Donneurs d'organes séronégatifs pour le VHC

Les surprises de la recherche d'ARN viral

Publié le 01/11/2004
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UNE EQUIPE de virologues français a procédé à une analyse rétrospective sur les sérums de 3 049 donneurs consécutifs d'organes et de tissus afin de déterminer si les nouvelles techniques de détection d'ARN viral pouvaient accroître la sécurité de ce type d'intervention. Depuis quelques années, la technique de recherche des anticorps anti-VHC et anti-VIH a été abandonnée chez les donneurs de sang au profit d'une recherche systématique de l'ARN des virus de l'hépatite C et du VIH. Quand ces mesures ont été mises en place, la question du rapport coût/efficacité d'une telle méthode s'est posée. Néanmoins, en raison du nombre d'infections évitées et grâce à l'automatisation des analyses, l'adoption de ces procédures n'a plus depuis été remise en cause. Mais, jusqu'à présent, le don de tissus et d'organes ne bénéficiait pas de telles mesures préventives. Pourtant, en raison de la mise en place d'un traitement immunosuppresseur, les patients greffés présentent un risque majoré d'infections graves par rapport aux témoins.

Des infections multiples par le VHC.
En 2003, le CDC d'Atlanta s'interrogeait sur le risque d'infection des receveurs de greffes provenant de donneurs ayant des anticorps anti-VIH et VHC négatifs. L'interrogation faisait suite à des cas d'infections multiples par le VHC dans les suites de transplantations d'organes et de tissus, prélevés sur un sujet en mort quarante receveurs ayant reçu un greffon provenant de ce donneur, huit ont été infectés par le VHC (trois ayant reçu un organe et cinq chez qui un tissu avait été greffé). La recherche sérologique rétrospective d'ARN du VHC s'était révélée positive chez ce donneur.
C'est pour l'ensemble de ces raisons et pour contribuer à améliorer la sécurité des greffes que l'équipe du Pr Jean-Michel Pawlotski (CHU Henri-Mondor, Créteil) a procédé à une recherche rétrospective d'ARN du VIH et du VHC sur le sérum de 3 049 donneurs consécutifs d'organes ou de tissus (2 236 donneurs en mort cérébrale, 636 donneurs de tissus et 177 donneurs de cornée) dont les premiers prélèvements viraux s'étaient révélés négatifs. L'ensemble des sérums ont été testés avec différentes techniques récentes : recherche d'anticorps anti-VIH1 et VIH2, antigène VIH p2, anticorps anti-VHC et recherche directe d'ARN viral. Sur les 3 049 prélèvements initialement négatifs, 45 se sont secondairement révélés anticorps anti-VIH positifs (21 donneurs d'organes, 2 donneurs de tissus et 22 donneurs de cornée) et 108 anticorps anti-VHC positifs (99 donneurs d'organes, 3 donneurs de tissus et 6 donneurs de cornée). La recherche d'ARN viral a permis de confirmer l'infection par le VHC chez 5 des 2 119 donneurs d'organes séronégatifs et chez 1 des 631 donneurs de tissus séronégatifs. En revanche, aucun des prélèvements positifs pour le VIH n'a été confirmé par la recherche d'ARN viral et la mesure de l'antigénémie p24.

Un défi technique.
Pour les auteurs, « la signification clinique de la virémie VHC chez les sujets séronégatifs et le degré d'infectivité de ces donneurs restent encore à explorer. Néanmoins, nos résultats et d'autres publications en rapport avec le même thème suggèrent que la mise en place de tests de détection de routine de l'ARN viral chez les donneurs pourrait permettre de limiter le nombre de cas d'infection chez les receveurs. Toutefois, il persiste un défi technique à l'utilisation de tels dosages, puisque, contrairement aux dons de sang pour lesquels les échantillons sont poolés pour réduire des coûts d'analyse, les dons de tissus et d'organes sont par définition isolés. Pourtant, en raison de l'existence d'un déficit immunologique chez les receveurs, l'adoption d'une recherche systématique de l'ARN pourrait, même en l'état actuel des développements techniques, être dotée d'un bon rapport coût/efficacité ».

« The Lancet », vol. 364, pp. 1611-1612, 30 octobre 2004.

> Dr ISABELLE CATALA

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7623