DÉJÀ LARGEMENT ÉVENTÉ par la presse, le rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les dépassements d'honoraires des médecins a été rendu public par le ministère de la Santé (« le Quotidien » du 16 avril). Deux semaines après le début de la polémique, le document définitif fait état d'une augmentation importante des dépassements enregistrés au cours de la dernière décennie faisant «obstacle à l'accès aux soins». Ils correspondaient en 2005 à près de 2 milliards d'euros sur un total de 18 milliards d'euros d'honoraires. «Les deux tiers pèsent directement sur les ménages, après intervention des organismes d'assurance complémentaire», souligne l'Igas. De 1995 à 2004, le taux de dépassement des ophtalmologistes en secteur II est de 53 %. Pour les chirurgiens, il est de 54 %. Il atteint 62 % pour les gynécologues-obstétriciens. L'évolution de ces taux présente d'importantes disparités entre les spécialités et les régions, comme au sein de la même spécialité. Pour endiguer le phénomène, l'Igas formule plusieurs propositions pour limiter ces dépassements (voir encadré).
Les médecins ne veulent pas être instrumentalisés.
A peine le rapport définitif lui était-il remis que Philippe Bas demandait à l'Uncam d'organiser rapidement une réunion avec les syndicats signataires «afin de prendre les mesures nécessaires pour éviter des dépassements d'honoraires abusifs». Le ministère de la Santé souhaite mettre en place des observatoires nationaux et régionaux pour dresser régulièrement des bilans des pratiques de dépassements. «L'objectif est d'avoir une structure souple, pilotée par la direction de la Sécurité sociale, qui se consacre au recensement de tous les dépassements d'honoraires abusifs», explique-t-on au ministère de la Santé. Ces observatoires pourraient être composés d'administrateurs de l'assurance-maladie et de médecins. Le directeur de l'Uncam a écrit aux présidents des trois syndicats signataires de la convention (Csmf, SML et Alliance) pour les convier à se réunir «dans les meilleurs délais». «Le rapport de l'Igas me semble contenir différentes propositions opérationnelles que nous pourrions examiner dans un cadre conventionnel notamment sur l'option de coordination et le renforcement des mécanismes de régulation conventionnelle ou de contrôle permettant de garantir le respect du tact et de la mesure», indique Frédéric Van Roekeghem.
Du côté des signataires de la convention, la Csmf et le SML rejettent l'hypothèse d'une grande réunion d'explication sur les dépassements d'honoraires «sous la pression». Le message est clair : pas question de participer à une séance «dictée par le calendrier politique», avant le deuxième tour de l'élection présidentielle. «Le sujet est important, il doit être traité au fond mais il n'y a aucune urgence, tempère Michel Chassang. Je refuse que les médecins soient instrumentalisés, il faut déconnecter ce dossier du contexte électoral.» Une fois de plus, le président de la Csmf regrette les «fuites» du rapport dans la presse, les «amalgames» opérés entre des pratiques tarifaires condamnables et d'autres, qui sont parfaitement légales.
Même analyse du Dr Dinorino Cabrera, président du Syndicat des médecins libéraux (SML). «Toute table ronde devra prendre le temps de la sérénité: une réunion précipitée, pour la frime, n'est pas envisageable et présenterait même des risques», tranche-t-il, un brin agacé. Les deux responsables syndicaux font surtout le lien entre le dossier des dépassements et celui du secteur optionnel, renvoyé après les élections. Ils expliquent en substance qu'on ne peut pas, d'un côté, différer la négociation sur le secteur optionnel et les compléments d'honoraires encadrés et, de l'autre, vouloir traiter «dans l'urgence» la question des pratiques tarifaires abusives des spécialistes.
Quant à l' «observatoire» des dépassements souhaité par le ministère de la Santé, il est envisagé prudemment par les syndicats, sous réserve d'un débat exhaustif (volumes d'activité, types de dépassements, blocage de certains tarifs).
Les syndicats non signataires déplorent pour leur part ne pas être associés aux discussions. «Nous sommes prêts à discuter de ce sujet entre les deux tours ou après la troisième mi-temps, ironise le Dr Jean-Paul Hamon, vice-président de la FMF. Nous avons toujours été contre les dépassements pharaoniques.» MG-France a écrit à Philippe Bas pour lui demander de convier l'ensemble des syndicats de médecins libéraux, mais aussi les associations de patients, «premiers concernés par les dépassements». «En tant que médecins traitants, les généralistes ont pour mission d'adresser leurs patients aux spécialistes et ils ne savent pas toujours combien cela va leur coûter», regrette le président du syndicat, le Dr Martial Olivier-Koehret. Même si elle n'aura pas lieu avant la fin du cycle électoral, cette table ronde sur les dépassements d'honoraires ne pourra pas être longtemps repoussée.
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