> La santé en librairie
APRÈS LE CINÉMA et la santé, les régions et la santé et les « autres » métiers de la santé, thèmes des trois précédents numéros de « Sève », c'est à une réflexion sur le temps que nous invite cette fois la rédaction de cette revue indépendante, pluridisciplinaire et prospective sur la santé et l'assurance-maladie. Publiée sous l'égide de la Chaire santé de Sciences Po dans le cadre d'un partenariat entre les Editions de santé et les Presses de Sciences Po, sous la responsabilité éditoriale de Didier Tabuteau, premier directeur général de l'Agence du médicament, « Sève » (Santé : Enjeu, Visions, Equilibres) propose des clefs de lecture de l'actualité et des mutations dans le domaine de la santé. Michel Serres, Didier Houssin, André Grimaldi, Axel Kahn livrent dans ce numéro leurs analyses sur le temps de l'urgence, celui de la maladie chronique, du chronobiologiste, du vieillissement ou sur le rythme rapide des sciences s'opposant à la lenteur du droit et de l'éthique.
Le temps des transformations liées à l'épidémie de sida (François Bourdillon, Alain Sobel) est exemplaire des variations d'échelle : le temps de la possible projection dans l'avenir, depuis les premières trithérapies en 1996, a succédé au temps de la mort, omniprésent dans les années 1980. Le rapport au temps n'est pas le même selon que l'on est malade ou en bonne santé, jeune ou vieux.
Du fait de la discordance entre le temps du médecin, qui s'exerce à une course de vitesse contre la maladie, et celui du patient, qui ne l'est pas toujours et doit exécuter un travail d'acceptation de la maladie, prendre en charge une maladie « de toute la vie » impose des ajustements complexes pour les deux parties. Et comme ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, l'analyse proposée par André Grimaldi, diabétologue, sur le temps de la maladie chronique, est particulièrement instructive : temps de la rupture et du deuil avec l'idéal de santé, temps du changement et de l'angoisse, parfois temps de la sérénité quand la relation médecin-malade le rend possible.
Malheureusement, la surveillance comptable n'est jamais loin, déplore A. Grimaldi, et la maladie chronique, où « il est essentiel de savoir perdre du temps pour en gagner », ne peut pour l'heure trouver sa place dans le temps « robotisé, rêvé par nos économistes de santé et nos managers », ces temps « postmodernes » qui seront alors des temps déshumanisés, dont la réforme hospitalière visant à transformer l'hôpital en entreprise, le médecin en « offreur de soins », le malade en client et le soin en marchandises nous donne plus qu'un avant-goût.
Le compte de vie.
Et le temps ultime, celui des soins palliatifs, est-il coûteux ? Gérald de Pouvourville, économiste de la santé, propose un résumé des réflexions sur cette question du coût de la vie humaine, et donc des décès, qui si elles n'étaient pas très sérieusement menées paraîtraient ubuesques : est-il plus coûteux pour la société de mourir jeune ou vieux, malade ou bonne santé ? Le pire pour nos finances est de mourir vieux après une longue et lourde maladie chronique. Certains éthiciens du droit ont depuis longtemps réfléchi à ces sujets et développé avec une pertinence dramatique la thèse de « la juste durée de vie », explique, chiffres à l'appui, ce directeur des études médico-économiques à l'institut Gustave-Roussy. Les choix faits dans le cadre du Service national de santé britannique de ne pas offrir de soins de dialyse ou de greffes rénales à des personnes âgées sont d'ailleurs un exemple d'application de ce principe du « compte de vie » déjà consommé. Il faut bien mourir avec son temps...
« Sève - Les tribunes de la santé », n° 13, édition de santé/Presses de Sciences Po, le numéro 35 euros. Abonnement pour un an (quatre numéros) : 120 euros ; www.editionsdesante.fr, tél. 01.40.70.16.15.
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