DE NOTRE CORRESPONDANT
IL Y A PLUS DE mille studios de tatouages en France aujourd'hui, soit dix fois plus qu'en 1995, mais il n'y a toujours pas de définition légale de la profession, souligne le tatoueur strasbourgeois Sacha Lehne : le Syndicat national des artistes tatoueurs (Snat) a certes établi et publié des chartes de qualité, mais il réclame un statut pour les tatoueurs, afin de renforcer la sécurité de cette activité. Il en est de même pour le piercing, alors que près de cinq millions de Français en portent au moins un, et que les studios spécialisés effectuent un million d'actes par an.
Pour l'instant, le respect de l'hygiène dépend de la bonne volonté des tatoueurs et des perceurs : il appartient au client de bien se renseigner avant de choisir un atelier. Cependant, ce choix souvent dicté par le bouche-à-oreille n'est pas toujours facile. Le Dr Christophe Le Coz, dermatologue à Strasbourg et fin connaisseur du milieu du tatouage, estime que les professionnels travaillent de plus en plus proprement et maîtrisent de mieux en mieux les risques sanitaires de leur activité (voir ci-dessous)
De nombreux studios ont réalisé de lourds investissements pour optimiser leur hygiène et se fournissent directement chez des producteurs de matériel médical, dont certains ont trouvé, grâce aux tatoueurs, un nouveau créneau d'activité. Outre les aiguilles à usage unique et le matériel stérile, les tatoueurs utilisent des gants et parfois des masques, et investissent dans des autoclaves et des stérilisateurs identiques à ceux des médecins ou des dentistes.
Leanka Platt, tatoueuse à Strasbourg, s'est formée à l'hygiène auprès d'un centre de lutte contre les infections nosocomiales (Clin) et est aujourd'hui référente auprès de ses collègues alsaciens. « J'ai dû me battre pour ça, car, au début, le Clin ne voulait pas m'accepter parce que je n'étais pas professionnelle de santé », explique-t-elle.
Une génération qui change son corps.
Pour des raisons culturelles et de proximité avec des pays où on se tatoue beaucoup, en premier lieu l'Allemagne, l'Alsace est l'une des régions françaises où le tatouage est le plus florissant. Pour le sociologue strasbourgeois David Le Breton*, la demande devient si massive que le tatouage risque de déboucher sur la conformité : « Dans certaines classes d'âge, on finira bientôt par compter ceux qui ne sont ni tatoués ni percés. »
Observant cette « génération qui change son corps pour changer son existence », David Le Breton y décèle une volonté de se constituer « une identité plus heureuse ». Mais la banalisation du tatouage peut pousser ses adeptes à aller encore plus loin, en recouvrant aux implants, au « burning » (scarifications à 1 200 °C), voire à des modifications corporelles et des pratiques encore plus extrêmes. Lesquelles restent marginales, ce qui n'empêche pas le tatouage et le piercing d'avoir un bel avenir, estiment unanimement professionnels et observateurs. « C'est comme le perçage des oreilles ou la teinture des cheveux, remarque le Dr Le Coz : d'abord marginales et presque taboues, ces pratiques esthétiques se sont généralisées dans toute la population, et plus personne aujourd'hui n'imagine les remettre en cause. »
* David Le Breton a publié en 2002 un ouvrage sur les tatouages et les piercings, « Signes d'identité », aux éditions Métailié.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature