LA PRISE EN CHARGE périopératoire des patients porteurs d'un stent coronaire repose sur des règles édictées à partir de la connaissance des conséquences potentielles de l'arrêt du traitement antiagrégant plaquettaire. La durée minimum de ce traitement varie selon le type de stent, l'association aspirine-clopidogrel devant être poursuivie au minimum six semaines après l'implantation d'un stent à métal nu (non pharmaco-actif) et jusqu'à dix-huit mois pour les stents pharmaco-actifs. Ces derniers s'avèrent supérieurs aux précédents en terme de prévention de la prolifération intimale responsable de la resténose et de pronostic (1). En revanche, ils s'accompagnent d'une augmentation significative du risque de thrombose quand les modalités du traitement antiplaquettaire ne sont pas strictement respectées (2). Cependant, si la bithérapie est poursuivie, le risque de thrombose de ces deux types de stents est identique (3).
Un délai de six semaines.
Une étude réalisée sur 40 sujets ayant bénéficié d'une chirurgie non cardiaque de 1 à 36 jours après l'implantation d'un stent témoigne du risque spécifique de cette population de patients (4). Dix-huit d'entre eux ont développé des complications graves per- et postopératoires. « Des complications hémorragiques si le traitement antiagrégant avait été poursuivi, et des complications coronariennes s'il avait été suspendu », précise le Pr Coriat.
Chez les patients porteurs de stents nus, l'arrêt de la ticlopidine 6 jours avant et de l'aspirine 5 jours avant permet de réaliser l'intervention sans majorer le risque hémorragique, avec un risque de thrombose du stent faible. Il faut souligner que, comme l'a montré une étude menée à la Pitié-Salpétrière sur des patients porteurs d'un stent non pharmaco-actif adressés pour chirurgie aortique et ayant eu une prise en charge périopératoire standardisée (5), la revascularisation préopératoire ne semble pas améliorer le risque coronaire. Dans cette étude, « l'intervention chirurgicale a été programmée entre la 6ème et la 8ème semaine faisant suite à la revascularisation myocardique ». On ignore encore les raisons de l'absence de bénéfice sur l'incidence de ces complications coronaires. Elle pourrait s'expliquer par la survenue d'une thrombose partielle au niveau du stent. Quoi qu'il en soit, un délai d'au moins six semaines doit être respecté entre le stenting et l'intervention.
Des cas de nécrose myocardique aiguë.
En ce qui concerne les stents pharmaco-actifs, « l'arrêt du traitement par le clopidogrel et l'aspirine, même s'il survient plusieurs années après la mise en place du stent pharmaco-actif, expose à la survenue d'une thrombose du stent avec nécrose myocardique du territoire situé en aval de la dilatation coronaire », met en garde le Pr Coriat. Plusieurs cas cliniques ont été rapportés après une chirurgie colique ou une intervention endoscopique, dont le premier il y a deux ans par une équipe parisienne, survenu après un arrêt du traitement antiplaquettaire plus de 3 mois après l'implantation du stent (6). Cette complication a également été signalée en 2004 chez des patients référés pour chirurgie non cardiaque par des Autrichiens (7) et par des Néerlandais (8). Dans l'ensemble de ces cas, la thrombose est survenue après 4 à 14 jours d'arrêt de l'aspirine, de 335 à 442 jours après la mise en place du stent. À noter que chez les patients qui avaient eu simultanément des stents nus (n=2), ceux-ci sont restés perméables (8). « Seuls les stents pharmaco-actifs étaient thrombosés ». Dans une série récente de 1 236 patients hospitalisés pour syndrome coronaire aigu, l'accident est survenu un mois après l'arrêt de l'aspirine pour 4,1 % d'entre eux, motivé dans, respectivement, 14 % et 16 % des cas par une chirurgie et par une endoscopie (9). Le risque est donc réel et le Pr Coriat signale à ce propos le dépôt d'une plainte médicolégale par un patient porteur d'un stent pharmaco-actif implanté six mois avant une intervention de chirurgie orthopédique et victime, en postopératoire immédiat, d'une nécrose myocardique aiguë par thrombose. Une complication favorisée par l'arrêt des antiagrégants plaquettaires 8 jours avant l'intervention.
Globalement, le risque de thrombose des stents pharmaco-actifs est limité si la bithérapie antiplaquettaire est poursuivie pendant toute la période opératoire, significatif si la ticlopidine est arrêtée, même si l'aspirine est poursuivie, et important si les deux antiplaquettaires sont arrêtés, même si une héparine de bas poids moléculaire est prescrite.
Implications pratiques.
Si une intervention chirurgicale est prévue dans les deux à trois ans chez un patient coronarien, la mise en place d'un stent pharmaco-actif est contre-indiquée. Une alternative peut être proposée : le « stenting métabolique » par statines à hautes doses. « Si l'existence de sténoses coronaires impose une angioplastie, la revascularisation coronaire ne peut être complétée que par des stents nus après discussion avec les équipes chirurgicale et d'anesthésie et les cardiologues interventionnels », recommande le Pr Coriat.
Chez les malades porteurs d'une endoprothèse coronaire adressés en milieu chirurgical, l'anesthésiste-réanimateur doit s'enquérir du type du stent auprès du cardiologue qui l'a implanté. S'il s'agit d'un stent pharmaco-actif, l'intervention doit, lorsque cela est possible, être réalisée sous traitement antiagrégant plaquettaire. « L'arrêt de ce traitement ne peut se faire que pour des interventions chirurgicales faisant courir un risque vital si elles sont réalisées sous antiagrégants plaquettaires ». Ainsi, la chirurgie ne doit être réalisée sous bithérapie ticlopidine + aspirine que si la nature de l'intervention le permet et si le risque hémorragique lié à celle-ci peut être contrôlé. « Dans tous les cas, insiste le Pr Coriat, le malade doit être prévenu, d'une part, d'un risque hémorragique majoré avec la bithérapie antiagrégante et, d'autre part, des conséquences de la poursuite ou de l'arrêt du traitement antiagrégant plaquettaire en fonction de sa pathologie ». La décision d'arrêter ce traitement ne sera prise qu'après l'accord écrit du cardiologue qui suit le malade ou qui a mis le stent, et l'information du patient de façon claire et consignée par écrit sur le risque réel d'insuffisance coronaire périopératoire.
* D'après un entretien avec le Pr Pierre Coriat, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
(1) Morice MC et coll. « N Engl J Med » 2002 ; 346 (23) : 1773-1780.
(2) Ong AT et coll. « J Am Coll Cardiol » 2005 ; 45 (12) : 2088-2092.
(3) Moreno R et coll. « J Am Coll Cardiol » 2005 ; 45 (6) : 954-959.
(4) Kaluza GL et coll. « J Am Coll Cardiol å 2000 ; 35 (5) : 1288-1294.
(5) Godet G, Riou B, Bertrand M, Fleron MH, Goarin JP, Montalescot G, Coriat P. « Anesthesiology » 2005 ; 102 (4) : 739-746.
(6) Fleron MH et coll. « Ann Fr Anesth Reanim » 2003 ; 22 (8) : 733-735.
(7) Auer J et coll. « J Am Coll Cardiol » 2004 ; 43 (4) : 713.
(8) McFadden EP et coll. « Lancet » 2004 ; 364 (9444) : 1519-1521.
(9) Ferrari E et coll. « J Am Coll Cardiol » 2005 ; 45 (3) : 456-459.
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