm ;
• grade histologique défini par le score de Scarff, Bloom et Richardson : grade SBR III de mauvais pronostic (index mitotique élevé, cellules indifférenciées ;
• absence de récepteurs hormonaux aux estrogènes (RO) et/ou à la progestérone (RP) : RH-.
Le caractère N+ demeure le facteur pronostique le plus important. Il impose un traitement adjuvant par CT associé ou non à un traitement HT. Chez les patientes sans envahissement ganglionnaire, N-, il est important de tenir compte des autres facteurs pronostiques. La conférence de Saint-Gallen définit chez les patientes N- deux groupes de patientes à risque de récidive locorégionale et à distance.
Population à risque faible de rechute
Tous ces facteurs doivent être réunis au diagnostic.
Risque faible
- Envahissement ganglionnaire : non.
- Taille tumorale histologique : p ≤ 1 cm.
- RO ou RP : RO+ et/ou RP+.
- Grade SBR : I.
- Age ≥ 35 ans.
Population à risque élevé
Elle va se définir en fonction de l'expression ou non des RH.
* RH- : facteur de mauvais pronostic.
* RH+ : il est alors nécessaire d'avoir au moins un des facteurs pronostiques suivants.
Risque élevé
- Envahissement ganglionnaire : non.
- Taille tumorale histologique : p ≥ 2 cm.
- RO ou RP : RH-.
- Grade SBR : II-III.
- Age < 35 ans.
A ce jour, il n'existe aucun facteur clinique ou biologique reconnu prédictif de la réponse à la chimiothérapie. Le seul facteur biologique prédictif de la réponse reconnu est la présence de RH exprimé par la tumeur.
En effet, il existe une parfaite corrélation entre la présence des récepteurs estrogéniques et/ou progestatifs et la réponse à l'hormonothérapie.
2) A quelles patientes l'hormonothérapie (HT) doit être recommandée ?
L'HT est recommandée chaque fois qu'il est mis en évidence l'expression de récepteurs hormonaux RO et/ou RP+. Cela quel que soit l'âge de la patiente, son statut ménopausique, la présence d'un envahissement ganglionnaire ou pas et la taille tumorale. Le traitement de référence est le tamoxifène (TAM), prescrit à la dose de 20 mg par jour et pour une durée de cinq ans. Concernant le risque de cancer de l'endomètre, il existe, mais l'avantage du TAM sur la prévention du risque de récidive est plus important. Pour la surveillance, les experts à la conférence du NIH à Bethesda ne préconisent qu'une surveillance clinique et non échographique chez les patientes asymptomatiques.
3) A quelles patientes la CT doit être recommandée ? Avec quelles molécules, schéma et dose ?
a) A qui ?
A toutes les patientes de moins de 70 ans, quels que soient leurs statuts ménopausiques présentant un envahissement N+. Pour les patientes N-, comme nous l'avons vu dans le chapitre concernant les facteurs pronostiques, il est nécessaire de distinguer les patientes RH- des patientes RH+. Les patientes N-, RH- doivent bénéficier d'une CT adjuvante. Pour les patientes N-, RH+, il est nécessaire d'avoir l'association avec un seul facteur dit de mauvais pronostic (âge < 35 ans, pT > 20 mm, SBR II-III) pour associer au TAM la CT.
Il existe une catégorie de patientes pour laquelle la chimiothérapie n'est pas recommandée : patiente présentant un carcinome tubuleux ou mucineux de moins de 3 cm. Un carcinome de grade I, ≤ 2 cm, RH+.
b) Quelles molécules ?
Il a été démontré qu'une polychimiothérapie, c'est-à-dire un traitement comprenant au moins deux agents cytotoxiques, diminue le risque de récidive et de décès. Le bénéfice est indépendant de l'âge au diagnostic, de l'envahissement ganglionnaire, du statut hormonal. La métaanalyse d'Oxford publiée en 1992 pour la première fois, réactualisée en 1998 et 2000, a permis d'analyser 15 essais randomisés incluant 14 000 femmes comparant une CT de type CMF (cyclophosphamide, 5-fluorouracil, méthotrexate) à une chimiothérapie comprenant une anthracycline (doxorubicine ou l'épirubicine, FEC, FAC, AC). Les protocoles à base d'anthracycline réduisent à dix ans le risque de récidive et de décès de manière significative. Avantages surtout quand l'anthracycline est associée au cyclophosphamide et au 5-fluorouracil (protocole FEC, FAC). Aux Etats-Unis, le standard est une association AC (adriamycine : 60 mg/m2 et cyclophosphamide : 600 mg/m2, 4 cycles), et, en France, le FEC (5-fluorouracil 500 mg/m2, cyclophosphamide 500 mg/m2, épirubicine 100 mg/m2, 6 cycles). En Europe, l'épirubicine est préférée à la doxorubicine pour sa moindre cardiotoxicité, à efficacité égale. Le CMF avec cyclophosphamide par voie orale (schéma de Bonadonna) reste indiqué en cas de contre-indication aux anthracyclines.
c) Durée, schéma et dose
Les résultats de la métaanalyse nous indiquent qu'il n'existe pas de bénéfice, en termes de diminution du risque de récidive et de décès, à réaliser plus de 6 cycles de CT.
Cette analyse a regroupé 6 000 femmes incluses dans 11 essais dont 3 comportaient une anthracycline. La durée du traitement doit être comprise entre trois et six mois. Il a été démontré par le GEFEA (groupe français) que 6 cycles (FEC 50) faisaient mieux que 3 cycles (FEC 50 ou FEC 75) chez les patientes N+.
Concernant la dose d'anthracycline, le CALGB a démontré qu'il n'existait aucun avantage à augmenter la dose de doxorubicine au-delà de la dose de 60 mg/m2.
Pour l'épirubicine, le GEFEA et un groupe belge ont démontré que la dose optimale d'épirubicine était de 100 mg/m2 en comparaison aux 6 cycles FEC 50 (GEFEA) ou aux 6 cycles de l'EC 60 (groupe belge) chez les patientes N+.
Concernant les patientes N- de mauvais pronostic, les essais cliniques sont en cours pour définir le meilleur schéma thérapeutique.
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