PRÈS D'UN JEUNE sur cinq de CM1 et CM2 consulte son médecin de famille en raison de troubles urinaires ou de constipation, principalement les filles (23,1 %). Le 12e rapport annuel de l'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité des établissements d'enseignement (ONS), destiné au ministère de l'Education nationale, s'est intéressé pour la première fois aux «sanitaires dans les écoles élémentaires». Il porte sur 817 écoles élémentaires de 55 départements, 24 781 élèves de CM1 et CM2 et 817 enseignants.
Les données sur la fréquentation des toilettes par les 8-10 ans sont «très alarmantes», commente pour « le Quotidien » le président de l'ONS, Jean-Marie Schléret, ancien député, conseiller municipal de Nancy*. Seulement 43 % des élèves y vont quotidiennement, 48,5 % de manière irrégulière, quand ils ne peuvent pas faire autrement, et 7,2 % jamais. Parmi ces derniers, un sur deux est pourtant demi-pensionnaire. Dans le même temps, près de la moitié avouent avoir eu mal au ventre parce qu'ils n'ont pas pu aller aux toilettes ; 21,6 % ont eu une infection de la vessie et 15,1 % une constipation aiguë ou chronique. Et 18,8 % des élèves interrogés admettent être allés chez le médecin pour ces pathologies.
Un référentiel national des toilettes à l'école.
Les causes des problèmes sont liées à la configuration des locaux. Dans 29,5 % des cas, filles et garçons s'y côtoient. Pour 22 %, il n'y aucun WC à l'intérieur des bâtiments. Près de 15 % des enfants ont déjà eu peur aux toilettes. Dans bien des cas, les fermetures sont inexistantes ou fonctionnent mal et 453 jeunes indiquent y avoir été enfermés. Les deux tiers des établissements n'assurent aucune surveillance du côté des toilettes. S'y ajoute l'état des lieux : 73 % évoquent la mauvaise odeur, 57 % le manque de propreté et 50,4 % considèrent l'endroit «inhospitalier».
Sans compter le risque d'accident : en 2006-2007, selon une autre enquête, 340 accidents dans les sanitaires ont été déclarés (chute sur sol glissant…), contre 298 en 2005-2006 ; 286 ont nécessité une consultation médicale ou un soin hospitalier.
Pour que ça change, l'ONS, à la fois porte-parole des maires et des enseignants, souhaite que soit élaboré un référentiel national des toilettes à l'école, que devraient respecter les maîtres d'oeuvre. Il recommande également que l'éducation à la santé et à l'hygiène scolaire prenne en compte l'usage des W.-C. «Une grande campagne nationale» ne serait pas du luxe, estime Jean-Marie Schléret. Pour l'heure, la Direction des enseignements scolaires, au ministère de Xavier Darcos, va produire une brochure (en préparation) consacrée à l'hygiène et à la santé.
La levée d'un tabou.
Le Pr Michel Averous, urologue et pédiatre au CHU de Montpellier, consulté par l'ONS, se réjouit de la démarche de l'Education nationale. «Depuis vingt ans, j'oeuvre sur ce terrain, insiste-t-il auprès du “Quotidien”. J'avais lancé personnellement une enquête similaire dans un groupe scolaire héraultais, à Lattes, en 2002, mettant en exergue les mêmes problèmes. Grâce au prix 2003 de la fondation Coloplast pour la qualité de la vie, j'ai pu publier une brochure tirée à 10000exemplaires sur les 10commandements de la miction à l'école (“Je n'attends pas la dernière minute pour aller aux toilettes”, “Je ne pousse pas”, “Je chante”, “Petite fille, avec un jean, j'écarte bien les genoux”, “Je me lave les mains”,etc.)**. »
Les consultations d'uropédiatrie du spécialiste confirment qu'il était temps de tirer, en haut lieu, la sonnette d'alarme. Leur nombre a progressé de 500 en 2006 à 700 en 2007. «Les bonnes pratiques de la miction sont essentielles à faire connaître», insiste le Pr Averous, membre de l'Association française d'urologie. Qu'il s'agisse, notamment, d' «uriner avant 18 heures», de «s'essuyer dans le bon sens» et «de bien porter les pieds sur le sol pour les jeunes filles» ou encore de «boire à un point d'eau situé hors des W.-C.».
Il faut en arriver à intégrer la miction dans l'emploi du temps des élèves et à apprendre aux adultes qui évoluent autour de l'enfant à identifier les problèmes urinaires. En ce qui concerne les enseignants, le message passera par les instituts universitaire de formation des maîtres.
Pour le Dr Cécile Duchemin, médecin-conseil à l'inspection académique de l'Orne, qui a participé au groupe de travail de l'ONS***, un pas vient d'être franchi : «Le pipi à l'école ne constitue plus un sujet tabou.»«Les médecins de l'Education nationale s'emploieront à sensibiliser les enseignants, explique-t-elle au “Quotidien”. L'accès aux toilettes doit être facilité, y compris pendant les cours, à chaque récréation et lors du temps du midi. Il faut s'assurer que l'élève vide complètement sa vessie. Parents et jeunes eux-mêmes vont être conviés à prendre leur responsabilité. Les premiers en veillant à ce que leur enfant n'ait pas mal au ventre les jours d'école et à ce qu'il ne se précipite pas aux toilettes dès son retour de classe, faute de quoi il leur sera demandé d'en informer l'établissement scolaire. Quant aux élèves, nous allons leur faire comprendre qu'il est indispensable de se rendre régulièrement aux W-C.» C'est à ce prix que la miction à l'école deviendra un geste banal et sans risque, dès lors que les toilettes répondront à des normes techniques et seront bien entretenues – par une dame-pipi, pourquoi pas, comme le suggère le Pr Averous. De quoi satisfaire, en somme, la Fédération des conseils de parents d'élèves qui exige des pouvoirs publics la mise en place d'une politique d'éducation à l'hygiène, impliquant enfants, parents enseignants, personnels de service et de santé, et qui réclame l'instauration d'un cahier des charges déterminant la configuration des sanitaires en milieu scolaire.
* Jean-Marie Schléret est également président du Conseil national pour les personnes handicapées.
** Tél. 04.67.33.95.07.
*** Le Dr Marianne Lenoir, médecin de l'Education nationale en Saône-et-Loire, a travaillé également pour l'étude ONS.
L'ONS
L'Observatoire national de la sécurité des établissements d'enseignement (décret du 7 mai 1995) a un champ d'intervention qui va de la maternelle à l'instruction supérieure. Le 7 décembre dernier, un décret en a élargi le domaine aux personnes handicapées, ce qui lui vaut la dénomination d'Observatoire national de la sécurité et de l'accessibilité (ONS) des établissements d'enseignement. Il compte trois collèges de 17 membres chacun représentant les collectivités territoriales, les syndicats-enseignants-parents et les ministères (Education, Santé/Solidarité, Equipement). Organisme indépendant, l'ONS est rattaché à l'Education nationale.
Les équipements
Dans les écoles concernées par l'enquête, 81 % disposent de toilettes type cuvette, 16,4 % sont équipées à la fois de toilettes cuvette et à la turque et 1,8 % ne disposent que de sanitaires à la turque. Dans 50 % des cas, il n'y a pas de balayette, 13 % pas de savon, 10 % ni savon, ni serviette, ni essuie-mains, ni papier, 10 % pas de verrou.
A Paris, des rénovations ont été engagées, qui se traduisent par des boxes fermés, avec une porte allant jusqu'au sol, et un verrou, ouvrable de l'extérieur en cas de pépin. Dans les 657 maternelles, les cuvettes en batterie ont été supprimées et une surveillance instituée aux abords des toilettes pendant la récréation.
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