15° congrès de la Société française de Rhumatologie (SFR) Paris - CNIT - La Défense 18 - 20 Novembre 2002

Les synovites secondaires à une blessure, morsure, piqûre...

Publié le 17/11/2002
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Le risque de surinfection des lésions cutanées par blessure d'origine animale ou végétale oscille entre 30 et 80 % avec deux évolutions possibles : soit les lésions cutanées s'amendent (cas le plus fréquent), soit elles se compliquent en raison de la propagation loco-régionale de l'infection, avec extension possible au tissu synovial d'une articulation ou d'une gaine tendineuse et survenue de signes cutanés en surface, de synovites et de ténosynovites. Comme le souligne le Pr Thierry Schaeverbeke, CHU de Bordeaux, « ce tableau est d'autant plus trompeur qu'il existe le plus souvent un intervalle libre assez long, de plusieurs semaines, entre l'effraction cutanée initiale et la survenue de la synovite. D'où l'importance de vérifier la notion d'une lésion initiale, souvent oubliée, telle qu'une morsure, une griffure ou des petites blessures lors du jardinage, de la pêche ou du nettoyage d'un aquarium ».

Préciser le type d'agression

L'interrogatoire est fondamental pour préciser le type d'agression, car le tableau clinique et l'intervalle libre sont différents selon qu'il s'agit de lésions provoquées par des plantes, des piqûres d'insectes, des morsure de chat ou de chien...
Trois grands tableaux sont individualisés : des synovites aiguës, témoignant d'infections aiguës à pyogènes, des synovites subaiguës, dont le délai de survenue n'est que de quelques semaines après l'inoculation, où l'étiologie dominante est l'infection à pasteurelle, et les synovites chroniques avec un délai d'installation très long, de plusieurs mois et parfois même de plus d'un an, où l'on doit rechercher en priorité une mycobactériose atypique (voir encadré).

La place des prélèvements bactériologiques

Dans le cadre des synovites aiguës, le prélèvement bactériologique est standard, à la recherche de germes classiques aérobies et anaérobies, notamment le groupe des bactéroïdes fréquemment retrouvés dans la bouche des animaux. Dans les tableaux plus torpides de synovites subaiguës, les prélèvements s'orientent surtout vers la pasteurellose, extrêmement courante (environ 85-90 % des infections bactériennes à distance d'une morsure ou d'une griffure de chien ou de chat). Elle concerne également les animaux de compagnie, puisque selon les études vétérinaires, de 90 à 100 % des chats et des chiens sont porteurs sains de pasteurelles. Et précise le Pr T. Schaeverbeke, « le seul élément actuellement validé pour identifier les pasteurelles est la culture classique avec antibiogramme, en spécifiant au bactériologiste la recherche des pasteurelles. Ce prélèvement vise à confirmer l'hypothèse diagnostique et à disposer d'une antibiogramme ». Néanmoins, un traitement simple, débuté avant le résultat de l'antibiogramme, suffit le plus souvent à traiter l'infection (association amoxycilline-acide clavulanique pendant 10 à 30 jours selon la sévérité et l'ancienneté) ; association doxycycline-métronidazole en cas d'allergie aux bêtalactamines ou un macrolide, à condition de disposer de l'antibiogramme en raison de son activité inconstante. A un stade tardif, l'antibiothérapie ne suffit pas toujours à estomper la symptomatologie. Pour cette arthrite ou synovite « réactionnelle », qui n'est plus strictement infectieuse, le traitement antibiotique peut être complété par un traitement AINS prolongé.
Pour la maladie des griffes du chat, le diagnostic repose sur le prélèvement histologique à la recherche de deux germes ( Bartonella henselae et Afipia felis), éventuellement sur des PCR réalisées sur les prélèvements synoviaux ou d'adénopathies et surtout sur le sérodiagnostic des bartonelles. Ce sérodiagnostic n'étant pas réalisé dans tous les laboratoires, il peut être nécessaire de l'acheminer au centre de références des Rickettsies à Marseille (validé par l'OMS). Le traitement repose sur une antibiothérapie pendant 8 à 15 jours, la guérison est lente.
Dans les cas plus rares de morsures par un rongeur, il s'agit souvent de pathologies plus graves (mortalité d'environ 10%, conséquence des endocardites fréquemment associées), avec notamment la fièvre de Haverhill, liée à un streptobacillus transmis par les rats. Le diagnostic repose sur les hémocultures ou la culture de liquide articulaire.
Pour les synovites à piquants, provoquées par des végétaux (rosiers, pyracanthas, dattiers ...) ou des animaux (oursins...), le tableau de synovite aiguë cède spontanément après un traitement AINS. Puis l'apparition d'une synovite chronique traduit soit la persistance du matériel végétal, soit une infection transmise par le végétal. Elle doit amener à rechercher la présence d'un corps étranger avec la radiographie, l'échographie, voire le scanner ou l'IRM. Une synovectomie est le plus souvent nécessaire, afin d'effectuer l'exérèse complète du fragment végétal et de ses débris de résorption. Si aucun corps étranger n'est visualisé, il faut rechercher une cause infectieuse, et la conduite pratique rejoint celle adoptée après une morsure.

D'après un entretien avec le Pr Thierry Schaeverbeke, CHU de Bordeaux.

Les synovites à mycobactéries atypiques

Ces germes très courants de l'environnement (terre, eau) peuvent contaminer une blessure banale, en épluchant des légumes, en jardinant, en manipulant un aquarium... Elles surviennent plus volontiers sur un terrain fragile (diabète, corticothérapie...).
L'élément essentiel du diagnostic est la preuve bactériologique (décalée de 2 à 3 mois après le prélèvement, temps de développement des germes), ainsi que l'histologie (granulomes épithéliaux giganto-cellulaires). Les prélèvements doivent être adressés à un service spécialisé dans l'identification des mycobactéries.
L'antibiothérapie sera débutée sans attendre les résultats : le plus souvent de la clarythromycine et de la rifampycine (ou rifamycine) durant au moins trois mois (parfois plus d'un an), jusqu'à la disparition progressive des symptômes. Un antibiogramme, en cas de synovite persistante et de changement d'antibiotiques. Le plus souvent, une synovectomie est associée à l'antibiothérapie.

Dr Martine ANDRE

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7220