Ils avaient prévenu que leur mouvement se poursuivrait en janvier si Marisol Touraine restait sourde à leurs revendications. Après avoir fermé leurs cabinets durant les fêtes de fin d’année pour tenter de faire plier la ministre de la Santé, les praticiens libéraux, à l’appel de la quasi-totalité de leurs syndicats, suivent désormais un mot d’ordre de grève administrative depuis le 5 janvier. L’objectif affiché reste inchangé : le retrait du projet de loi (ou du moins sa réécriture) et la suppression de la réforme du tiers payant généralisé.
Engorger la Sécu
Ce moyen d’action n’est pas le fruit du hasard. « La grève de la télétransmission, c’est un peu l’arme atomique, à utiliser en dernier recours », analyse le Dr Jean-Paul Hamon, patron de la FMF. Cette stratégie du « tout papier » conduit progressivement à emboliser les caisses primaires, obligées de traiter manuellement les feuilles de soins. En cas de grève massive, le remboursement des patients risque d’être différé de plusieurs semaines. Ces perturbations offrent une caisse de résonance à la contestation médicale.
Depuis le début du conflit - que les syndicats déclarent massivement suivi - l’assurance-maladie a rechigné à donner des chiffres sur le nombre de FSP et de FSE reçues et traitées. Même rengaine dans huit caisses primaires jointes au téléphone par le « Quotidien » en début de semaine.
La caisse du Rhône a toutefois reconnu « une baisse notable » du nombre de FSE reçues lors des premiers jours de grève administrative. Le 5 janvier, précise la caisse, la diminution était de l’ordre de 50 % (elle reçoit en moyenne 40 000 feuilles de soins par jour, dont 35 000 FSE). D’autres caisses à l’inverse minimisaient volontiers la portée du mouvement, ces derniers jours encore. La mesure des effets de la grève est d’autant plus complexe que les patients attendent souvent plusieurs jours pour les mettre au courrier.
Faut-il y voir un signe de la crainte qu’inspire cette grève du zèle aux pouvoirs publics ? La CNAM, dès le 3 janvier, rappelait à la profession les engagements pris dans la convention médicale. Elle y précisait les sanctions prévues pour ceux qui s’affranchiraient de cette obligation (lire ci-dessous).
Selon plusieurs témoignages, l’assurance-maladie fait également de l’obstruction dans certains secteurs en bloquant l’approvisionnement des feuilles de soins papier.
Mouvement fédérateur
Tout ceci laisse de marbre les syndicats. Tous assurent que la discrétion des caisses sur les chiffres de la grève prouve qu’elles sont impactées. « Si le mouvement était peu suivi, elles se seraient dépêchées de communiquer », assure ainsi Jean-Paul Hamon. Le président de la FMF jure que les libéraux ne sont pas près d’arrêter le mouvement tant que Marisol Touraine n’aura pas accepté de réécrire le projet de loi à la faveur de groupes de travail où la profession aurait vraiment sa place (copilotage systématique des ateliers par un médecin, nouvelles thématiques abordées...).
Partout, la tonalité est la même. Au Syndicat des médecins libéraux (SML), le Dr Éric Henry n’envisage pas d’arrêter « un mouvement aussi fédérateur ». D’autant, assure-t-il, que cela permet de discuter avec les patients, « qui sont à fond avec nous », et de faire preuve de pédagogie. Le syndicat va envoyer une piqûre de rappel à ses adhérents pour les inviter à ne pas relâcher la pression.
Faire feu de tout bois
Le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, est tout aussi motivé.Outre le boycott de la carte Vitale,il prône avec d’autres le retour au papier pour la déclaration médecin traitant, les arrêts de travail ou les protocoles de soins. Son collègue de l’UNOF, le Dr Luc Duquesnel, assure que « cette grève commence à noyer les caisses sous la paperasse ». Le Dr Xavier Gouyou-Beauchamps (Le BLOC) invite ses confrères à faire feu de tout bois : arrêt de la télétransmission sous toutes ses formes, utilisation massive du papier et des photocopies, mais aussi tracts imprimés au verso des courriers A4 ou des ordonnances... « Cela permet une diffusion colossale de notre mouvement », résume-t-il.
Malgré les événements dramatiques de ces derniers jours, qui ont mis au second plan la fronde des médecins, la profession affiche sa détermination. « Il y a beaucoup d’impatience et même d’exaspération », note le Dr Claude Leicher, président de MG France.
Nouvelle fermeture des cabinets, grève des gardes, durcissement de la grève administrative ? MG France n’exclut rien, tout comme les autres organisations. La CSMF envisage déjà une nouvelle journée de grève et de manifestation nationale fin janvier. Des actions communes devraient être décidées. À moins d’un an des élections professionnelles, l’unité syndicale reste de mise.
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