BIEN QUE LES TENANTS et aboutissants de cette affaire ne soient pas très clairs, il semblerait que les détenus de Jéricho, membres du Front populaire de libération de la Palestine (Fplp), étaient les assassins de Rehavam Zeevi, alors ministre du Tourisme, tué à coups de revolver dans un hôtel de Jérusalem en octobre 2001. Les Israéliens ont déjà largement prouvé qu’ils ne laissent pas un attentat impuni, surtout si un ministre en est la victime. Apparemment, ils s’étaient satisfaits de ce que les assassins, dirigés par Ahmad Saadat, fussent emprisonnés dans la prison palestinienne de Jéricho, sous la garde de Britanniques et d’Américains.
Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, aurait envisagé de libérer Saadat et ses comparses. Les Israéliens n’ont pas hésité ; et se sont livrés à un kriegspiel contre Jéricho.
Critiques européennes.
Alertés de leur arrivée, les gardes anglo-américains ont quitté les lieux précipitamment ; Saadat et ses complices se sont rendus aux Israéliens. En représailles, le Fplp a enlevé, puis libéré, plusieurs étrangers ; une grève générale a été décidée dans les territoires ; Mahmoud Abbas a abrégé un voyage en Europe pour se rendre à Jéricho.
De la Commission de Bruxelles au Parlement de Strasbourg, les réactions des Européens sont très sévères à l’égard des Israéliens qui ont pris des risques diplomatiques, politiques et de sécurité pour un enjeu encore mal défini : il n’était pas certain que les autorités palestiniennes libéreraient Saadat et sa bande.
Sans doute le Premier ministre par intérim, Ehud Olmert, a-t-il été motivé par des raisons électorales, même si son gouvernement s’en défend. Les campagnes électorales ne sont jamais de tout repos en Israël : on sait par exemple que Rabin a été assassiné après une campagne particulièrement diffamatoire à son égard (il avait été comparé à Hitler). De toute évidence, M. Olmert ne veut pas prendre de risques : la moindre accusation de faiblesse dans ses relations avec les Palestiniens peut être fatale à son projet politique. En outre, la cote de popularité de son parti, Kadima, avait baissé (pour remonter avant l’opération de Jéricho) et il cherche sans doute à garder son avance. Le dernier sondage en date accorde 46 sièges (sur 120) à Kadima, un score remarquable qui pourrait bien être amélioré par la démonstration de fermeté qui vient d’être faite à Jéricho.
Mais le jeu en valait-il la chandelle ? Comme le montre le film de Spielberg, « Munich », les Israéliens se sont toujours efforcés de châtier les terroristes et, en tout cas, de ne pas les lâcher jusqu’au moment où ils les éliminent. Ils avaient été particulièrement indignés par l’assassinat de M. Zeevi et ils avaient toutes les raisons de penser que le Hamas, parvenu au pouvoir, s’empresserait de libérer les assassins. On peut, dans un premier temps, interpréter comme excessif et peu politique leur esprit de vengeance. La victoire électorale du Hamas a été bénéfique à la réputation d’Israël : presque plus personne ne nie en Occident que l’Etat juif joue sa survie avec un tel ennemi. La politique unilatérale de Sharon a réussi, grâce à l’évacuation de Gaza, à faire taire les censeurs professionnels qui, en Europe ou ailleurs, dénigrent systématiquement Israël. Créé par le même Sharon, Kadima est en mesure d’appliquer un programme qui comporte de nouvelles évacuations en Cisjordanie.
Les Européens ont pris acte de l’engagement de M. Olmert à appliquer la « feuille de route » du quartette (ONU, Europe, Russie, Etats-Unis) et souhaitent sa victoire aux élections du 29 mars.
KADIMA RENFORCE SA POPULARITE AU DETRIMENT DE MAHMOUD ABBAS
Un facteur positif.
Le Premier ministre par intérim a donc gâché une partie du crédit qu’il a en Europe et aux Nations unies. En même temps, comme sa victoire est souhaitable aux yeux de tous ceux qui voudraient que l’on parvienne à un accord de paix et à la création d’un Etat palestinien pacifique, le renforcement de Kadima aux yeux de l’opinion publique israélienne est un facteur positif : c’est seulement un pouvoir fort qui pourra négocier la paix. Il faut regarder au-delà des apparences, surtout quand on sait que le Likoud (droite nationaliste), désespéré par sa position dans les sondages, est prêt à se livrer à toutes les calomnies pour enlever des sièges à Kadima.
Par ailleurs, M. Olmert signifie au Hamas que, s’il ne reconnaît pas Israël, Israël lui fera une vie infernale. C’est au Hamas que le message est envoyé : Israël ne s’embarrassera d’aucune considération diplomatique quand il s’agira de combattre un ennemi déclaré.
Malheureusement, l’attaque de la prison de Jéricho porte un coup sévère à l’autorité de Mahmoud Abbas ; c’est d’ailleurs le point le plus négatif de l’affaire, car M. Abbas a besoin d’être ardemment soutenu par les Israéliens. Le président palestinien a déjà eu le bon goût de rejeter le plan de gouvernement que lui a présenté le Hamas : la reconnaissance des avancées politiques depuis les accords d’Oslo n’y était pas incluse, pas plus que les perspectives de négociation avec Israël. M. Abbas est très clair : un programme politique qui ne prévoit pas une négociation de paix est nul et non avenu. M. Olmert n’aurait pas dû négliger ni mettre dans l’embarras un partenaire aussi estimable et, surtout, aussi utile.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature